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Le Canada, ou l’anatomie d’une chute

Le Canada traverse une période potentiellement historique et déterminante. Plutôt que de céder tout bonnement à la ferveur patriotique, nous devons prendre un pas de recul et faire preuve d’une certaine introspection afin de retrouver nos repères.

Débutons par une leçon d’histoire récente. Il y a 10 ans, le Canada faisait relativement bonne figure. Nous nous étions relevés plus rapidement et plus fort que les autres pays occidentaux de la crise financière de 2008.

Notre classe moyenne était considérée comme l’une des plus prospères au sein même des pays du G7, et la mise en branle de vastes projets d’exploitation de nos ressources naturelles semblait paver la voie à une nouvelle ère de prospérité.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les choses se sont gâtées. Nous avons pris un long détour sur notre chemin.

Le Wall Street Journal publiait le 10 mars un éditorial qui est passé virtuellement inaperçu au Québec. On y parlait de ce qu’il convient bel et bien d’appeler « la décennie perdue du Canada ».

L’auguste journal new-yorkais n’est pas le seul à avoir affublé les 10 dernières de ce sobriquet peu élogieux. Même la Banque Nationale du Canada faisait de même l’an dernier.

Le PIB par habitant au Canada est maintenant précisément là où il se situait vers la fin de 2014. Malheureusement pour nous tous, le coût de la vie, pour sa part, a continué d’augmenter rapidement. Même la France et l’Allemagne, réputées pour être en crise, ont mieux tiré leur épingle du jeu que le Canada au cours des dernières années.

Cela devrait nous inciter à connaître un grand moment de lucidité.

Si l’attaque frontale de Donald Trump fait si mal, c’est précisément parce qu’il nous prend lors d’un moment de grande faiblesse. Nous fonçons dans un mur, et Trump tente de nous donner une grande poussée. Il est grand temps que nous changions de direction.

Pour l’essentiel, nous suivons présentement la voie tracée par une certaine mouvance progressiste qui insiste pour accroître la dette publique afin de rendre l’économie plus verte. Comme si le gouvernement pouvait faire cela en un claquement de doigts, à l’instar d’un apprenti sorcier qui préfère apaiser les estafettes des ONG vertes plutôt que d’améliorer le sort de ses concitoyens.

C’est ainsi qu’un cadre réglementaire visant ni plus ni moins qu’à menotter la croissance de l’industrie pétrolière et gazière du Canada a été instauré par les libéraux de Justin Trudeau.

Le choix du déclin

Le Canada devenait ainsi le seul pays au monde à disposer de telles ressources à choisir délibérément de s’appauvrir. Comme le faisait naguère valoir l’intellectuel conservateur américain Charles Krauthammer, le déclin est d’abord et avant tout un choix.

Puisque le bilan de nos « dix gâchées » est si abominable, on pourrait se permettre d’espérer qu’aucun de nos leaders politiques ne se porte garant de cette stratégie décliniste.

Or, notre nouveau premier ministre en est l’un des porte-étendards les plus en vue du monde entier. Co-fondateur de la Net-Zero Banking Alliance (populaire pendant un certain temps chez les grands de ce monde, puis maintenant désertée), il plaide pour des mesures coercitives qui font primer l’environnement sur l’économie.

Le gouvernement du Québec a fait de même en interdisant l’exploitation de nos ressources pétrolières et gazières.

Or, si certains pays occidentaux ont souhaité imposer le rythme, on constate rapidement que l’ensemble de nos efforts est rapidement annulé par la croissance des émissions du reste du monde, qui continue pour sa part de se développer et de sortir de la pauvreté.

En somme, la voie actuelle est celle de la castration économique au nom de gains environnementaux tout à fait illusoires. Et le tout survient alors que le Canada fait face à de véritables défis qui nous exhortent à faire preuve de sérieux.

Dans ses Mémoires d’espoir qui sont restés inachevés, le général de Gaulle écrivait que « l’efficacité et l’ambition de la politique sont conjuguées avec la force et l’espérance de l’économie ».

Nous pouvons renouer avec la croissance économique et l’amélioration de notre niveau de vie en libérant le potentiel de nos entreprises puis en allégeant le fardeau fiscal. Le Financial Times, à Londres, l’affirmait également tout récemment : le Canada a tout ce qu’il faut pour devenir une superpuissance économique… s’il le veut bien.

Car nous pouvons également choisir de continuer d’emprunter le chemin actuel, qui mène à un appauvrissement relatif.

Pour paraphraser Krauthammer : rien n’est prédéterminé. Rien n’est écrit. Le déclin est un choix. Pensez-y bien.

Daniel Dufort is President and CEO of the MEI. The views reflected in this opinion piece are his own.

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