Les contribuables financent les grèves!
Le conflit de travail qui vient de prendre fin au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal, a duré six mois. Pendant un conflit, les travailleurs reçoivent de leur syndicat des indemnités. Saviez-vous que les contribuables financent en partie ces paiements?
Cette aide financière résulte du fait que les indemnités sont exemptes d’impôt, alors que les cotisations syndicales servant à amasser le fonds de grève, elles, sont déductibles d’impôt. Ainsi, les contribuables subventionnent indirectement l’allongement des conflits.
Plus précisément, les cotisations syndicales sont déductibles du revenu imposable au fédéral. Au Québec, elles donnent droit à un crédit d’impôt de 20%. Pour un travailleur dont le revenu annuel est fondé sur la rémunération hebdomadaire moyenne des employés syndiqués (757,49$ en 2006), cela équivaut à une subvention implicite de 38,4%.
Une déduction ou un crédit d’impôt, c’est une sorte de subvention, à la différence qu’au lieu de recevoir un montant d’argent du gouvernement, le groupe ciblé par la mesure paie moins d’impôt, ce qui revient au même. Il s’agit d’un transfert de l’ensemble des contribuables vers un groupe particulier. Or, quand on subventionne quelque chose, on incite les agents économiques à en produire plus. Veut-on vraiment favoriser l’allongement des conflits de travail?
Les gouvernements justifient cet avantage fiscal par le fait que la cotisation syndicale est une charge que l’employé syndiqué a l’obligation de payer pour occuper son emploi. Voilà une conséquence de la formule Rand. C’est en vertu de ce même principe que les cotisations aux ordres professionnels sont déductibles d’impôt.
Comme la cotisation syndicale est déductible d’impôt, on pourrait penser que l’indemnité devrait être imposable. Dans le cas des REÉR, par exemple, les cotisations sont déductibles d’impôt et les retraits sont imposables. Mais pas ici: les indemnités versées par un fonds de grève sont non-imposables.
Comparons cette fois un fonds de grève et une police d’assurance dont les primes sont payées par l’assuré. Dans le cas de l’assurance, les prestations ne sont pas imposables, puisque l’assuré a payé les primes avec son revenu après impôt. Un fonds de grève peut s’apparenter à une forme d’assurance, car il limite les conséquences d’un conflit de travail sur le revenu du travailleur syndiqué. Selon cette logique, si l’indemnité n’est pas imposable, la cotisation au fond de grève ne devrait pas être déductible d’impôt.
Alors pourquoi l’État subventionne-t-il les conflits de travail? Un fonds de grève n’est pas un programme social géré par un syndicat. Et personne d’autre que les syndiqués concernés ne bénéficie des indemnités. En fait, bien souvent des tiers subissent les contrecoups d’un conflit de travail – surtout lorsque celui-ci survient dans le secteur public.
Ainsi, les gouvernements devraient soit supprimer les avantages fiscaux qui sont associés aux cotisations servant à alimenter les fonds de grève, soit rendre les indemnités imposables. La première solution serait la plus logique, en raison de la parenté entre la cotisation au fonds de grève et la prime d’assurance. Mais il faudrait alors départager la cotisation syndicale qui va au fonds de grève de celle qui finance les autres activités du syndicat. La seconde solution est sans doute la plus pratique: considérer les indemnités comme un revenu imposable.
Paul Daniel Muller est président de l’Institut économique de Montréal.