Un remède aux algues bleues
Deux causes expliquent la prolifération des algues bleues (cyanobactéries) dans certains lacs. D’une part, les fertilisants utilisés dans l’agriculture finissent par ruisseler jusqu’aux cours d’eau, ce qui augmente le phosphore dans les lacs. D’autre part, des propriétaires de résidences bordant les rivières et les lacs négligent l’entretien de leurs fosses sceptiques ou déboisent leurs rives et leurs berges.
Comme solution, jusqu’à présent, le gouvernement a surtout fait planter des arbres et a aidé financièrement les municipalités à purifier l’eau. Ainsi, on fait payer par l’ensemble des contribuables le palliatif d’un problème causé localement. Classique! Certains groupes exhortent le gouvernement à durcir la réglementation sur la préservation des rives et des berges et l’entretien des fosses sceptiques, et celle encadrant l’usage des fertilisants.
En principe, on s’entend sur le fait que les responsables de la pollution doivent payer pour leurs dégâts. Mais le gouvernement aura-t-il la volonté de forcer les agriculteurs et les riverains récalcitrants à appliquer de nouvelles normes? On peut en douter.
Rien de plus facile que d’édicter un règlement. Mais quand vient le temps de le faire respecter, c’est une tout autre histoire. Voilà un problème courant lorsqu’une ressource naturelle est la propriété de l’État. On a vu les résultats dans le cas de la forêt publique et des bancs de pêche!
Les riverains d’un lac infesté d’algues bleues sont les personnes les plus concernées par le problème. Par contre, les recours individuels n’apparaissent pas comme une solution pragmatique. Le Code civil accorde aux riverains le droit de se servir d’un cours d’eau ou d’un lac qui traverse ou borde leur terrain. À ce droit est assortie l’obligation de préserver la qualité de l’eau. À défaut de la respecter, une autre partie peut éventuellement exiger la « destruction de tout ouvrage qui pollue ou épuise l’eau ».
Mais on peut difficilement imaginer qu’un grand nombre de propriétaires individuels choisissent cette voie.
On se retrouve donc dans une situation quasi kafkaïenne : l’État propriétaire des lacs a les moyens de protéger la qualité de son bien mais n’est pas motivé à le faire; les riverains individuels sont motivés, mais n’ont pas les moyens d’agir.
Si un lac était la propriété d’une personne unique, physique ou morale, celle-ci serait pleinement motivée à intenter des recours contre les pollueurs. Elle aurait sans doute aussi les moyens d’agir. La privatisation des lacs est une solution intéressante en théorie, mais ne paraît pas réaliste, notamment en raison de la grande variance dans le nombre et les moyens de leurs riverains.
Reste une troisième voie à explorer : la délégation par le gouvernement de certains droits et pouvoirs à une association de propriétaires riverains. Un peu comme une association de copropriétaires, une association de riverains dotée d’une personnalité juridique et de certains moyens aurait l’autorité morale pour faire pression sur ses membres délinquants, pourrait négocier avec les agriculteurs, voire recourir aux tribunaux.
Jean Charest et Lyne Beauchamp ont raison de refuser une intervention pompier : cherchons une façon de responsabiliser les principaux intéressés plutôt que de créer une escouade de « cyano-macoutes ».
* Cet article a aussi été publié sur www.cyberpresse.ca (Le Soleil & La Tribune).
Paul Daniel Muller est président de l’Institut économique de Montréal.