Ottawa et la construction de logements: un échec en Nouvelle-Zélande

Rares sont les idées de politique publique qui soient vraiment inédites. D’une manière ou d’une autre, presque tout a déjà été tenté quelque part.
Le Canada a aujourd’hui un nouveau gouvernement fédéral qui déborde d’idées pour améliorer l’abordabilité du logement, mais le plan d’Ottawa est loin d’être novateur.
À l’heure actuelle, tout le monde s’accorde pour dire que le Canada fait face à une crise d’abordabilité du logement.
D’un océan à l’autre, les Canadiens peinent à joindre les deux bouts. En 2006, le loyer moyen s’élevait à 724 $. En 2024, il avait presque doublé pour atteindre 1402 $. Et cette hausse semble bien modeste comparée à celle du prix des maisons : la maison moyenne coûtait 263 000 $ en 2006, alors qu’elle atteignait 714 000 $ en 2024.
Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), il faudra construire 3,5 millions de logements supplémentaires d’ici 2030 pour rétablir l’abordabilité. Or, les données sur les mises en chantier montrent que nous ne sommes pas en voie d’atteindre cet objectif.
C’est pourquoi le premier ministre Mark Carney s’est engagé, lors des dernières élections fédérales, à accélérer la construction de logements pour atteindre 500 000 nouveaux logements par an. Sa solution : créer une nouvelle agence fédérale, Bâtir Maisons Canada, qui agirait à titre de promoteur immobilier.
Le plan prévoit 25 milliards de dollars pour financer des maisons préfabriquées, ainsi que 10 milliards de dollars supplémentaires sous forme de prêts à faible coût pour les promoteurs qui s’engagent à construire des logements abordables.
Cette intervention gouvernementale repose sur la conviction que les promoteurs privés ne sont pas en mesure de fournir les logements dont les Canadiens ont besoin.
M. Carney n’est toutefois pas le premier à présenter le gouvernement comme la solution au ralentissement des mises en chantier. La Nouvelle-Zélande s’est prêtée à un exercice très similaire il y a quelques années.
En 2018, confronté à bon nombre des mêmes enjeux d’abordabilité que les Canadiens connaissent aujourd’hui, le gouvernement néo-zélandais a lancé le programme KiwiBuild. Doté d’un financement équivalent à 1,7 milliard de dollars canadiens et d’un objectif de 100 000 nouveaux logements d’ici 2028, le programme semblait bien parti – du moins en apparence.
Au cours de sa première année, KiwiBuild visait la livraison de 1000 logements. Il n’en a complété que 49.
À la fin de sa deuxième année, seulement 306 logements avaient été construits, bien loin de la cible de 6000. À ce rythme, notaient les experts, il lui aurait fallu 436 ans pour atteindre son objectif.
Malgré tout, le programme a été maintenu. En 2024, le nombre de nouveaux logements s’élevait à 2389 – plus de 61 000 de moins que la cible fixée pour cette année-là.
Avec à peine 3 pour cent de sa cible atteinte (en comptant les logements en construction), le gouvernement a mis fin au programme en octobre 2024.
Comment expliquer l’échec de KiwiBuild?
D’abord, son objectif avait été fixé de manière arbitraire. Il ne reposait ni sur la capacité réelle du gouvernement ou du secteur ni sur une évaluation rigoureuse des besoins réels de la communauté. L’écart entre les ambitions et la réalité était flagrant dès le départ.
Ensuite, le programme s’est heurté à des difficultés de financement. Il reposait largement sur les maisons préfabriquées, ce qui rendait les banques frileuses. Faute de garanties claires sur la viabilité des projets, les prêteurs hésitaient à accorder le financement nécessaire.
Ce manque de capitaux a fait grimper les coûts, rendant de nombreux logements inaccessibles aux acheteurs d’une première maison.
Voilà le récit de KiwiBuild : un programme miné par des promesses excessives et des résultats décevants.
Sous la direction du premier ministre Trudeau, le gouvernement fédéral avait envisagé de recourir aux maisons préfabriquées pour accélérer la construction de logements. Mais l’exemple néo-zélandais suggère que cette approche est loin d’être une solution miracle.
De manière plus générale, il faut se demander si le gouvernement doit intervenir davantage dans le secteur du logement, ou si la solution ne passe pas plutôt par un allègement de l’ingérence gouvernementale.
Il est bien connu que les obstacles municipaux – notamment la hausse des redevances d’aménagement et la lenteur de la délivrance des permis – freinent considérablement les nouvelles constructions au Canada.
Entre 2020 et 2022, les redevances d’aménagement ont augmenté de 33 % à l’échelle nationale. À Toronto, elles représentent désormais plus de 25 % du coût d’un nouveau logement.
En matière de délais d’obtention de permis, le Canada est également à la traîne par rapport à la plupart des pays de l’OCDE.
Plutôt que de créer une nouvelle bureaucratie fédérale, une approche plus efficace et plus durable consisterait à réduire l’intervention gouvernementale et à laisser les promoteurs construire. Les municipalités devraient concentrer leurs efforts sur la création d’un cadre réglementaire qui permette au secteur privé de répondre efficacement à la demande en logements.
Ottawa doit prêter attention à ce qui fonctionne — ou non — ailleurs dans le monde.
Faute de quoi, le Canada pourrait bien se diriger vers un fiasco à la KiwiBuild.
Renaud Brossard is Vice President, Communications at the MEI and a collaborator on “Governments Are Not Real Estate Developers: Lessons from New Zealand.” The views reflected in this opinion piece are his own.