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Textes d'opinion

Vers un fédéralisme parallèle?

À l’occasion du Forum des fédérations du Mont-Tremblant, il est utile de réfléchir sur l’impact que peut avoir la globalisation sur les gouvernements.

La globalisation signifie la mobilité des ressources, biens, capital et main d’œuvre. Cela s’opère, notamment, par l’abaissement des tarifs et des autres formes de protectionnisme. Historiquement, des traités comme l’ALÉNA, l’Union Européenne et le GATT ont favorisé cette globalisation.

Le fédéralisme supra-national par le libre-échange

Les bienfaits du libre-échange sur notre niveau de vie sont assez bien connus. Par contre, on parle beaucoup moins des bienfaits du libre-échange sur le fonctionnement de nos gouvernements.

Dans le secteur public, les forces globales s’exercent indirectement, mais tout aussi fortement, que dans le secteur privée. Autrement dit, le mécanisme de mobilité des ressources, et la compétition que favorise cette mobilité, joue là aussi.

En effet, en raison de la mobilité accrue des ressources, toute intervention inefficace par un gouvernement national impose un fardeau de plus en plus lourd aux nationaux qui en sont victimes. Pourquoi? Tout simplement parce que l’ouverture de l’économie nationale au libre-échange permet aux producteurs locaux de déplacer plus facilement leurs ressources et aux consommateurs de s’approvisionner ailleurs. Par exemple, un québécois payera cher une bureaucratie trop lourde (et les impôts élevés qui l’accompagnent) car son employeur pourrait bien quitter pour l’Ontario.

En tant qu’aménagement concurrentiel, le libre-échange, à l’intérieur des blocs économiques (Europe, ALÉNA, etc.) ou encore à l’échelle du monde, place donc les gouvernements nationaux dans une position semblable à celle qu’à une province vis-à-vis de l’économie nationale des États fédéraux.

Le trait distinctif d’une structure fédéraliste est que la plupart des compétences sont confiées aux administrations décentralisées (provinces, canton, etc).

Le fédéralisme véritable, c’est donc d’abord et avant tout la décentralisation et la compétition que cette décentralisation génère. Ceci a pour effet de circonscrire le pouvoir de l’État au profit de l’individu.

Gouvernements parallèles

Le «fédéralisme parallèle» peut également susciter une compétition bénéfique pour les citoyens.

Le «fédéralisme parallèle» est une formule par laquelle les gouvernements se font compétition afin d’offrir aux citoyens certains services et où, par voie de conséquence, le citoyen peut choisir son «fournisseur gouvernemental».

Dans les fédérations nationales actuelles, les provinces n’ont pas le pouvoir d’offrir des services à ceux qui sont en dehors de leur territoire. Autrement dit, le gouvernement ontarien ne peut concurrencer le gouvernement du Québec en offrant ses services à Madame Tremblay de Montréal. Si Madame Tremblay est vivement mécontente des services offerts, elle doit quitter le Québec, un point c’est tout.

Seul Ottawa fait parfois un peu concurrence aux provinces sur leur terrain législatif. Les défaillances de cet aménagement sont claires.

On peut pourtant imaginer que les gouvernements provinciaux pourraient avoir des compétences de nature non géographique. Bref, exercer une souveraineté sur les personnes plutôt que sur territoire en particulier. Les provinces jouiraient ainsi de pouvoirs égaux et non exclusifs sur le territoire des autres provinces, pourvu qu’elles obtiennent le consentement des administrés.

Notre bonne Madame Tremblay pourrait, par exemple, décider que c’est le gouvernement du Nouveau-Brunswick qui payera pour ses services de santé. Évidemment, elle serait taxée pour cela. Ce concept de gouvernements parallèles n’est pas aussi utopique ou théorique que l’on pourrait croire à première vue quoiqu’il ne soit pas nécessairement applicable dans tous les domaines.

Déjà, en Europe, les règles en matière d’investissements par les entreprises sont régies par la loi du pays où l’entreprise a été incorporée plutôt que la loi où l’entreprise opère. Il en va de même aux États-Unis, où les sociétés peuvent choisir l’État de leur incorporation. C’est ainsi que le minuscule État du Delaware profite d’un grand nombre de création de compagnies sous sa juridiction.

Conclusion

Les vielles idées et les vielles méthodes doivent être remises en cause. Certains conflits très chauds, comme plusieurs conflits avec les autochtones par exemple, pourraient être solutionnés grâce à un fédéralisme véritablement innovateur. Espérons que le sommet du Mont-Tremblant favorisera ce genre de réflexion.

 

Jean-Luc Migué est chercheur associé à l’IEDM, Michel Kelly-Gagnon est président de l’IEDM.

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