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La route de l’abordabilité se bâtit un logement à la fois

Comme tous les marchés, celui du logement répond aux lois de l’offre et de la demande. Lorsque la demande augmente plus rapidement que l’offre, le prix augmente. Lorsque l’offre augmente plus vite que la demande, en revanche, le prix diminue.

Ici, il ne s’agit pas d’une question de ce qui est bâti ou du type de propriétaire — privé, organisme sans but lucratif (OSBL) ou municipalité —, mais bien d’une question de nombres.

C’est d’ailleurs ce qu’affirme la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Selon ses plus récentes estimations, il manquerait environ 5,1 millions de logements au pays afin que nous retrouvions un niveau d’abordabilité semblable à celui de 2004.

Ces objectifs varient par province cependant. On comprendra que des provinces telles que la Colombie-Britannique et l’Ontario doivent construire bien plus pour contenir la hausse rapide des loyers dans des villes telles que Toronto et Vancouver que d’autres provinces, comme le Manitoba ou Terre-Neuve-et-Labrador.

Loin du but

Pour le Québec seulement, il est estimé qu’il faudrait bâtir autour de 1,2 million de logements d’ici 2030 pour y arriver. Au rythme actuel, nous prévoyons plutôt en bâtir 330 000.

Aussi bien dire que nous sommes encore bien loin du but. Cela dit, chaque logement additionnel que nous réussissons à construire nous rapproche de ce but. Et ce, peu importe le niveau de prix ou le type de logement qui est construit.

Lorsqu’une famille emménage dans un nouveau logement — maison ou appartement —, elle laisse par le fait même un autre appartement ou une autre maison vacante, et généralement à un prix moindre que celui de son nouveau domicile.

Ce logement sera ensuite habité par une autre famille, laissant son ancien logement vacant. Et cette chaîne se poursuit.

Ce concept, que l’on appelle la « chaîne de déplacements », a été observé notamment dans une étude produite par le professeur Evan Mast de l’Université Notre-Dame, dans l’Indiana, en 2023.

Pour l’observer, M. Mast s’est penché sur le cas de 52 000 individus ayant emménagé dans de nouveaux logements, retraçant les logements qu’ils occupaient autrefois, identifiant leurs occupants, et retraçant leurs logements précédents sur six cycles de déménagement différents.

Il a observé que, pour chaque tranche de 100 nouveaux logements bâtis, 45 à 70 logements abordables deviennent disponibles dans les quartiers ayant un revenu moindre que la médiane. De ce nombre, de 17 à 40 logements libérés l’étaient à des niveaux de prix abordables pour les 20 % des ménages les moins nantis.

M. Mast n’est pas le seul à avoir fait de telles observations.

Une équipe de chercheurs finlandais s’étant penchée sur le cas d’Helsinki a constaté que, pour chaque tranche de 100 logements nouvellement construits, cette chaîne de déplacement rend 31 logements disponibles à des niveaux de prix abordables pour les 20 % des ménages les moins nantis.

Pérenniser l’abordabilité

Si la chaîne de déplacement et ses effets positifs sont démontrés, on comprendra évidemment que ceux-ci ne se font pas sentir du jour au lendemain. Il est estimé qu’il faut généralement trois ans pour que cette série de déménagements donne la majorité de ses effets. Cela étant dit, l’avantage de cette méthode est qu’elle permet de pérenniser l’abordabilité — dans la mesure où les villes n’empêchent pas le mécanisme de fonctionner en bloquant les nouvelles constructions.

Construire de nouveaux logements — même chers — entraîne alors des effets positifs sur toute la société.

Plutôt que de s’enliser dans une réglementation toujours plus complexe pour les promoteurs et de coûteux projets de logements bâtis par l’État, les municipalités doivent réorienter leurs efforts vers la simplification et l’accélération de la délivrance de permis, la réduction de la complexité de leur zonage et l’abolition des taxes superflues sur la construction de nouveaux logements — comme la « taxe 20-20-20 » à Montréal —, qui ne feront qu’augmenter le prix de ces logements.

En réduisant ces lourdeurs bureaucratiques, nos municipalités feraient le nécessaire pour bâtir le logement abordable de demain.

Ne le doivent-elles pas aux jeunes générations qui voient le rêve de devenir propriétaire s’effriter devant eux ?

Gabriel Giguère is a Senior Policy Analyst at the MEI. The views reflected in this opinion piece are his own.

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