Élever les normes du public
À la suite de série de scandales de gouvernance qui ont frappé des sociétés comme Enron, Worldcom et Tyco, les actionnaires des sociétés ouvertes ont exigé des normes accrues en matière de divulgation de l’information, de transparence et de reddition de comptes par la direction des entreprises.
Aux États-Unis, le Congrès a répondu à cette pression par la loi Sarbanes-Oxley, qui oblige les sociétés ouvertes américaines à respecter des normes claires et très détaillées quant à leurs pratiques comptables, de communication de l’information comptable et de divulgation.
Ainsi, les dirigeants d’entreprises américaines qui déclarent volontairement des informations financières erronées s’exposent à des amendes plus lourdes (5 M$) et à des peines d’emprisonnement plus sévères (20 ans) qu’auparavant.
Faut-il établir des règles similaires pour les dirigeants du secteur public? C’est ce que viennent de suggérer deux ex-politiciens, Mike Harris et Preston Manning, dans le troisième volet de leur série de documents de réflexion intitulée Pour un Canada fort et prospère.
Selon eux, le scandale des commandites, le gâchis du ministère du Développement des ressources humaines, et celui plus récent du registre des armes à feu sont la preuve qu’il est grand temps d’obliger les gouvernements à respecter des normes tout aussi élevées.
Une version canadienne – et à l’intention des gouvernements – de la loi Sarbanes-Oxley obligerait le gouvernement à communiquer son information financière, protégerait mieux les dénonciateurs qui exposent les délits et imposerait des sanctions appropriées lorsqu’il y a manquement au devoir des dirigeants gouvernementaux.
Cette idée s’inspire entre autres de la Nouvelle-Zélande. Au début des années 1990, leur gouvernement faisait preuve de créativité comptable pour dissimuler la gravité de sa situation financière. En réaction à ces manoeuvres, le parlement a voté en 1994 le Fiscal Responsibility Act.
Cette loi établit des principes de gestion financière et de communication responsable de l’information financière, et oblige les dirigeants gouvernementaux à suivre ces principes. Par exemple, le sous-secrétaire d’État (l’équivalent du sous-ministre) est tenu personnellement responsable – par contrat – de la gestion financière et du rendement de son ministère.
MM. Harris et Manning proposent même la création et la publication d’un bulletin annuel sur le rendement des gouvernements, à commencer par le fédéral. Un tel bulletin aurait pour objectif de mesurer la performance globale du gouvernement.
Il va sans dire qu’il ne serait pas aisé d’établir un consensus sur des indicateurs objectifs de ce qui constitue un «bon» ou un «mauvais» rendement pour nos gouvernements. Les deux hommes en sont conscients, mais estiment que la tâche en vaut la peine.
Un tel bulletin serait sans conteste un outil utile pour les citoyens, notamment en période électorale. Aux sanctions légales qui seraient facilitées par une «loi Sarbanes-Oxley», viendrait s’ajouter la sanction politique des électeurs qui – sur la base de l’information objective fournie par les bulletins annuels de performance – pourraient décider en toute connaissance de cause de donner congé aux politiciens qui ont abusé de leurs pouvoirs ou gaspillé les fonds publics.
Tasha Kheiriddin est vice-présidente exécutive de l’Institut économique de Montréal.