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Textes d'opinion

Libre de choisir

Après avoir été passif pendant plusieurs mois, Mario Dumont se lance de nouveau dans la «politique extrême» avec la question des commissions scolaires. Il est vrai que la création d’un chantier de réflexion sur la démocratie scolaire a de quoi faire bondir de colère, car ce n’est clairement qu’une tactique pour faire taire les critiques et reporter le débat, de préférence à un moment où la population sera préoccupée par un autre problème. Mais de là à déclencher des élections, il y a une marge! Le dossier des commissions scolaires n’est tout de même pas si important.

Mario Dumont veut faire le procès des commissions scolaires (CS). Or, à en juger par le très faible taux de participation aux élections scolaires, la population a déjà rendu son verdict: les CS sont d’une «grossière inutilité».

Comment expliquer que les écoles privées, les cégeps et les universités fonctionnent malgré l’absence d’une CS qui joue le rôle d’intermédiaire entre l’école et le ministère de l’Éducation? Le palier de décision supplémentaire que constituent les CS n’est clairement pas essentiel. Et quand on sait que certaines CS chapeautent des dizaines, voire des centaines d’établissements scolaires, on peut douter que les décideurs embourbés dans la bureaucratie soient à l’écoute des besoins spécifiques de chaque école. Or, qui du directeur d’école ou du fonctionnaire qui n’est jamais sorti de son bureau, est en mesure de prendre les meilleures décisions pour le bien-être des élèves?

Il faut être ouvert à la possibilité de décentraliser la gestion des écoles. Non seulement pourrait-on éviter les dépenses administratives inhérentes à l’existence des CS, mais le fait de réduire la bureaucratie permettrait aux écoles de s’adapter plus facilement à leur clientèle et d’innover dans les services éducatifs. On pourrait d’ailleurs citer le cas des écoles à charte (écoles publiques laïques) qui existent en Alberta et aux États-Unis et qui sont autonomes. À en juger par la croissance plutôt rapide des écoles à charte aux États-Unis particulièrement, il semble évident que les parties concernées sont satisfaites de leurs résultats.

S’interroger sur la légitimité des CS est important. Mais aucun politicien ou «chantier de réflexion» ne réussira à en saisir toutes les subtilités. Pourquoi donc ne pas procéder autrement en donnant aux principaux concernés la possibilité d’exprimer leurs préférences? Pourquoi ne pas laisser aux écoles le choix de se placer sous l’aile d’une CS, ou de traiter directement avec le ministère? Ce n’est ni à Mario Dumont ni à la ministre Courchesne de trancher sur la légitimité des CS: c’est aux écoles de le faire.

Si elles choisissent massivement de couper le cordon, c’est que les CS sont effectivement inutiles et elles disparaîtront progressivement. Si les écoles restent fidèles à leur CS, c’est que la crise nationale que tente de déclencher Mario Dumont est injustifiée. Il est donc inutile de gaspiller l’argent des contribuables dans des consultations stériles. Il est tout aussi inutile de déclencher un bras de fer politique et de palabrer éternellement sur la nécessité d’abolir ou de maintenir les CS. Il suffit de laisser aux écoles la liberté de choisir ce qui leur convient le mieux.

Il est vrai qu’octroyer la liberté de choix est un concept étranger à la politique québécoise. Nous sommes plutôt habitués à laisser les élus décider à notre place. N’est-il pas temps que ça change?

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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