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L’héritage de la présidence de Donald Trump: libéral ou illibéral?

La présidence Trump ne sera pas passée inaperçue et n’aura laissé personne indifférent. On a entendu beaucoup de choses sur Donald Trump : adoré de manière fanatique par une partie de la population et détesté à un degré obsessionnel par une autre partie.

De plus, pour certains, Trump a été un symbole de l’illibéralisme alors que pour d’autres son bilan est plutôt libéral.

Il est temps de faire un bilan sur ce qu’a réellement été le mandat du président Trump. En effet, à bien des égards la réalité est beaucoup plus nuancée que l’image qui est donnée.

Entre protectionnisme et politique pro-entreprise

La politique « America First » du président Trump a beaucoup fait parler d’elle. Si l’on retient surtout son aspect protectionniste, il y a eu aussi une politique pro-marché et pro-entreprise. La réduction des impôts avec le Tax Cuts and Jobs Act a offert un vrai coup de fouet économique aux États-Unis : la baisse générale des taux de l’impôt sur le revenu et le passage du taux de l’impôt sur les sociétés de 35 % à 21 % (soit en dessous de la moyenne de l’OCDE) a présenté des avantages pour le développement de la classe moyenne qui s’est enrichie.

Inversement, les guerres commerciales ont été un véritable coup d’arrêt au libre-échange. Une politique d’autant plus problématique que la Chine poursuit une stratégie visant à multiplier les partenaires commerciaux à travers les nouvelles routes de la soie, mais aussi avec le tout récent Partenariat régional économique global (RCEP).

La posture de Donald Trump a été d’autant plus critiquable que les guerres commerciales ont touché les alliés des États-Unis qu’il s’agisse du Canada ou l’Europe ; mais on peut aussi déplorer que cette dernière ait réagi en impulsant aussi du protectionnisme.

Une personnification du pouvoir problématique

S’il y a une vraie critique à adresser sur la politique du président Trump c’est sa propension à vouloir personnaliser le pouvoir à travers sa personne plutôt que gouverner à travers les institutions démocratiques.

L’instabilité au sein du cabinet Trump avec la démission ou l’expulsion de personnalités compétentes comme le secrétaire à la Défense James Mattis et le secrétaire d’État Rex Tillerson trahit le problème d’une administration liée à la volonté de Trump qui se montre peu enclin à écouter ses conseillers, contrairement au président Reagan.

Mais c’est surtout la modification du parti républicain qui est la plus préoccupante : comme le fait remarquer William A. Galston dans le Wall Street Journal, Donald Trump a transformé le parti, qui était une coalition de conservateurs sociaux, de partisans de la défense nationale et de libéraux classiques, en un parti plus orienté vers un fort protectionnisme rejetant parfois certains fondamentaux favorables au libéralisme comme une certaine ouverture à l’immigration et à une mondialisation libérale prônée par Ronald Reagan.

Le très fort soutien que le président possède auprès de la base électorale du parti (autour de 90 %) a obligé les cadres de celui-ci, pourtant méfiants en 2016, à se rallier aux positions de Trump.

Cette situation amène à une baisse de la pluralité des idées que le parti avait en lui grâce à ses cadres qui sont les élus du Congrès et des États fédérés, mais aussi les laboratoires d’idées ou think tanks.

De plus, la place que Donald Trump et son discours ont pris dans le processus politique des États-Unis n’a pas permis de calmer la polarisation. Le libéralisme tire sa force de la confrontation des idées dans le cadre d’institutions chargées d’assurer le respect de l’État de droit.

Derrière les discours, une continuité de la politique de ses prédécesseurs

Néanmoins, en bon show-business man, Donald Trump parle beaucoup et fait réagir. Mais il s’avère qu’il y a un écart entre l’image qu’il donne et son action concrète.

Trump a été présenté comme un président gouvernant fortement par décrets. Néanmoins, une analyse du nombre d’executive orders (à savoir des instructions que les présidents utilisent pour faire valoir leur volonté par l’intermédiaire du pouvoir exécutif) démontre que Trump est dans la moyenne en la matière.

Durant son mandat il a émis 192 executive orders soit un peu plus qu’Obama (147 pendant son premier mandat et 129 pendant son second), mais moins que Bill Clinton ou Ronald Reagan pendant leurs premiers mandats (respectivement 200 et 213) ou Jimmy Carter avec 320.

De manière générale, les présidents du XXe siècle avant Kennedy ont largement utilisé ce système de décret.

De la même manière, Trump a été très médiatisé pour ses positions anti-migrants. Néanmoins en termes d’expulsion la réalité est encore une fois tout autre. Selon les données de la U.S. Immigration and Customs Enforcement, le nombre d’expulsions (removals) a été de 226 119 en 2017, 256 085 en 2018 et de 267 258 en 2019.

Ces expulsions sont sensiblement proches du nombre de celles des deux dernières années d’Obama (235 413 en 2015 et 240 255 en 2016), mais sont largement inférieures à celles de son premier mandat qui tournent en moyenne autour de 390 000 expulsions avec un pic en 2009 à 409 849.

Là encore malgré un discours de Trump très marqué sur la lutte contre l’immigration et des images chocs médiatiques, la politique du président américain s’est montrée moins dure que prévue. Et inversement, derrière une posture publique pro-migrants, les élus démocrates ne sont pas si tolérants que ça au pouvoir.

Pour ces deux points sources de polémique, les chiffres démontrent que la confrontation entre Donald Trump et les médias a faussé la réalité. Il ne faut pas oublier que les États-Unis ne sont pas la Corée du Nord. Le président ne détient pas tous les pouvoirs ; même quelqu’un comme Donald Trump doit prendre en compte la complexité des institutions.

Il faut aussi reconnaitre à Donald Trump le fait d’avoir nommé des juges originalistes à la Cour Suprême favorisant ainsi une interprétation libérale de la Constitution.

Michel Kelly-Gagnon is President and CEO of the MEI, Alexandre Massaux is an Associate Researcher at the MEI. The views reflected in this op-ed are their own.

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