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Il faut augmenter le nombre de médecins, partout au Québec

À l’heure où le ministre de la Santé s’apprête à déposer son plan pour une refonte du système de santé, un élément incontournable s’impose: l’augmentation du nombre de médecins conjuguée à des mesures permettant une meilleure utilisation des ressources existantes.

Les décideurs sont d’ailleurs conscients de la pénurie de docteurs, puisqu’ils estiment eux-mêmes qu’il faut 1000 médecins de famille de plus dans la province. Cette réalité n’épargne pas les régions: dans les Laurentides, le Centre-du-Québec, Lanaudière et l’Estrie, le nombre de médecins de famille par 1000[1] habitants est inférieur de 21,3%[2] à la moyenne provinciale. Avec près de 22% de la population québécoise qui n’a toujours pas de fournisseur habituel de soins de santé, il est grand temps de s’attaquer à ce problème sans tergiverser.

Un défi

Augmenter l’effectif de médecins est certes un défi de taille pour les décideurs politiques, mais il demeure surmontable si on l’affronte efficacement, une étape à la fois. D’abord, pour accroître le nombre de médecins «faits maison», il faut éliminer les quotas d’admission dans les facultés de médecine.

À partir de 2023, la limite sera de 969 admissions par année, soit l’équivalent de 0,11 médecin par 1000 habitants[3] si on présume que chacun d’entre eux obtiendra le droit de pratiquer. À ce rythme, la relève ne pourra pas répondre aux besoins des Québécois, surtout si l’on considère que près de 25% des médecins actifs ont 60 ans et plus. Laissons donc nos universités décider par elles-mêmes de la capacité d’accueil de leur programme de médecine.

Il ne faut pas s’arrêter là. La province peut augmenter le nombre de médecins en assouplissant les barrières réglementaires à l’entrée sur le marché du travail pour les professionnels de la santé diplômés à l’étranger. Rappelons-nous que le Québec a présentement une entente avec la France qui prévoit la reconnaissance mutuelle des compétences des médecins et infirmières, parmi d’autres professions, avec comme principal objectif de faciliter la mobilité des travailleurs.

Cependant, l’impact de cet accord est fortement limité par la lourdeur administrative qu’implique le dépôt d’une demande au Québec[4]. En France, l’accord permet aux médecins québécois d’obtenir un permis en moins de deux mois, tandis que les démarches qu’entreprennent les médecins français pour pratiquer au Québec peuvent prendre plus de deux ans, et n’aboutissent pas toujours[5]. À ce titre, il est possible d’élargir le bassin de main-d’œuvre en soins de santé avec des médecins formés à l’étranger en assouplissant les obstacles réglementaires à l’entrée sur le marché du travail québécois.

En ce qui concerne l’optimisation des ressources déjà à notre disposition, il s’agit d’élargir les champs de compétence d’autres professionnels de la santé, comme les infirmières et les pharmaciens. Ces professionnels possèdent une formation médicale qui s’apparente à certains égards à celle des médecins, ce qui est important dans un contexte de pénurie chronique de médecins [6]. Des mesures qui reconnaissent leur expertise en élargissant leurs activités professionnelles pourraient donc améliorer l’accessibilité aux soins de santé.

Rôle des infirmières

En fait, en raison du manque de personnel médical dans les régions du Nord-du-Québec, le rôle des infirmières y a été élargi depuis au moins 2014 pour inclure des interventions habituellement réservées aux médecins. En première ligne dans ces régions, ces infirmières agissent comme les mains et les yeux des médecins, qui ne sont présents que quelques jours par mois. S’il est vrai que les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) et les pharmaciens œuvrant dans les régions moins éloignées se sont vus accorder une plus grande autonomie dans leur champ de pratique au cours de la dernière année, le plein potentiel de désengorgement du système de santé n’a pas encore été atteint. En Ontario, par exemple, les IPS peuvent ouvrir des cliniques publiques formées uniquement d’IPS, faisant ainsi diminuer le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous avec un professionnel de la santé.

Le système de santé coûte aux Québécois les yeux de la tête; l’an dernier, c’est 53 milliards qui y ont été versés. Malgré ces sommes importantes, l’accès aux soins de santé demeure difficile. Si le gouvernement souhaite réellement guérir le système, il doit optimiser les ressources existantes et accroître l’effectif de médecins sur l’ensemble du territoire.

Maria Lily Shaw is Economist at the MEI. The views reflected in this opinion piece are her own.

Notes

  1. Calcul de l’auteur. https://www.cmq.org/statistiques/region.aspx; https://statistique.quebec.ca/fr/document/population-et-structure-par-age-et-sexe-regions-administratives/tableau/estimations-population-regions-administratives
  2. Calcul de l’auteur. Voir le fichier Excel et les sources dans la note précédente.
  3. Calcul de l’auteur: 969/(8 604 495/1000) =0, 112
  4. Pages 55 et 56 du cahier. https://www.iedm.org/fr/real-solutions-for-what-ails-canadas-health-care-systems-lessons-from-sweden-and-the-united-kingdom-en-anglais-seulement/
  5. Page 56 du cahier. https://www.iedm.org/fr/real-solutions-for-what-ails-canadas-health-care-systems-lessons-from-sweden-and-the-united-kingdom-en-anglais-seulement/
  6. Page 44. https://www.iedm.org/fr/pour-un-systeme-de-sante-fort-et-resilient-apres-la-pandemie-reformes-pour-augmenter-la-capacite-dappoint/
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