Op-eds

Les grands projets de demain ont besoin d’un cadre réglementaire

Bâtir de grands projets d’infrastructures est difficile au Canada.

Pourtant, qu’il s’agisse d’un pont, d’un port, d’un barrage hydroélectrique ou d’un pipeline, ces ouvrages contribuent massivement au dynamisme et au développement de l’économie du pays.

Alors, pourquoi ces projets peinent-ils à voir le jour? Une partie de la réponse se trouve dans le processus fédéral d’évaluation d’impact.

Il faut d’abord comprendre que ce processus fédéral n’est pas unique. Chaque province dispose déjà d’un processus d’évaluation environnementale rigoureux, couvrant une part substantielle de ce que le fédéral tente d’évaluer.

Il est possible pour le gouvernement fédéral de conclure des ententes de reconnaissance avec les provinces afin de réduire les délais et d’éviter le dédoublement. Avec la signature de telles ententes, l’évaluation provinciale peut se substituer à celle du gouvernement fédéral.

Pour l’instant, seule la Colombie-Britannique bénéficie d’une telle entente, ce qui signifie que le dédoublement perdure dans le reste du pays.

Pourtant, ce mécanisme a déjà eu des effets concrets pour la province. Au cours des cinq années ayant suivi l’entrée en vigueur du processus fédéral d’évaluation environnementale en 2019, un seul projet a été approuvé : le projet GNL Cedar, en Colombie-Britannique.

Après avoir dépassé les délais d’évaluation prévus de pas moins de 626 jours, le projet a finalement obtenu une approbation, grâce au processus provincial utilisé en substitution.

Attention aux dédoublements

Comme la Colombie-Britannique est la seule province dotée d’une telle entente, on peut en comprendre que les projets du Québec demeurent assujettis à ce dédoublement bureaucratique fédéral, alors que le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) est parfaitement en mesure d’effectuer ces évaluations.

Qui dit dédoublement bureaucratique dit coûts accrus et délais supplémentaires, contribuant à réduire le nombre de projets proposés et à augmenter le risque pour les investisseurs qui osent s’y engager.

Cela constitue une problématique évidente du régime actuel, qui devrait inciter le gouvernement fédéral à conclure rapidement des ententes de reconnaissance avec les provinces.

Mais les doublons sont loin d’être le seul problème de cette loi.

Selon son bon vouloir, le ministre fédéral de l’Environnement peut intervenir dans un processus en cours et le suspendre. Il peut également décider unilatéralement de soumettre certains projets à une évaluation fédérale, même si la loi ne l’exige pas.

Pour les investisseurs, ce type de risque éminemment politique envoie un message clair : vouloir construire un grand projet au Canada, c’est s’exposer à un vent d’incertitude réglementaire.

Or, s’il y a une chose que redoutent les investisseurs, c’est bien l’incertitude. Elle vient accroître le risque d’investissement, et donc la probabilité de perdre sa mise en tout ou en partie.

Les longs délais, les doublons ou encore l’incertitude générée – entre autres – par la possibilité d’une intervention ministérielle en cours de processus freinent les investissements au Canada. Et cela affecte aussi directement le Québec.

Prenons le plan d’accroissement de l’approvisionnement d’Hydro-Québec, par exemple. Le développement de nouvelles capacités de production d’électricité nécessitera des efforts colossaux. Il devra aussi être mis en œuvre rapidement pour répondre à la hausse prévue de la demande en électricité.

Or, si le ministre fédéral de l’Environnement décidait de soumettre ces projets à son processus d’évaluation d’impact, le gouvernement fédéral pourrait ainsi retarder la réalisation de ces projets d’envergure. La construction d’un nouveau barrage sur la Côte-Nord ou dans le Nord-du-Québec, par exemple, serait considérablement plus longue si elle devait être soumise à la fois à l’évaluation d’impact fédérale et à celle du BAPE.

Réformer la loi C-69 sur l’évaluation d’impact est donc un impératif pour le nouveau gouvernement libéral de Mark Carney, dans un contexte où les grands projets d’infrastructures, tant énergétiques que de transport, seront cruciaux pour l’avenir économique du Québec et du Canada.

C’est notre prospérité qui en dépend.

Gabriel Giguère is a Senior Policy Analyst at the MEI. The views reflected in this opinion piece are his own.

Back to top