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Op-eds

Des faits essentiels sur le sirop d’érable

Visiblement, il n’y a pas que le sirop qui bout à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ). Dans sa réplique à notre lettre (« Sirop d’érable : le lent déclin du Québec »), Paul Rouillard, directeur général par intérim à la Fédération, formule plusieurs critiques à notre égard mais omet des faits essentiels. Des précisions s’imposent.

La FPAQ n’aime pas la vente « directe »

Il est exact qu’une petite partie de la production (environ 10 %) peut être vendue directement à la cabane à sucre sans être soumise aux contraintes du Plan conjoint. Cependant, comme le rappelait Florent Gagné dans son rapport sur l’industrie du sirop d’érable, la FPAQ ne laisse pas ses membres contourner son monopole aussi facilement.

Les producteurs qui vendent directement aux consommateurs font l’objet de demandes incessantes de la part de la Fédération, qui exige d’eux une panoplie de documents administratifs et des informations confidentielles comme la liste de leurs clients, la quantité et la qualité du sirop d’érable vendu.

De plus, la FPAQ ne fait preuve d’aucune retenue pour intimider ses membres récalcitrants en déposant des mises en demeure et en menaçant d’informer la Financière agricole du Québec qu’il y a litige, faisant ainsi peser la menace de perdre l’aide financière à laquelle ils sont admissibles. Le rapport Gagné résume bien cet excès de pouvoir en affirmant que la Fédération ne cherche qu’à « faire sentir sa puissance et sa volonté de contrôle absolu ».

Des producteurs payés en retard

Selon les données de la FPAQ, le prix pour une livre de sirop d’érable a considérablement augmenté depuis la mise en place du système de contingents. Toutefois, les producteurs tardent à profiter pleinement de ces prix plus élevés, puisqu’ils ne sont pas payés pour la totalité de leur production lors de la livraison.

En 2016, l’inventaire de la « réserve stratégique », où le sirop non vendu est entreposé, contenait 78,4 millions de livres de sirop, soit une valeur record de 240 millions $. Il s’agit d’une somme importante qui appartient aux producteurs, mais ceux-ci ne peuvent en profiter pour investir dans leurs installations ou payer leurs factures. Les producteurs doivent en outre débourser des sommes considérables à la FPAQ (environ 4 % de la valeur du sirop) au moment de la livraison, notamment en frais d’entreposage et administratifs.

De plus, bien qu’il soit possible de produire une quantité supérieure au contingent annuel, comme le souligne M. Rouillard, celui-ci ne précise pas que la production hors contingent n’est payée que lorsque la totalité de la récolte annuelle est vendue. Or, cela remonte à 2009. Et même si un producteur qui ne remplit pas son contingent peut utiliser sa production hors contingent des années précédentes, il ne sera payé qu’au prorata des ventes pour l’année en cours.

La perspective de ne pas être payé en totalité incite les producteurs à vendre illégalement une partie de leur sirop en vrac, sans passer par la FPAQ. Plusieurs producteurs se sont ainsi retrouvés devant les tribunaux, poursuivis par leur propre fédération. Au cours des deux dernières années seulement, 170 acériculteurs « rebelles » ont dû conclure des ententes avec la FPAQ pour ne pas risquer de tout perdre. D’autres se sont battus pour avoir le droit de vendre eux-mêmes leur sirop, sans succès.

M. Rouillard termine sa réplique en nous lançant le défi de trouver une industrie qui performe aussi bien que celle sous la gouverne de sa fédération. La production de sirop d’érable a augmenté de 59 % au Québec entre 2001-03 et 2014-16 (moyenne triennale pour contrôler les variations annuelles). Pendant la même période, la croissance a été de 177 % aux États-Unis et de 385 % au Nouveau-Brunswick, des marchés qui ne sont pas soumis à une planification centralisée.

Le système de contingents procure certains avantages, comme des prix élevés et stables, mais la FPAQ devrait reconnaître que ces avantages profitent aussi à nos compétiteurs, sans que ceux-ci aient à assumer les contraintes et les coûts substantiels que ce système impose aux producteurs québécois.

Vincent Geloso is Associate Researcher at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.

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