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Textes d'opinion

Vers un système de santé mixte? Contrairement à une idée reçue, il existe bel et bien une offre de soins de santé en réserve

Le gouvernement Charest indiquera bientôt comment il compte donner suite à l’arrêt Chaoulli-Zeliotis, par lequel la Cour suprême a invalidé les articles de loi qui prohibent les contrats privés d’assurance maladie portant sur les soins qui sont également assurés par le régime public.

La Cour suprême a pris cette décision dans un contexte où les patients attendent pendant des délais excessifs, qui selon elles mettent en péril leur santé et leur vie. Ces délais excessifs existent encore aujourd’hui en dépit des centaines de millions de dollars d’argent fédéral et québécois qui ont été ajoutés au budget de la santé depuis quelques années.

La Cour a rappelé à juste titre la hiérarchie des valeurs qui doit nous guider: le droit à la vie prime sur l’objectif de préserver l’intégrité du système de santé public. Lorsque ce système n’arrive pas à répondre à la demande, les gens doivent conserver une sortie de secours. À l’heure actuelle, seuls les gens fortunés – ceux qui ont les moyens de débourser le prix de soins médicaux de leur poche – ont accès à cette sortie de secours dans le privé.

Même à l’intérieur du système public, certains patients sont déjà moins égaux que d’autres dans le système actuel. Ainsi on peut payer de sa poche ou avoir une assurance privée pour subir une radiographie ou des tests médicaux dans le privé, même s’il s’agit de services médicalement requis. Les personnes biens branchées auprès des professionnels de la santé obtiennent des rendez-vous plus facilement que les gens dépourvus de telles relations. Une personne assurée par la CSST ou la SAAQ qui subit un accident au travail ou sur la route est traitée plus rapidement qu’une autre personne subissant la même blessure en d’autres circonstances. Le système de santé se dépêche de traiter ces assurés d’abord car les indemnités d’invalidité coûtent cher à ces assureurs.

Argent frais

Le secteur de la santé englobe les établissements du «réseau» ainsi que tous les prestateurs de soins privés. La levée de la prohibition qui frappe actuellement l’assurance maladie privée permettra l’injection de nouveaux fonds dans le secteur de la santé, en supplément au financement public. Mais il y a aussi lieu, de l’autre coté de l’équation, de libérer l’offre de réserve.

À l’heure actuelle, la loi oblige les médecins à choisir: s’ils veulent exercer contre rémunération de source privée, ils doivent se désengager totalement de l’assurance maladie publique; c’est tout l’un ou tout l’autre. Or, permettre l’assurance maladie privée tout en maintenant cette restriction du coté de l’offre pourrait pousser plusieurs médecins à se désengager du régime public pour se consacrer entièrement aux soins financés privément.

Un tel déplacement de l’offre de soins est à éviter dans l’intérêt des patients qui resteront en attente de soins financés publiquement; c’est une augmentation de l’offre qu’il faut viser. Les médecins participants à la RAMQ devraient donc pouvoir travailler aussi contre rémunération privée, en marge de leur prestation normale de travail au service des patients dont les soins sont financés publiquement.

Accroître l’offre

Contrairement à une idée reçue, il existe bel et bien une offre en réserve. De nombreux chirurgiens opèrent seulement une ou deux journées par semaine en raison des contraintes budgétaires des hôpitaux. D’autres médecins sont limités par les plafonds salariaux. Dans l’ensemble, les médecins québécois travaillent environ 10% de moins que la moyenne canadienne. Tous ces faits indiquent qu’il est possible d’accroître l’offre de services médicaux.

Ces propositions permettraient d’accroître tant le financement que l’offre de soins médicaux, de sorte que plus de soins seraient dispensés chaque année. Elles s’inspirent d’une vision d’un secteur de la santé mixte, englobant un système public égalitaire et un secteur privé innovateur. Elles rapprocheraient le modèle d’assurance maladie québécois de ceux que l’on retrouve en Europe, par comparaison à ceux en vigueur au Canada et aux États-Unis.

Paul Daniel Muller est chercheur associé à l’Institut économique de Montréal.

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