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Laissez-les respirer!

La politique économique Priorité emploi, récemment dévoilée par Québec, s’est fait vertement critiquer. Pourtant, il faut lui reconnaître une qualité majeure: elle admet la contribution fondamentale de l’entrepreneuriat à la création de richesse. On peut d’ailleurs y lire que « l’entrepreneuriat est l’un des principaux moteurs de la création d’emplois et de la croissance économique ».

Si le diagnostic est irréprochable, le remède proposé, soit une injection de fonds publics, tient toutefois d’une doctrine vieillie, usée et surannée. Ronald Reagan disait: « Les gouvernements ont une vision très sommaire de l’économie. Si ça bouge, ajoute des taxes. Si ça bouge toujours, impose des lois. Si ça s’arrête de bouger, donne des subventions. » Aujourd’hui, et depuis des décennies, l’Assemblée nationale est atteinte de cette myopie économique.

Générosité stérile

Le plus désolant, c’est que la générosité de Québec sera stérile. Si les bureaucrates qui ont concocté ce plan de relance avaient effectué un minimum de recherche, ils auraient appris que:

1. En 2009, année la plus récente pour laquelle des statistiques sont disponibles, les entreprises québécoises ont reçu des divers paliers gouvernementaux 7,8 milliards ou 993 $ par habitant, soit un montant presque équivalent aux budgets du ministère de l’Enseignement supérieur et du ministère de la Justice réunis.

2. Les subventions versées aux entreprises québécoises représentent plus du double de celles octroyées en moyenne aux entreprises situées ailleurs au Canada.

3. En deux décennies, les subventions ont augmenté de 72,5 % (en dollars constants), alors qu’elles ont en moyenne diminué de 32,4 % dans les autres provinces.

Au vu des montants investis, on serait en droit de s’attendre à ce que le Québec soit une pépinière de nouveaux entrepreneurs et une fourmilière d’entreprises performantes. Or, au Québec, la proportion de la population adulte propriétaire d’une entreprise est inférieure de 42 % à celle des autres provinces. Les taux de faillite et d’insolvabilité représentent 291 % et 307 % respectivement des taux enregistrés dans le reste du Canada. Quant à la productivité, elle atteint à peine 77,4 % de la moyenne canadienne. Clairement, les subventions, aussi titanesques soient-elles, ne sont pas garantes de bons résultats.

Finalement, contrairement à ce que Québec semble croire, la faiblesse de l’entrepreneuriat n’est pas une question de culture. Pour preuve, les Québécois sont deux fois plus entrepreneurs lorsqu’ils vivent ailleurs au Canada et les francophones hors Québec sont pratiquement aussi entrepreneurs que les anglophones.

Environnement hostile

Alors pourquoi enregistrons-nous un déficit entrepreneurial? Selon les études et les sondages effectués auprès d’entrepreneurs québécois, c’est parce que Québec a créé et entretient une réglementation et un environnement économique hostile aux affaires.

Verser des subventions sans revoir l’environnement d’affaires, c’est aussi absurde que d’offrir à quelqu’un un masque à oxygène avec la main gauche tout en lui serrant fermement le cou avec la main droite. Pour réellement aider les entreprises, que Québec les laisse donc respirer!

Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute. The views reflected in this column are her own.
* This column was also published in Le Journal de Québec.

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