fbpx

Op-eds

Quand l’État s’éparpille, il néglige l’essentiel

L'actualité de tous les jours nous rappelle souvent comment l'État, à force de s'éparpiller et d'intervenir partout, s'étiole, s'endette et peine à s'occuper de ce qui devrait être ses missions premières.

Parmi les missions essentielles de l'État, celle de fournir l'infrastructure judiciaire adéquate pour régler les conflits, faire respecter les contrats et juger les criminels est certainement en haut de la liste.

Malheureusement, on entend souvent dire à quel point le système judiciaire au Québec est lent, les délais sont dans plusieurs cas déraisonnables et les ressources sont insuffisantes pour vraiment améliorer les choses. Rappelez-vous la grève des procureurs de la Couronne et des juristes en 2011 quand ceux-ci dénonçaient notamment leurs conditions de travail.

Évidemment, les conditions de travail ne sont pas les seules raisons expliquant les délais. Plusieurs commentateurs soulignent avec justesse la culture de la lenteur et le manque d'incitations à la performance qui caractérisent le milieu judiciaire et paralysent souvent le système.

La Cour suprême vient justement de rendre un jugement très important qui limite les délais de procédure judiciaire. Cette décision mettra de la pression sur le système, qui devra traiter les nouveaux cas rapidement et éviter les délais interminables. Si la cour n'arrive pas à traiter les dossiers plus rapidement, des personnes accusées pourraient passer dans les mailles du filet et ne pas faire face à toutes les accusations, voire ne pas être jugées.

On peut le voir comme une bonne nouvelle. Comme l'affirme Stéphane Beaulac, professeur titulaire à l'Université de Montréal, cité dans l'article du Devoir ci-haut, le jugement forcera l'administration de la justice à plus de rigueur et d'efficacité.

Des commentateurs vont affirmer dans les prochains mois que le gouvernement devra mettre plus d'argent dans le système. Il ne serait pas surprenant que les procureurs et les juges pressent eux-mêmes le gouvernement de consacrer plus de ressources à cette tâche essentielle.

Bonne ou mauvaise idée? Le gouvernement québécois ne devrait pas simplement «lancer de l'argent sur le problème» comme il a presque toujours le réflexe de faire. Ce qui manque, c'est le sens des priorités. C'est la volonté de faire des choix, de dépenser l'argent là où l'État a un rôle primordial à jouer, et arrêter de financer tout le reste.

Au lieu de dépenser à gauche et à droite pour gagner des votes, comme dans le cas de la cimenterie Port-Daniel, au lieu d'accorder des subventions indécentes aux entreprises, comme Bombardier, au lieu de promettre tout et son contraire à tout le monde, le gouvernement devrait s'assurer que les procureurs, les juges, les juristes, les techniciens de cour et les autres qui doivent faire fonctionner le système de justice ont les ressources financières pour faire leur travail adéquatement et que le réseau est organisé de manière efficace. Ça veut dire repenser notamment la rémunération des salariés pour offrir des incitations à la performance, faire appel à des sous-traitants, embaucher du nouveau personnel pour accélérer la gestion du système, allonger les heures d'audience à la cour, etc.

La justice n'est qu'un exemple parmi d'autres. En s'éparpillant et en s'étiolant, l'État se retrouve avec des coffres vides quand vient le temps de s'occuper des personnes âgées et d'entretenir nos viaducs et nos écoles par exemple.

Et que fait le gouvernement quand il s'éparpille et qu'il veut en donner encore plus, à plus de monde? Il choisit la solution facile d'augmenter les taxes.

Il est temps d'arrêter cette façon de faire. Avec un budget total annuel de dépenses de 102,7 milliards de dollars, ce n'est pas l'argent qui manque! Il n'y a aucune raison pour que l'État ne puisse faire sa job comme il le faut. Mais pour ça, il faut couper dans le gras et se concentrer sur l'essentiel.

Jasmin Guénette is Vice President of the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

Back to top