Textes d'opinion

Véhicules électriques: on risque de manquer de jus

Quand on y pense, 2035 est à la porte.

Tant à Québec qu’à Ottawa, il s’agit de la date limite choisie par les politiciens pour interdire la vente de véhicules à essence.

Quoi qu’en pensent les élus cependant, il ne semble pas que la population, les infrastructures de recharge et les réseaux électriques canadiens seront prêts. Devant ces obstacles, il serait plus sage que les politiciens prennent un pas de recul.

Coût

Du point de vue des consommateurs, on observe que le coût est l’un des principaux freins à l’achat de véhicules électriques.

Un récent sondage Ipsos mené pour le compte de l’IEDM montre que le prix d’acquisition plus élevé des véhicules électriques en freine l’adoption pour 7 Canadiens sur 10.

Cette différence de prix n’est pas minime. Selon les estimations du directeur parlementaire du budget, les voitures électriques coûteront encore 6720$ plus cher que la moyenne en 2026.

Pour les VUS et minifourgonnettes – très populaires chez les consommateurs canadiens –, l’écart serait plutôt de 11 490$.

Bien que ces primes à l’électrique s’atténueront avec le temps, il est estimé qu’elles demeureront bien après 2030.

Infrastructures de recharge

Outre la question du prix d’acquisition, il y a celle des infrastructures de recharge et de leur disponibilité. Il s’agit – avec raison – d’une source d’inquiétude pour deux Canadiens sur trois.

Pour répondre à la demande en énergie que causerait l’imposition des véhicules électriques, le gouvernement fédéral estime que nous aurions besoin d’environ 680 000 bornes de recharge publiques disponibles sur le réseau routier d’ici à 2040.

Autrement dit, nous devrions en installer autour de 40 000 par an, en moyenne, au cours des 15 prochaines années.

L’an dernier, à la grandeur du pays, nous en avons installé moins de 7000. Aussi bien dire que nous ne sommes pas près d’avoir l’infrastructure de recharge nécessaire pour soutenir les conducteurs contraints de faire le virage vers les véhicules électriques.

Outre la question des infrastructures de recharge, en revanche, il y a celle des infrastructures électriques. Après tout, si le gouvernement cherche à ce que les Canadiens troquent l’essence pour l’électricité, il faut s’assurer que cette dernière est au rendez-vous.

Si les estimations varient, tous s’accordent pour dire que le Canada n’a pas les infrastructures nécessaires pour y faire face. À l’échelle du pays, cela provoquerait une hausse de 7,5% à 15,3% de la demande électrique, qui s’additionnerait à la demande grandissante attribuable au développement de notre économie.

Il est estimé que le rehaussement de notre capacité de production électrique et des réseaux de transport et de distribution, rendu nécessaire par l’imposition des véhicules électriques, pourrait coûter jusqu’à 294 G$.

On comprendra que, si les compagnies électriques doivent faire ces investissements, cela risque de se refléter sur le coût de l’électricité qu’elles vendent à leurs clients.

On a pu l’observer au Québec, notamment, où la société d’État responsable de la vente d’électricité affirme depuis longtemps que tout nouvel approvisionnement risque d’avoir un impact à la hausse sur ses prix.

Pour toutes ces raisons, on comprend bien pourquoi deux Canadiens sur trois considèrent que l’échéance de 2035 pour bannir la vente de véhicules à essence est irréaliste.

Dans leur empressement à imposer les véhicules électriques, il semble que les politiciens fédéraux ont omis de s’assurer que le Canada serait prêt à les accueillir.

Gabriel Giguère est analyste senior en politiques publiques à l’IEDM et l’auteur de « Abolissons l’interdiction fédérale de vente de véhicules à essence ». Il signe ce texte à titre personnel.

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