Une solution pour les urgences engorgées axée sur les patients – Le Choix privé universel: un complément à l’assurance-maladie
Les salles d’urgence se sont retrouvées au centre du débat sur l’amélioration du système de santé canadien, en proie à la détérioration. De pair avec les listes d’attente, l’engorgement des urgences signale les dysfonctionnements du système partout au pays.
Les infirmières et médecins des salles d’urgence savent par expérience que leur engorgement est causé par les défaillances des autres secteurs du réseau de la santé. Par exemple, le pourcentage de maladies et blessures mineures traitées dans les salles d’urgence est très élevé.
Les patients sont souvent dirigés vers les salles d’urgence parce que les cliniques ordinaires sont fermées ou ne peuvent pas les soigner dans un délai acceptable, ou encore parce que l’hôpital manque de lits et que la salle d’urgence devient le dernier recours. Lorsque la clinique externe d’un hôpital devient un substitut pour les cliniques publiques ou privées, ce sont les véritables cas d’urgence qui en subissent les conséquences.
De plus en plus de gens se demandent comment les services médicaux et hospitaliers contrôlés par les provinces ont pu se retrouver dans un tel déclin au Québec et dans le reste du Canada. La réponse se trouve sans doute dans le fait suivant: la plupart des pays de l’OCDE donnent l’accès universel aux services de santé publics, mais tous, à l’exception du Canada, donnent également accès à une solution de rechange, sous la forme d’assurance-maladie privée.
La grande différence entre la loi canadienne et celle des autres pays tient à la prohibition de toute alternative privée d’assurance ou de services médicaux pour des soins couverts par l’assurance d’État.
La première prohibition de ce type a été adoptée par le gouvernement libéral du Québec en 1970, par l’ajout d’un article à la loi établissant la Régie de l’assurance-maladie du Québec. Cette clause coercitive n’était pas nécessaire. Elle a été ajoutée sous la pression excessive des syndicats. Ce principe a plus tard été copié par les autres provinces et par la Loi canadienne sur la santé de 1984.
En 2001, l’Institut économique de Montréal (IEDM) a publié une étude, signée par le Dr Jacques Chaouilli et moi-même, intitulée Le choix privé universel: une vision de la santé offrant la qualité, l’accès et le choix à tous les Canadiens. Cette étude faisait un survol des leçons apprises dans d’autres pays qui, comme le Canada, ont un système public et donnent l’accès universel aux services de santé. La plupart de ces pays possèdent des systèmes parallèles ou mixtes pour le financement et l’assurance des soins de santé. Le Canada se retrouve quant à lui dans une situation embarrassante, puisque sa propre loi lui interdit d’expérimenter ou de tester des solutions de rechange ou des formules hybrides.
On peut toutefois retenir une leçon des quelque 40 ans de planification centralisée des services médicaux par des monopoles provinciaux au Canada: ce régime mène à l’appauvrissement, à la rareté, au rationnement, à la détérioration des soins et à la désuétude technologique. Il crée aussi des listes d’attente pour le diagnostic et le traitement, l’engorgement des installations, la démoralisation du personnel et la perte de la liberté de choix en matière de santé.
Maintenant qu’ils observent ces résultats inquiétants, les Canadiens se montrent de plus en plus ouverts à une nouvelle approche de la prestation et du financement des soins de santé. Une tellle approche leur apportera des résultats plus conformes à leurs attentes et plus proches de l’expérience supérieure vécue en Europe de l’ouest.
Les systèmes de santé du Québec et des autres provinces ont besoin de changements fondamentaux. Cette conclusion est appuyée par plusieurs sondages successifs de la Harvard School of Public Health et du Commonwealth Fund. En 1988, 56% des Canadiens se déclaraient satisfaits du système de santé. En 2001, ce taux était tombé à 21%, et 77% des Canadiens sentaient le besoin d’un changement fondamental, voire d’une refonte complète.
Depuis quatre ans, les sondages d’opinion montrent aussi qu’une forte majorité de Canadiens favorise le droit d’acheter une assurance privée pour des services déjà couverts par l’assurance-maladie, mais qui ne sont pas toujours facilement disponibles. Cette attitude est généralement doublée d’une réserve, voulant que le système public ne doive pas être mis en danger par l’utilisation volontaire de services alternatifs.
Ces changements fondamentaux et la reconstruction du système de santé devraient être axés sur les besoins et les préférences des patients. L’objectif devrait être de créer un nouvel environnement où patients et professionnels auront la liberté de choix dans les domaines du financement, de l’assurance et de la prestation des services, et où la qualité et l’accessibilité seront les priorités.
Une telle approche a été proposée et décrite dans Le choix privé universel. Les objectifs de cette nouvelle approche sont décrits avec plus de détails sur le site Web de l’IEDM:
- Le choix privé universel est basé sur le principe selon lequel les patients, les médecins, les hôpitaux, les assureurs et les autres fournisseurs de soins de santé doivent être libérés des lois coercitives qui limitent gravement l’accès à l’assurance-maladie privée et à des services médicaux privés dans les hôpitaux.
- Ce concept libère les capacités d’innovation et de compétition de tous les intervenants, pour le bien des consommateurs.
- Il élimine le monopole gouvernemental et met à profit la concurrence et la planification individuelle.
- Il conserve l’assurance-maladie comme option universelle pour des services de base.
- Il place le pouvoir d’achat entre les mains des consommateurs, riches et pauvres, et encourage les patients à participer au marché des services de santé. Il les aide à poser des choix éclairés entre les options d’assurance-maladie.
- Enfin, le choix privé universel donne plus d’indépendance aux hôpitaux, dans la sélection de leur financement et de leur vocation. Ceux-ci se montreront plus concurrentiels face à des consommateurs financièrement responsabilisés, et soucieux de qualité des soins. Cela leur permettra d’impartir à des sous-traitants les services de type hôtelier, les laboratoires, l’imagerie médicale et les chirurgies d’un jour. Celles-ci pourront se faire dans des établissements privés lorsque les listes d’attente seront trop longues.
Le choix privé universel permet de passer du monopole d’État à une approche pluraliste du financement, de l’assurance, du paiement et de la prestation des services, qui devient principalement contrôlée par le patient.
Le Dr Edwin Coffey est chercheur associé senior à l’Institut économique de Montréal. Il est coauteur du cahier de recherche Le choix privé universel et a récemment contribué au livre Better Medicine: Reforming Canadian Health Care. Il a été président de l’Association médicale du Québec et a aussi enseigné comme professeur adjoint à l’École de médecine de l’Université McGill.