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La Banque du Canada: une mauvaise élève qui essaye de rattraper son retard

Vous l’avez sûrement remarqué: tout coûte plus cher. Les derniers chiffres de Statistique Canada parlent d’une hausse de 11,4 pour cent des factures d’épicerie, de 8,7 pour cent des coûts de transport et de 6,9 pour cent en moyenne pour tout dans la dernière année.

Pour tenter d’endiguer cette augmentation rapide des prix, la Banque du Canada vient d’augmenter son taux directeur de 0,5 point de pourcentage, le faisant passer à 3,75 pour cent. Voilà la sixième fois qu’elle l’augmente cette année. Et pour tous ceux et celles qui ont une hypothèque ou des emprunts, l’impact se fait sentir directement dans le portefeuille.

Il est difficile de concevoir qu’il n’y a pas plus tard que janvier, le taux directeur n’était qu’à 0,25 pour cent. Comment en est-on arrivé là? Pour faire une réponse courte: la Banque du Canada met les bouchées doubles pour compenser sa lenteur d’action passée. Bien que plusieurs facteurs expliquent l’inflation record que l’on subit présentement, il est indéniable que les politiques monétaires laxistes des dernières années ont joué un rôle majeur. Au pic de la crise de la COVID-19, la Banque a envoyé le signal que s’endetter ne coûtait rien. Elle a abaissé son taux directeur à un plancher historique de 0,25 pour cent, provoquant une diminution des taux d’intérêt en général.

Mais elle ne s’est pas arrêtée là. Elle a émis plus de cinq milliards de dollars de nouvel argent par semaine afin de financer l’endettement des gouvernements.

En déchiffrant le jargon économique, cela veut dire que la banque centrale a tout simplement acheté la dette du gouvernement à une vitesse record et sur une longue période. Ce n’est qu’en janvier qu’elle a commencé à limiter ses interventions et à resserrer la politique monétaire. On pourrait dire que la maison était en feu, mais que pour l’éteindre, la banque y a déversé un des Grands Lacs.

Il est vrai que l’économie a lourdement ralenti durant la pandémie et qu’il était nécessaire de la stimuler à un moment donné.

Mais le problème, c’est que même lorsque l’économie montrait des signes de reprise avec la levée des restrictions, la Banque du Canada a continué à «domper» milliard après milliard de nouvel argent dans l’économie. Alors, comme une mauvaise élève ayant procrastiné sur ses devoirs, la banque centrale se réveille soudainement en janvier 2022 et se dit: «Tiens donc? Ne devrait-on pas gérer l’inflation grandissante?»

Voilà comment le Canada se retrouve devant une augmentation rapide du taux directeur. En fin de compte, est-ce que cette approche de dernière minute fonctionne?

Le bilan est partagé: la croissance de l’indice des prix à la consommation diminue, mais plusieurs composantes clés, comme l’alimentation en épicerie, continuent leur croissance. On reste très loin de la cible de deux pour cent d’inflation. De plus, il y a toujours un délai entre les décisions macro-économiques et leur impact.

Si la banque centrale a trop attendu, il faut au moins lui donner cela: elle fait ce qu’elle doit faire pour se rattraper aujourd’hui. Loin de nous l’idée de dire que la hausse du taux directeur ne fait pas mal au portefeuille. Au contraire. Les ménages endettés, notamment ceux qui détiennent une hypothèque, sont particulièrement vulnérables, voire risquent l’insolvabilité. Cependant, comme le reconnaît la ministre des Finances Chrystia Freeland, il faut aussi garder en tête l’impact considérable de l’inflation sur les budgets des familles moins nanties pour ne pas jeter d’huile sur le feu.

Si on laisse l’inflation s’enraciner dans l’économie, on risque beaucoup plus gros, en ce qui concerne tant la destruction de notre pouvoir d’achat que la baisse des investissements. Il vaut mieux se serrer la ceinture maintenant plutôt que payer cher les conséquences dans le futur.

Pensez-y: souhaitez-vous réellement qu’une augmentation annuelle de 11,4 pour cent de votre facture d’épicerie devienne la nouvelle norme? C’est pour éviter cela que la banque centrale doit essayer de rattraper son retard. Ça fait mal, mais l’inaction serait bien pire. Malheureusement, c’est nous qui continuons de faire les frais du laxisme de la Banque du Canada.

Célia Pinto Moreira is a Public Policy Analyst at the MEI. The views reflected in this opinion piece are her own.

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