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Plus de concurrence en éducation, pas moins

Cette semaine, le mouvement École ensemble a fait les manchettes de plusieurs médias en proposant de réformer le système «injuste» d’éducation québécois en abolissant notamment le financement aux écoles secondaires privées, en forçant les étudiants à fréquenter leurs écoles de quartier et en freinant la concurrence entre les établissements scolaires. Bien que les intentions derrière leur mouvement soient nobles, les solutions ratent tout simplement la cible. Si on veut maximiser la qualité de l’éducation tout en la rendant accessible à tous, ce n’est pas en limitant la concurrence que nous y arriverons, mais en la favorisant.

Comme économiste, je constate trop souvent que plusieurs comprennent les bénéfices de la concurrence dans de nombreux secteurs, mais lorsqu’on parle d’éducation, de santé et de services de garderies au Québec, nos notions économiques de base semblent prendre le bord. Pourtant, il est tout à fait possible de garantir que tous et toutes auront les moyens de se procurer les services grâce à des transferts et subventions du gouvernement aux individus, tout en laissant la gestion des opérations des établissements au secteur privé.

Un système à deux vitesses

Au Québec, ce sont près de 10% des étudiants qui fréquentent un établissement d’enseignement privé.  Parmi les écoles privées, quelque 65% bénéficient de subventions du gouvernement équivalant à environ 60% de celles versées aux écoles du secteur public pour les services éducatifs. Les raisons évoquées par les parents pour envoyer leurs enfants au privé sont vastes : meilleur encadrement, programmes spécialisés, éducation de qualité, etc. Que ces raisons s’avèrent fondées ou non ne devrait pas nous empêcher de constater que la structure actuelle des écoles secondaires contribue à augmenter les inégalités sociales.

En effet, ce n’est pas pour rien que des études ont démontré au Québec qu’un élève sur deux (49%) inscrit au public dans un programme ordinaire au secondaire a atteint le cégep, alors que cette proportion monte à 94 % chez les jeunes qui ont été dans une école secondaire privée. Pire encore, 15% des jeunes du public ordinaire accèdent aux études universitaires, contre 60% chez ceux du privé.

Il existe donc présentement un système à deux vitesses: ceux fréquentant le public, et ceux ayant les moyens d’aller au privé. Pourtant, malgré ce constat, le mouvement École ensemble propose d’accentuer le problème en coupant le financement aux écoles privées, et en envoyant tous les écoliers dans le même réseau public dans leur école de quartier, même si ce dernier produit de moins bons résultats. Pourquoi ne pas plutôt cesser de financer tous les établissements d’éducation au Québec qu’ils soient publics ou privés, et plutôt financer les parents afin qu’ils prennent le meilleur choix pour leurs enfants tout en leur donnant les moyens?

Le modèle suédois 

En Suède, il existe depuis le début des années 1990 un système de type «chèque-éducation»: les écoles reçoivent un montant pour chaque élève qu’ils réussissent à attirer. En d’autres mots, l’argent suit l’écolier! Cette liberté de choix fait que les écoles — publiques ou privées — sont en concurrence directe entre elles. Leurs gestionnaires ont donc avantage à ce qu’elles s’améliorent et à trouver de nouvelles façons de satisfaire les besoins des élèves et de leurs parents, puisque ceux-ci sont libres de choisir une autre école plutôt qu’être conditionnés à envoyer leurs enfants à l’école de quartier. L’éducation demeure financée par l’État et les écoles doivent dans l’ensemble suivre le cursus national.

Dans ce pays scandinave, fini le système égalitariste où les enfants doivent aller à une certaine école même si elle ne procure pas une éducation de qualité et ne répond pas aux besoins spécifiques de certaines enfants. Et fini aussi le système à deux vitesses où seulement les parents les mieux nantis peuvent envoyer leurs enfants aux écoles privées. On offre ainsi en Suède une bien plus grande liberté de choix aux parents, tout en offrant aux établissements les incitations pour s’améliorer. Après tout, le fait que le consommateur vote avec ses pieds force les restaurateurs, les hôtels et les magasins à se différencier et trouver des moyens d’attirer la clientèle. Le principe est le même en éducation : une plus grande concurrence mènerait à une situation bien meilleure qu’en ce moment.

Ainsi, encourager la concurrence entre les établissements scolaires en adoptant un système de «chèques-éducation» tout en confiant au privé la gestion de certains établissements scolaires publics favoriserait une amélioration de la qualité de l’éducation ainsi qu’un meilleur contrôle des coûts. Le mouvement École ensemble expose plusieurs problèmes de notre système d’éducation, mais il ne devrait pas militer pour que le Québec adopte un système encore plus inéquitable et inefficace. Garantissons plutôt une liberté de choix accrue pour les parents, et mettons fin à ce système à deux vitesses qui augmente les inégalités sociales.

Miguel Ouellette is Director of Operations and Economist at the MEI. The views reflected in this opinion piece are his own.

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