Op-eds

Une décennie vécue différemment selon l’âge

Les Canadiens ne sont guère plus prospères aujourd’hui qu’ils ne l’étaient en 2014.

Au dernier trimestre de 2024, le niveau de vie moyen des Canadiens s’élevait à 58 951$, soit un «énorme» 759$ de plus qu’au quatrième trimestre de 2014, une fois l’inflation prise en compte.

Autrement dit, après 10 années à trimer dur, nous ne serions à peine plus d’un pour cent plus riches.

Cependant, ces données ne reflètent pas nécessairement la réalité vécue par l’ensemble des Canadiens, parce qu’elles montrent une moyenne. Et les préoccupations exprimées lors de la dernière campagne électorale le montrent bien.

Dans un sondage mené par la firme Ipsos au cours de la semaine précédant le dernier scrutin fédéral, on constate que le niveau d’insatisfaction à l’égard du gouvernement en place décroît avec l’âge des électeurs sondés.

Chez les 18 à 34 ans, 56% se disaient insatisfaits, une proportion qui chute à 44% chez les 55 ans et plus.

Lorsqu’on pose la question aux plus jeunes, ils affirment que les enjeux clés étaient le coût de la vie, l’inabordabilité du logement et la criminalité.

L’inquiétude à l’égard des politiques du président Trump était un facteur important pour 18 % des jeunes, contre 45 % chez leurs parents et grands-parents de 60 ans et plus.

On ne prétendra pas que les électeurs plus âgés n’ont pas été touchés par le coût de la vie, l’inabordabilité et la criminalité: ces enjeux ont affecté l’ensemble des Canadiens. Mais les jeunes ont été plus nombreux à être frappés plus durement.

Pour bien comprendre, pensez au début de votre carrière. Vous étiez vraisemblablement dans la vingtaine, veniez de terminer vos études et viviez en appartement.

À ce moment de votre vie, votre train de vie était financé exclusivement par votre chèque de paye dans un poste de premier échelon et l’idée d’avoir des économies semblait plus distante que le besoin de rembourser vos dettes.

Au fil du temps, votre salaire croît avec l’expérience et les promotions, votre maison prend de la valeur, votre hypothèque se rembourse, et vous accumulez des économies de plus en plus importantes dans un REÉR ou d’autres véhicules d’investissement en préparation pour votre retraite.

Les politiques nationales qui ont miné notre prospérité au cours des 10 dernières années relèvent directement du contrôle de nos politiciens fédéraux.

Dans ce contexte, la piètre performance de l’économie canadienne au cours de la dernière décennie — ainsi que son effet sur notre pouvoir d’achat — n’est qu’un des éléments qui affectent votre situation financière.

Alors que cette dernière décennie a été une décennie perdue du point de vue du travail au Canada, elle ne l’a pas été du point de vue des actifs.

L’indice composite S&P/TSX, qui suit la valeur des actions à la bourse de Toronto, est passé de 14 632,44 $ au 31 décembre 2014, à 24 727,94 $ au 31 décembre 2024. Cela représente une croissance de près de 69 % en l’espace de 10 ans.

Cette croissance se reflète tant dans les investissements directs détenus dans vos REÉR, CELI et autres instruments d’épargne, que dans la valeur des fonds de retraite des entreprises, dont dépendent bon nombre de travailleurs.

Les marchés financiers n’ont toutefois pas été les seuls à avoir connu une croissance record.

Il y a dix ans, le prix moyen d’une résidence au Canada était d’environ 430 000$. Aujourd’hui, selon les plus récentes données, la valeur moyenne est de 713 700$.

Même ajustée à l’inflation, cela représente une croissance de 28,1 % en l’espace d’à peine 10 ans.

Essentiellement, le prix d’une maison a crû de 43 $ en moyenne par jour.

Pour ceux et celles qui étaient déjà propriétaires, cela a représenté une période de croissance de la valeur de leurs actifs et de leur patrimoine.

Or, pour les plus jeunes en début de carrière, cette flambée des prix a rendu leur rêve d’accession à la propriété de plus en plus hors de portée.

Cette différence dans le vécu de ces deux générations aide à comprendre pourquoi les priorités des jeunes ont autant divergé de celles de leurs parents et grands-parents lors de la dernière campagne électorale.

Alors que les plus âgés ont identifié les menaces tarifaires du président Trump comme l’enjeu pouvant le plus affecter leur niveau de vie, les jeunes qui ont vécu cette décennie perdue et en ressentent les effets ont plutôt pointé du doigt les politiques nationales comme la plus grande menace à leur niveau de vie.

Si ces deux perspectives sont valables, il importe de reconnaître que, ces politiques nationales qui ont miné notre prospérité au cours des 10 dernières années relèvent directement du contrôle de nos politiciens fédéraux.

Espérons que notre nouveau premier ministre saura relever ces défis.

Daniel Dufort is President and CEO of the MEI. The views reflected in this opinion piece are his own.

Back to top