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Textes d'opinion

Une vérité qui blesse

Lucien Bouchard a soulevé un tollé général en déclarant que nous travaillons moins que les Ontariens et que les Américains. Les syndicats ont d’ailleurs été les premiers à s’insurger contre les propos de l’ex-premier ministre. Pourtant, n’est-ce pas eux qui ont milité pour augmenter les congés, allonger les vacances et réduire la semaine de travail?

Que ça plaise ou non, M. Bouchard n’a fait que rapporter les statistiques: les Québécois travaillent chaque année 90 heures de moins que les Ontariens, et 230 heures de moins que les Américains. Évidement, nous sommes libres de travailler moins, mais encore faut-il en accepter les conséquences. En l’occurrence, moins travailler implique que nous soyons globalement plus pauvres. Tout comme un individu qui travaille peu dispose d’un faible revenu, il en va de même pour une société. C’est une simple relation de cause à effet.

Mais pourquoi donc les Québécois ne travaillent-ils pas davantage? Ce n’est pas une question de paresse, c’est une question d’incitation! Quand les travailleurs sont frappés du taux d’imposition marginal maximum dès que leurs revenus atteignent près de 56 000 $, et quand 48% de leur temps de travail sert à assouvir l’appétit fiscal des gouvernements, pourquoi travailleraient-ils davantage? Plutôt que de clouer M. Bouchard au pilori, les syndicats auraient mieux fait de reconnaître les faits et d’en profiter pour réclamer des réductions d’impôts. N’est-ce pas justement leur rôle que de défendre les salariés?

On a pu entendre les présidents de la FTQ et de la CSQ déclaraient que travailler moins est un «choix de société». Trop facile! Je ne me souviens pas qu’il y ait eu un débat sur cette question. Mais si c’est véritablement un choix, alors ne nous plaignons pas d’être parmi les régions les plus pauvres en Amérique du Nord, d’avoir un taux de croissance toujours plus faible qu’en Ontario et un taux de chômage systématiquement plus élevé que la moyenne canadienne depuis les 30 dernières années.

Parmi les moins productifs

Si les déclarations de M. Bouchard sont exactes, elles demeurent incomplètes. Le fait de travailler moins que nos voisins ne serait pas inquiétant si nous étions plus productifs. Or, ce n’est pas le cas, nous sommes parmi les moins productifs en Amérique du Nord.

Heureusement, la faible productivité n’est pas une maladie incurable. Le remède est simple: il faut que les entreprises investissent dans la machinerie et qu’elles allouent plus de fonds à la recherche et développement. À l’instar des travailleurs, les entreprises ont également besoin d’incitations. Or, vu les contraintes importantes que leur imposent les lois du travail et les syndicats, et la gourmandise du régime fiscal, elles sont peu incitées à investir au Québec. Avec 23% de la population, nous ne recevons que 17% des investissements privés au pays.

Un autre déterminant de la productivité est le niveau de qualification des travailleurs. Ici, on pourrait mettre au banc des accusés notre système d’éducation et sa tendance à la «démocratisation» des diplômes. Les établissements d’enseignement peuvent bien réduire leurs exigences pour augmenter leur taux de réussite, les employeurs ne sont pas dupes et les diplômes perdent de leur valeur.

Ils sont quand même amusants tous ces mouvements revendicateurs de gauche: ils veulent travailler le moins possible et compter sur l’État pour répondre à tous leurs besoin. Mais, direz-vous, travailler plus et mieux est-il vraiment indispensable? Pourquoi ne pas simplement entretenir notre paradis des loisirs? Tout simplement parce que nous nous sommes dotés d’une panoplie de programmes sociaux visant à «mieux répartir la richesse». Or, on ne peut répartir ce que l’on n’a pas.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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