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Textes d'opinion

Le salaire minimum, un exemple de rigidité

Dans une économie, le marché du travail revêt une importance fondamentale, car c’est lui qui affecte le capital humain à ses usages les plus productifs. Mais dans le but de protéger les travailleurs, les gouvernements y introduisent des contraintes qui le rendent moins souple. Malheureusement, de telles rigidités freinent la création d’emploi et créent du chômage. Au Québec, le marché du travail est plus réglementé et le taux de chômage plus élevé qu’ailleurs en Amérique du Nord depuis 30 ans. Assouplir les lois du travail serait dès lors un moyen efficace et peu coûteux d’y créer de l’emploi.

La souplesse du marché du travail désigne la facilité avec laquelle travailleurs et employeurs négocient des contrats de travail mutuellement avantageux de telle façon que la rémunération versée, les conditions de travail et le nombre de travailleurs embauchés fluctuent avec le moins d’entraves possible.

Lorsque les travailleurs qualifiés se font rares, les employeurs offrent des salaires élevés et des conditions de travail bonifiées. À l’inverse, quand les offres d’emplois sont limitées, les travailleurs révisent à la baisse leurs demandes salariales et leurs exigences. Lorsque ces échanges se font avec une relative facilité, un nombre optimal d’offreurs et de demandeurs de main-d’oeuvre trouvent satisfaction, avec pour résultat la création d’un nombre d’emplois maximal.

Pour être souple, le marché doit donc fonctionner librement et pouvoir s’adapter aux chocs conjoncturels et à un environnement économique en perpétuelle évolution.

Lorsque le gouvernement introduit des mesures visant à protéger les travailleurs, il diminue la souplesse du marché du travail. Si, par exemple, il empêche les salaires et les conditions de travail de s’ajuster à la baisse ou encore gonfle artificiellement la rémunération ou les avantages sociaux, il entrave la négociation d’ententes mutuellement avantageuses ou limite la liberté de l’employeur de licencier du personnel tout en augmentant les coûts assumés par l’entreprise.

Or, quand les coûts augmentent alors que la productivité des travailleurs demeure inchangée, certains d’entre eux commencent à coûter plus qu’ils ne rapportent et ne présentent plus d’intérêt pour l’employeur. Par exemple, un travailleur dont les services génèrent à l’employeur des recettes de 7 $ l’heure ne sera pas embauché s’il impose un coût de 8 $ l’heure.

Question d’embauche

Le salaire minimum est un bon exemple de rigidité. Au Québec, le revenu annuel d’une personne travaillant au salaire minimum représente 50% du PIB par habitant, soit la proportion la plus élevée des 60 États et provinces d’Amérique du Nord.

Lorsqu’on hausse le salaire minimum, on croit aider les personnes les plus pauvres, mais on oublie que près des deux tiers des travailleurs au salaire minimum sont âgés de moins de 25 ans, souvent encore aux études et habitant chez leurs parents, qui ne sont pas pauvres. On oublie également que le salaire minimum constitue la porte d’entrée sur le marché du travail pour l’autre tiers, soit les individus les moins qualifiés qui, pour diverses raisons, ont peu d’éducation et d’expérience de travail (décrocheurs, immigrants, femmes âgées qui retournent sur le marché du travail, etc.). Ceux-ci sont peu productifs, de sorte que leur seul espoir de grimper éventuellement l’échelle du marché du travail est de pouvoir mettre le pied sur le premier barreau.

L’augmentation du salaire minimum les pénalise de plein fouet, car elle a pour effet de hisser ce premier barreau à une hauteur qui devient inaccessible pour plusieurs. Des employeurs vont en effet juger non rentable l’embauche de travailleurs dont la faible productivité est inférieure aux coûts désormais plus élevés qu’ils occasionnent. Cela les confine ainsi au chômage: des chercheurs canadiens ont montré qu’une hausse de 10% du salaire minimum réduit l’emploi de 2,5% chez les adolescents.

Si on veut vraiment aider les personnes à faible revenu, d’autres mesures de nature fiscale comme une «prime au travail» (c’est-à-dire un crédit d’impôt remboursable sur le revenu d’emploi) ont un effet beaucoup plus direct sur les revenus nets, sans les effets pervers sur le marché du travail et l’emploi d’une hausse du salaire minimum.

La syndicalisation

Une autre forme de rigidité est la réglementation des relations de travail qui favorise la syndicalisation. Les lois du travail québécoises sont parmi les plus favorables aux syndicats et le Québec est la région qui affiche le plus haut taux de syndicalisation en Amérique du Nord.

Des chercheurs ont montré que le chômage augmente quand les lois régissant les relations de travail sont trop rigides. Or, selon l’Institut Fraser, le Québec se retrouve de nouveau au dernier rang à ce chapitre en Amérique du Nord et au 49e rang pour ce qui est de la performance de son marché du travail.

La façon la plus efficace d’aider les travailleurs est de maintenir souples les lois du travail pour assurer le dynamisme du marché du travail. Dans un contexte de forte création d’emploi, un travailleur trouve facilement un poste et exerce un pouvoir de négociation plus élevé lorsque vient le temps de déterminer son salaire et ses conditions de travail puisqu’il a facilement le choix d’aller ailleurs. En cas de licenciement, il retrouve rapidement du travail. Ce ne sont pas des réglementations sévères qui lui assureront un revenu plus élevé et un emploi assuré mais bien la rareté de la main-d’oeuvre par rapport à la demande.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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