La surréglementation empêche le Canada de réaliser son potentiel

Ottawa adopte des règlements à la pelletée, mais rarement va-t-il les réviser.
Les ministères et organismes identifient un problème qu’ils estiment devoir régler, proposent immédiatement quelques dizaines de paragraphes de jargon juridique à cet effet, puis mobilisent des ressources considérables pour veiller à leur application.
Mais il est rare, voire exceptionnel, que les fonctionnaires et les politiciens se demandent si les règlements en vigueur ont réellement l’effet escompté ou s’il existe des moyens moins coûteux d’obtenir des résultats comparables, voire supérieurs.
En conséquence, le fardeau réglementaire canadien ne cesse de s’alourdir. Entre 2006 et 2021, le nombre d’exigences réglementaires fédérales est passé de 234 200 à 320 900, soit une augmentation de 37 % en seulement 15 ans, selon les données de Statistique Canada.
Cette microgestion toujours plus envahissante a un coût.
Il y a bien sûr les coûts liés à la mise en application de toutes ces règles, nécessitant une armée de fonctionnaires répartis au sein de dizaines d’organismes gouvernementaux aux noms toujours plus impressionnants.
À cela s’ajoutent les coûts de conformité imposés aux entreprises, grandes ou petites, qui doivent s’assurer de respecter toutes ces exigences et produire la montagne de paperasse nécessaire pour le prouver.
Chaque année, on estime que la conformité à la réglementation des différents ordres de gouvernement coûte à nos entreprises 51,5 milliards de dollars et 768 millions d’heures de travail, selon les données de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.
Autrement dit, c’est comme si les entrepreneurs canadiens devaient employer 394 000 travailleurs à temps plein, non pas pour faire croître leur entreprise, mais plutôt pour s’assurer de respecter le nombre toujours croissant de règles imposées par nos gouvernements.
Les petites entreprises durement touchées
Fait important, si les grandes entreprises consacrent globalement des sommes plus importantes à la conformité, les petites entreprises doivent assumer un coût par employé beaucoup plus élevé.
La même source estime que les entreprises canadiennes de plus de 100 employés dépensent en moyenne quelque 1400 $ par employé pour se conformer à la réglementation.
En comparaison, les petites entreprises de moins de cinq employés déboursent 10 200 $ par employé, soit environ huit fois plus.
Il n’est donc pas surprenant qu’année après année, les chefs d’entreprise désignent la réduction de la lourdeur administrative et de la réglementation comme l’une des principales mesures que les gouvernements pourraient mettre en œuvre pour les aider à se développer.
Bien que le coût individuel de chaque règlement puisse être relativement faible, c’est l’effet cumulatif des 320 900 exigences fédérales, auxquelles s’ajoutent les exigences provinciales et municipales, qui fait peser un lourd fardeau financier sur nos entreprises chaque année.
Par où commencer ?
La question est donc de savoir par où commencer. Après tout, certains de ces règlements sont efficaces et contribuent à la sécurité et à la santé des Canadiens.
L’examen approfondi des dépenses publiques mené par le gouvernement Chrétien dans les années 1990 peut être une source d’inspiration pour l’allègement de la réglementation. Cette démarche a permis de réduire les dépenses inutiles à Ottawa, mettant fin à près de trois décennies de déficits et ouvrant la voie à une décennie de surplus budgétaires.
Au cœur de cette démarche figuraient six questions clés que l’on s’est posées pour chaque dépense publique, dans le but de distinguer le nécessaire de l’inutile, le rentable du gaspillage, et les interventions appropriées de l’ingérence excessive.
Adaptées à la réglementation, voici les six questions que le gouvernement fédéral devrait se poser à propos de chaque règlement existant – ou envisagé :
- Quel est le but de ce règlement ?
- Sert-il l’intérêt public ?
- Compte tenu du rôle du gouvernement fédéral, cette intervention est-elle nécessaire ?
- Quel est le coût économique prévu du règlement ?
- Existe-t-il un moyen moins coûteux ou moins intrusif de régler l’enjeu visé ?
- Y a-t-il un bénéfice net ?
Bien que ces questions puissent sembler élémentaires, elles sont trop peu souvent posées lorsqu’un nouveau règlement est envisagé. Il est encore plus rare que l’on s’interroge a posteriori sur l’atteinte des objectifs, sur le rapport coûts-bénéfices ou sur la pertinence du palier de gouvernement à l’origine du règlement.
Alors que nous cherchons à renforcer l’économie canadienne et à lui donner les moyens de faire face aux menaces tarifaires américaines, un tel exercice permettrait de libérer temps et d’argent pour que nos entreprises puissent investir dans leur croissance. Après tout, n’est-ce pas là le véritable sens d’un « Canada fort » ?
Renaud Brossard is Vice President, Communications at the MEI and a collaborator on “How to Cut the Regulatory Burden in Canada.” The views reflected in this opinion piece are his own.