fbpx

Op-eds

Devrions-nous célébrer la fonction publique?

Chaque année, l’Organisation des Nations Unies consacre près de 150 journées internationales à divers thèmes. Il y a quelques jours, c’est la fonction publique qui était à l’honneur. Eh oui, une journée internationale décrétée par une bureaucratie mondiale pour célébrer les bureaucrates de tous les pays…

Au Québec, l’État a pris en charge de nombreuses missions qu’il juge essentielles ou seul capable de fournir. Répartis dans 19 ministères et 65 organismes, les 57 000 employés de la fonction publique tentent année après année de prévoir les besoins des Québécois et de planifier la fourniture des services que l’État leur garantit. Cette planification centrale touche, par exemples, les secteurs de la santé, la voirie, la finance, la culture et l’éducation.

Je suis certain que la plupart de ces fonctionnaires sont dévoués et consciencieux. On peut bien célébrer leur travail. Mais tout cela a un coût. Le fonctionnement de l’administration publique provinciale, principalement les salaires des fonctionnaires, a ainsi coûté presque 3 milliards $ aux contribuables pour l’année 2016-2017, une hausse de 294 millions $, ou 11 %, par rapport à 2015-2016. Loin d’être maîtrisées, les dépenses administratives devraient encore augmenter substantiellement en 2017-2018, pour atteindre 3,26 milliards $.

Quand le Québec intervenait moins

Malgré la taille de l’État québécois moderne et le caractère intrusif de son interventionnisme, que certains acceptent comme une fatalité, notre histoire nous rappelle les avantages d’un État plus petit.

C’est lors de la Révolution dite tranquille que la taille de l’État québécois s’est gonflée de manière importante. Afin de défendre cette croissance, on l’oppose et on la compare souvent à la période qui la précède : « la Grande Noirceur ». L’idée reçue est qu’il s’agissait d’une société quasi moyenâgeuse, caractérisée par le joug de l’Église et par un retard social et économique important des francophones, que seul l’interventionnisme et la croissance étatique ont pu sauver. Est-ce vraiment le cas ?

Vincent Geloso, auteur du livre Du Grand Rattrapage au Déclin tranquille: Une histoire économique et sociale du Québec de 1900 à nos jours, publié en 2013, a démontré que le Québec a connu un développement économique et social important pendant la période 1945-1960. À titre d’exemple, en 1951, le Québec ne compte que 71 diplômés universitaires pour chaque tranche de 100 diplômés ontariens. Dix ans de « Grande Noirceur » plus tard, ce nombre est passé à 85. Durant ladite Révolution tranquille, le Québec recommence à perdre du terrain et ce chiffre baisse à 78 en 1981. Les plus récentes données disponibles indiquent que ce ratio est maintenant de 80.

Ces données devraient nous faire réfléchir, notamment sur les soi-disant avantages d’une bureaucratie lourde et intrusive dans un secteur aussi important pour notre avenir et notre prospérité que l’éducation.

L’exemple australien

Comme l’écrivait mon collègue Germain Belzile, le Québec gagnerait grandement à réformer les règles administratives de sa fonction publique. Certains problèmes notoires sont principalement causés par le manque d’incitations au rendement, une trop grande sécurité d’emploi pour les employés permanents et le fait que la règle d’ancienneté soit le critère privilégié pour l’avancement professionnel.

L’Australie a procédé il y a quelques années à des réformes importantes au régime d’emploi de son administration publique. Ces réformes ont été accompagnées d’une privatisation de certaines missions non essentielles dont s’occupait le gouvernement. Ces deux facteurs ont mené à une réduction de près de 25 % de la taille de la fonction publique australienne entre 1990 et 1999. La mise au rancart de la sécurité d’emploi a été la mesure phare de ces réformes, mais d’autres changements importants, comme l’instauration du principe de mérite et les négociations salariales individuelles, ont aussi contribué à leur succès.

L’État australien a recommencé à croître dans les années 2000, mais la mesure de la performance, la récompense du mérite et l’encouragement de la compétition ont tout de même permis de rendre l’administration publique plus efficace et son personnel plus qualifié.

Avant de fêter…

La fonction publique québécoise est coûteuse et en expansion constante. La province gagnerait à mettre en place des réformes semblables à celles entreprises par l’Australie. Les avantages de la compétition sur la stagnation, d’une part, et de la reconnaissance du mérite sur celle de l’ancienneté, d’autre part, ne sont plus à défendre.

De plus, comme je le soulignais dans un texte antérieur, l’État devrait se concentrer sur ses missions essentielles. L’épisode des délais démesurés en justice, l’attente et la difficulté d’accès aux soins en santé, la vétusté de nos écoles et de plusieurs de nos infrastructures, sont autant d’exemples qui nous montrent que l’État peine à y arriver. Un recadrage des missions de l’État serait le bienvenu et permettrait d’éliminer des dépenses inutiles et d’allouer les ressources là où elles sont nécessaires.

Travaillons d’abord à améliorer notre fonction publique. On aura ensuite de meilleures raisons de la célébrer !

Jasmin Guénette is Vice President of Operations at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

Back to top