Déséquilibre fisc… quoi?
Stephen Harper est décidément un fin politicien. En ramenant le déséquilibre fiscal au coeur de l’arène politique et en s’engageant à le résoudre, il s’est non seulement mérité la sympathie des électeurs et des premiers ministres provinciaux, mais il a également réussi à apprivoiser plusieurs de ses adversaires.
Ainsi, depuis plus d’une semaine, une euphorie collective semble s’être emparée des Québécois, alors que tout le monde se réjouit à l’idée que le gouvernement fédéral pourrait se montrer plus généreux envers les provinces. Certains y voient même la promesse d’un fédéralisme «nouveau et amélioré».
Il est temps maintenant de revenir à la réalité et de voir les choses telles qu’elles sont. Le déséquilibre fiscal n’est pas une effroyable injustice commise par Ottawa envers Québec, mais bien par Ottawa envers les contribuables. L’expression «déséquilibre fiscal» n’est en fait qu’un écran de fumée, un jargon politiquement correct pour camoufler le fait que Québec veut s’approprier l’argent qu’Ottawa perçoit en trop dans les poches des contribuables.
Il faut cesser de scander que l’argent se trouve à Ottawa alors que les besoins sont à Québec. Ottawa ne possède rien, si ce n’est les sommes qu’on nous «arrache» pour financer l’appareil gouvernemental. Si le fédéral enregistre des surplus, il est normal qu’il les restitue à leurs propriétaires légitimes, les contribuables, car les provinces n’ont aucun droit sur cet argent.
Le courage de ses ambitions
Si Québec a besoin d’argent pour financer ses programmes, que M. Charest vienne lui-même nous en demander. Après tout, un premier ministre devrait avoir le courage de ses ambitions. Le gouvernement provincial devrait assumer l’odieux des hausses d’impôts. Les contribuables n’ont peut-être d’autre choix que de partager avec l’État le fruit de leur labeur, mais ils devraient avoir le droit de savoir quelle est la proportion de leurs impôts que chaque palier de gouvernement s’attribue. Nous savons à quel point il est facile pour les politiciens de gaspiller l’argent des contribuables. Il est donc inutile de leur faciliter davantage la tâche en leur permettant de s’approprier des sommes à notre insu.
Le déséquilibre fiscal est un faux problème facile à résoudre, car Ottawa et Québec se disputent des fonds qui ne leur appartiennent pas. Dans son discours du 26 janvier dernier, M. Harper déclarait que sa priorité serait de faire le ménage au gouvernement, de le rendre plus transparent. Il reste maintenant à espérer qu’il aura la colonne vertébrale pour refuser d’être «l’émissaire fiscal» de M. Charest.
Quant aux finances de Québec, ce ne sont pas les recettes qui sont insuffisantes, ce sont les dépenses qui sont excessives. Notre premier ministre provincial devrait commencer par couper dans ses programmes, ses ministères, le nombre de ses fonctionnaires et ses commissions d’enquête inutiles avant de penser à piger dans nos poches. Il devrait surtout nous prouver qu’il est capable d’employer notre argent de manière responsable avant de nous en demander davantage.
Il serait également dangereux d’enrichir l’État, car cela aurait pour effet de multiplier les groupes de pression qui courtisent souvent les politiciens dans l’espoir de s’approprier une part de nos impôts pour garnir leur portefeuille. C’est ainsi que 300 millions $ ont été engloutis dans le fiasco de l’usine Gaspesia, et que l’on finance plus de 1700 programmes d’aide et de subventions aux entreprises, alors qu’on nous impose une médecine de brousse et que des enfants mangent à leur faim un jour sur deux. La «redistribution de la richesse» profite souvent à des vautours préoccupés uniquement par leur intérêt personnel. Donner davantage de moyens à l’État ne ferait qu’accentuer ce phénomène!
Nathalie Elgrably est économiste à l’Institut économique de Montréal.