Les ports canadiens ne sont pas prêts

Depuis que le président Trump a proféré ses premières menaces de tarifs douaniers, les appels se multiplient afin d’aider nos entreprises à trouver de nouveaux marchés en Europe, en Asie et dans le reste du monde.
Trouver de nouveaux marchés pour nos produits permettrait certainement de réduire les répercussions des tarifs douaniers américains sur notre économie.
Le hic, c’est que nos ports ne sont pas très productifs et peineraient à traiter le lot de marchandises supplémentaires.
Chaque année, la Banque mondiale analyse 405 ports dans le monde et les classe en fonction du temps passé à quai pour le chargement et le déchargement des navires. Les plus grands ports à conteneurs du Canada — Montréal, Vancouver et Prince Rupert — se classent respectivement aux 351e, 363e et 397e rangs.
Seul le port d’Halifax, quatrième port le plus actif du Canada, arrive à se classer parmi les 100 premiers, à la 95e position.
Cela touche directement nos entreprises. En effet, plus le temps de traitement d’un navire est long, plus celui-ci doit rester immobilisé, plus les coûts sont élevés pour l’entreprise de transport maritime qui s’occupe de cette cargaison.
Plus les coûts de transport sont élevés, moins les entreprises canadiennes sont concurrentielles sur les marchés étrangers. Sans parler des coûts supplémentaires pour nous tous, les consommateurs, qui dépendons des importations pour certains essentiels.
Mais pourquoi les ports canadiens accusent-ils un tel retard?
La technologie, ou plutôt son absence, en est l’une des principales raisons.
Les ports les plus performants à Singapour, au Japon et en Colombie ont intégré les nouvelles technologies et l’automatisation. Cela leur permet d’acheminer plus de marchandises plus rapidement.
Les ports de Carthagène (Colombie), de Yokohama (Japon) et de Singapour se classent aujourd’hui respectivement aux 6e, 9e et 17e rangs des ports les plus efficaces au monde.
Pendant ce temps, les Canadiens continuent d’importer et d’exporter comme dans les années 1990. Chaque fois que les installations portuaires évoquent une modernisation, les syndicats s’y opposent farouchement.
Les décideurs politiques ne peuvent plus se permettre de faire l’autruche. Le Canada doit moderniser ses ports, rationaliser sa logistique et veiller à ce que son infrastructure commerciale soit conçue pour le XXIe siècle.
Au port de Montréal, par exemple, l’International Longshoremen’s Association, basée aux États-Unis, et son affiliée locale se sont battues contre la mise en place d’un système de reconnaissance optique des caractères conçu pour rendre le suivi des conteneurs plus efficace.
À Halifax, les débardeurs ont lancé une campagne de relations publiques et menacé d’arrêter le travail pour lutter contre les plans d’automatisation considérés comme imminents par le syndicat.
À Vancouver, une grève sur la question de l’automatisation du port a entraîné sa fermeture pendant 10 jours.
Pendant autant de jours, des produits essentiels pour les familles canadiennes et des intrants essentiels pour nos fabricants se sont trouvés immobilisés. Les entreprises affectées ont perdu en moyenne 207 000 $ par jour.
L’inefficacité des ports impose une limite ferme au volume des échanges commerciaux du Canada, ce qui restreint notre capacité à exporter, à importer et à croître en tant qu’économie.
Malheureusement, les décisions politiques prises récemment à Ottawa ont rendu la modernisation de nos ports encore plus difficile.
L’adoption récente du projet de loi C-58, qui interdit les travailleurs de remplacement pendant les grèves dans les secteurs sous réglementation fédérale, garantit que le prochain conflit de travail dans les ports arrêtera complètement les opérations.
Il a été démontré à maintes reprises que ce type d’interdiction augmentait la durée et la fréquence des arrêts de travail. Dans le cas des ports, elles donnent aux syndicats un moyen de pression supplémentaire pour empêcher la mise en œuvre de nouvelles technologies.
À un moment où le Canada a désespérément besoin de diversifier ses échanges commerciaux au-delà des États-Unis, la réalité sur le terrain compliquera grandement la tâche.
Au lieu de saisir les opportunités offertes par les marchés asiatiques et européens, nous nous mettons nous-mêmes des bâtons dans les roues et rendons notre économie plus vulnérable aux crises extérieures.
Les décideurs politiques ne peuvent plus se permettre de faire l’autruche. Le Canada doit moderniser ses ports, rationaliser sa logistique et veiller à ce que son infrastructure commerciale soit conçue pour le XXIe siècle.
Pour ce faire, il faut adopter l’automatisation, faire pression sur les parties prenantes récalcitrantes et veiller à ce que les décisions politiques n’entravent pas notre compétitivité.
Les ports sont le pilier de nos chaînes d’approvisionnement. On ne peut pas se permettre qu’ils oscillent entre l’inefficacité et la paralysie.
Shal Marriott is Research Associate at the MEI and the author of “Canadian Ports Have a Productivity Problem.” The views reflected in this opinion piece are her own.