Valérie Plante nous promet moins de logements
Se loger est de plus en plus difficile pour les Montréalais et les Montréalaises.
Devant cette dure réalité, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, propose que les gouvernements accaparent une place bien plus importante dans le secteur du logement : « Je ne dirais pas que le modèle est brisé, mais j’ai la conviction qu’on ne peut plus se permettre, comme grande ville, de s’en remettre au marché. »
Comme on le voit dans son Plan d’urbanisme et de mobilité 2050, la vision de l’administration Plante consiste à ce que 20 % des logements dans le parc résidentiel montréalais soient de nature sociale ou communautaire. Pour y arriver, la Ville devra acheter ou construire 161 000 logements avec l’argent des contribuables.
Mais le problème, c’est que la Ville n’est même pas apte à assurer le minimum acceptable en matière de gestion de ses logements.
Prenons, par exemple, le principal gestionnaire des logements de la Ville : l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM), qui gère 20 810 logements. Entre 2019 et 2023, la proportion de bâtiments en mauvais ou en très mauvais état est passée de 47,6 % à 79,2 %, une dégradation très rapide du parc de logements, tel que le constate une étude récente de l’Institut économique de Montréal (IEDM).
La proportion de logements en très mauvais état a connu une croissance encore plus fulgurante, passant de 10,2 % à 48,5 % du parc immobilier de l’organisme.
À cela s’ajoute le fait que l’organisme n’a été en mesure d’effectuer que 30 % des inspections qu’il était censé faire, sans compter que, pour 90 % des logements vacants qui nécessitaient des travaux pour être remis en location, les délais d’exécution ont été dépassés.
Obstacles à la construction
Quelle que soit la raison, il est clair que la Ville n’attribue pas les ressources nécessaires pour s’occuper des logements sociaux qui lui appartiennent.
Avant de l’autoriser à utiliser notre argent pour développer un parc immobilier encore plus grand, il faudrait que la Ville nous montre qu’elle peut s’occuper adéquatement de celui qui lui appartient.
Mais les interventions dans le secteur de l’habitation ne s’arrêtent pas là. Elles prennent aussi la forme de règlements et d’autres obstacles à la construction.
Prenons la question des permis de construction, par exemple. Le délai moyen pour obtenir un tel permis à Montréal est passé de 204 jours en 2019 à 326 jours l’an dernier. Plus les délais pour obtenir les autorisations nécessaires sont longs, moins on construit et plus les coûts sont élevés.
L’arrondissement de la mairesse Plante, Ville-Marie, n’est pas en reste. L’attente pour obtenir l’un de ces permis a plus que doublé en cinq ans, pour atteindre 540 jours en moyenne.
Les délais d’obtention de permis ne sont cependant pas les seuls obstacles auxquels les promoteurs doivent faire face.
Il y a aussi les différentes décisions de l’administration Plante qui ont bloqué ou retardé différents projets résidentiels. On peut penser notamment au secteur Bridge-Bonaventure – à deux pas du centre-ville –, pour lequel la Ville impose une limite de développement de 7600 unités résidentielles, alors que son potentiel est évalué à 15 000 nouveaux logements.
Ce sont au total 23 760 logements pour lesquels le développement a été entravé par l’administration en place, selon une analyse produite par l’IEDM l’an dernier. Autant de logements qui auraient pu contribuer à rétablir un certain équilibre sur le marché du logement.
La mise en place du règlement 20-20-20, quant à elle, entraîne une augmentation du coût de construction allant jusqu’à 10 500 $ par porte.
Après avoir mis autant d’embûches dans les pattes de ceux et celles qui bâtissent le logement de demain, on aurait pu s’attendre à ce qu’au moins, la mairesse nous présente un plan qui permettrait de loger plus de Montréalais et de Montréalaises.
En se fiant aux objectifs du Plan d’urbanisme et de mobilité 2050, on comprend que la Ville vise la construction d’un peu plus de 200 000 logements d’ici 2050. Cela peut sembler être beaucoup. Il faut cependant comparer cet objectif à la tendance actuelle. En moyenne, il s’est bâti 10 514 logements par année au cours des cinq dernières années à Montréal.
En multipliant cela par 26 ans de construction, on remarque qu’en laissant le marché développer des logements comme il le fait présentement, et ce, malgré ces embûches réglementaires, Montréal aurait plutôt 273 354 nouveaux logements d’ici 2050.
Cela représente environ 70 000 foyers de plus pour des familles montréalaises que le plan proposé par l’administration Plante.
Plutôt que d’adopter un plan pour construire moins de logements et tenter de remplacer le marché, l’administration Plante doit cesser de mettre des bâtons dans les roues des promoteurs si on veut réellement un toit pour tous.
Gabriel Giguère est analyste senior en politiques publiques à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.