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Le gouvernement fédéral mettra en péril des emplois en période de relance

Depuis le début de la pandémie, le gouvernement fédéral cherche d’arrache-pied des moyens de relancer l’économie canadienne tout en minimisant les impacts sur les emplois. Subventions salariales à gauche, aide financière aux entreprises à droite, aide pour les aînés par-ci, aide pour les étudiants par-là – c’est un véritable buffet. À cela s’ajoute une règle d’or en matière de politiques publiques: avant tout, on doit éviter de nuire. Le cadre réglementaire en place, et des règles susceptibles de s’y ajouter, sont pourtant nuisibles et doivent être réévaluées. C’est d’ailleurs le cas de la Norme sur les combustibles propres (NCP) qui sera rendue publique à l’automne 2020.

Une politique énergétique contre-productive

L’objectif visible de la NCP est de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) tout en favorisant l’usage de combustibles, de sources d’énergie et de technologies à plus faible intensité en carbone. Les entreprises devront respecter la norme, soit en agissant elles-mêmes ou en achetant des crédits d’autres entreprises qui émettent moins de carbone.

Bien que l’intention derrière cette mesure énergétique soit louable, son format sera dommageable pour l’économie canadienne, alors que son effet sur l’environnement est très incertain. La norme prévoit que, d’ici 2030, le Canada revienne à 30 % au-dessous des émissions de GES de 2005. Le Canada deviendrait le seul pays au monde à inclure dans une telle politique le gaz naturel et le propane, plaçant ainsi de nombreuses entreprises canadiennes en position de désavantage concurrentiel.

En plus de l’échéancier très bref de 10 ans pour revenir à 30 % au-dessous des émissions de GES de 2005, la norme ne se substituera pas aux politiques environnementales en vigueur, tant fédérales que provinciales; elle les complémentera. Ainsi, la duplication réglementaire sera coûteuse, tant pour les entreprises que pour les consommateurs.

En effet, la NCP aura pour effet d’augmenter les coûts de production et de transport des entreprises utilisant les combustibles comme le gaz naturel, ce qui représente un nombre extrêmement élevé de compagnies. Les consommateurs se verront ainsi refiler une bonne partie de la facture.

Une erreur écologique et économique considérable

Dans le secteur manufacturier seulement, ce seront plus de 1,7 million d’emplois qui seront touchés au Canada, dont 300 000 au Québec. Une estimation raisonnablement précise de la portion de ces emplois qui sera perdue est toutefois impossible à réaliser pour l’instant. Une chose demeure toutefois certaine: l’instauration de cette mesure aura forcément un certain impact négatif sur le niveau d’emploi du secteur manufacturier et de l’économie canadienne en général, puisqu’elle ajoutera une couche additionnelle de coûts et de contraintes.

En plus de ses effets économiques pervers, son impact écologique reste ambigu. Un aspect majeur que la NCP semble omettre est que les changements climatiques sont un phénomène mondial, et non pas uniquement national – après tout, le Canada est seulement responsable de 1,5 % des émissions de GES mondiales.

Bien qu’un cadre réglementaire environnemental soit nécessaire et souhaitable, la NCP rendrait les pays comme la Chine et l’Inde plus attrayants. Nous assisterions donc possiblement à une fuite des GES : les émissions du Canada diminueront, mais, étant donné la délocalisation possible d’entreprises locales, l’effet net mondial pourrait bien être négatif.

La situation actuelle de la COVID-19 ajoute déjà de nombreux obstacles à l’économie canadienne et au commerce international. Le gouvernement fédéral devrait encourager la reprise économique en étant plus flexible, et non en rendant le cadre réglementaire actuel plus contraignant. La NCP sera un défi de plus pour les entreprises canadiennes qui peinent à se sortir de cette pandémie. Souhaitons que le gouvernement revoie la NCP et analyse davantage ses futures politiques énergétiques selon les résultats potentiels, et non pas selon les intentions derrière celles-ci. Déjà que le buffet de mesures d’aide laisse plusieurs entreprises sur leur faim, il n’y a aucune raison d’y ajouter un goût amer.

Miguel Ouellette is Economist at the MEI and the author of “The CFS: A Measure That Will Hurt Canada’s Economic Recovery.” The views reflected in this op-ed are his own.

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