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Textes d'opinion

Vous nous plumerez!

Les Alouettes ont remporté une belle victoire la semaine dernière. Il ne s’agit pas des quatre placements de Damon Duval, mais du fait que la Ville de Montréal ait donné son aval à l’agrandissement du stade Percival-Molson. Ainsi, McGill pourrait voir la capacité de son stade augmenter de 5000 sièges et accueillir 25 000 visiteurs.

Évidemment, ce n’est pas le Père Noël qui règlera la facture totale de 27 millions. Les Alouettes investiront 4 millions, tandis que les gouvernements fédéral, provincial et municipal sont invités à combler la différence de 23 millions.

Mais qui donc bénéficiera des largesses de nos élus? Les Alouettes, certainement! Or, une équipe professionnelle est une entreprise à but lucratif comme toute autre. Si un restaurateur ne peut demander aux payeurs de taxes d’assumer la construction de son restaurant, pourquoi donc devrions-nous financer l’agrandissement d’un stade? La plupart des entrepreneurs doivent emprunter pour financer leur entreprise et les individus empruntent pour acheter leurs maisons, pourquoi une équipe sportive ferait-elle exception?

Si les Alouettes demandent l’aide de l’État, c’est certainement parce que l’équipe a été incapable de séduire suffisamment d’investisseurs privés, ce qui n’est pas surprenant vu qu’elle ne joue que dix matchs par année à Montréal! Il faudrait alors demander à la Mairie pourquoi elle estime que ce projet mérite l’argent des contribuables.

L’autre grand gagnant de ce projet est l’Université McGill à qui le stade appartient et dont les 13 000 étudiants amateurs de sport jouissent régulièrement. Toutefois, McGill ne déboursera pas un sou pour l’agrandissement de son stade! Évidemment, on pourrait invoquer le sous-financement des universités pour justifier le fait que McGill n’ait pas les moyens de se lancer dans un tel projet. Si tel est le cas, ce serait une raison supplémentaire de rouvrir le dossier du dégel des frais de scolarité. Quand des jeunes payent entre 100 et 300$ pour assister au concert de Madonna, pourquoi serait-il scandaleux de leur demander de contribuer au financement de leur stade?

Un État nounou

Avec la subvention du Stade Percival-Molson, l’État pousse son rôle de nounou jusqu’à décider pour les Québécois du type de divertissement qui mérite d’être financé. Il prend ensuite les fonds nécessaires dans les poches des contribuables et assume une partie des coûts d’une entreprise privée. Mais pourquoi donc permettons-nous à une poignée de fonctionnaires de prendre notre argent pour subventionner le sport de leur choix? Ne serait-il pas plus logique de rendre à chaque Québécois son argent afin de lui permettre de le dépenser lui-même dans le type de divertissement qu’il privilégie?

La décision est d’autant plus paradoxale que la Ville crie misère depuis plusieurs années. Elle enregistre un déficit de 400 millions cette année et flirte régulièrement avec la possibilité d’augmenter le fardeau fiscal des citoyens. Quant aux élus provinciaux, il ne s’écoule pas une semaine sans qu’ils ne mendient à Ottawa au nom du déséquilibre fiscal. Si les gouvernements municipal et provincial sont incapables de réparer les routes ou de financer les hôpitaux et les écoles, n’est-il pas curieux qu’ils trouvent les fonds nécessaires pour un stade?

À l’instar de nos élus, l’équipe de football adopte également un comportement de mendiant. Elle, et toutes les autres entreprises qui sollicitent régulièrement l’aide de l’État devraient peut-être songer à renoncer au «bs corporatif» et assumer pleinement la responsabilité de leurs projets et de leurs décisions plutôt que de la transférer aux contribuables. Où est donc le véritable entrepreneurship?

Si l’équipe de football obtient les subventions convoitées, les contribuables québécois pourront alors chanter en coeur: Alouettes, gentilles Alouettes, Alouettes …vous nous plumerez!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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