Un canular qui en dit long sur l’extrême gauche
Texte d’opinion publié en primeur sur notre site.
Les tendances marxistes d’un certain nombre de professeurs dans les facultés de sciences sociales ne datent pas d’hier. Mais plus récemment, ces tendances se sont étendues progressivement aux sciences naturelles (mathématiques, physique, biologie, etc.). Au point, semble-t-il, qu’il soit de plus en plus difficile de discerner les articles scientifiques farfelus des études sérieuses.
Rien n’expose mieux ce phénomène que l’initiative de Peter Boghossian, James Lindsay et Helen Pluckrose. Ces trois universitaires ont pendant plus d’un an rédigé plusieurs papiers complètement loufoques pour finalement les voir publier dans certains des plus prestigieux journaux académiques des sciences sociales.
Dans ce qu’on appelle le « canular Sokal au carré », ces chercheurs américains ont rédigé une vingtaine de fausses études pour piéger plusieurs revues universitaires afin de mettre en lumière ce qu’ils voyaient comme une corruption de la recherche académique répandue dans le champ des sciences sociales, et les dérives idéologiques dans certaines disciplines scientifiques.
Je cite Wikipédia : « Les papiers avancent des thèses volontairement absurdes : une nouvelle catégorie de bodybuilding pour obèses devrait être créée afin que ce sport cesse d’être oppressif envers les gros, encourager les hommes à utiliser des sex-toys anaux permettrait de lutter contre l’homophobie et la transphobie, les étudiants blancs devraient assister aux cours par terre et enchaînés, l’astronomie serait une science intrinsèquement sexiste. »
« Un des papiers a été rédigé à partir d’une poésie générée aléatoirement par un ‘’générateur de poésie adolescente angoissée’’, et un autre est une recopie d’un chapitre de Mein Kampf dont certains mots ont été remplacés par des termes propres au vocabulaire féministe. C’est une étude sur la ‘’culture du viol chez les chiens dans les parcs canins’’ qui, de par son absurdité, a attiré l’attention des médias durant l’été 2018. »
Quatre de ces études, qui auraient normalement dû être rejetées par les comités de lecture, ont été publiées (dans des journaux académiques comme Gender, Place, and Culture, Sexuality & Culture ou le Journal of Poetry Therapy). Et trois autres avaient été acceptées en vue d’une publication! Leur démarche est également bien documentée dans cet article de Areo Magazine (dirigé par Pluckrose).
Ce canular est venu en réaction à un mouvement qui semblait marginal au départ, mais qui prend une place de plus en plus grande. Et surtout, qui menace non seulement la liberté d’expression, mais la qualité de nos institutions académiques. Il s’agit d’un courant antilibéral à l’intérieur d’une certaine gauche, qui s’inspire du « marxisme culturel », un mouvement explicitement antilibéral et anticapitaliste qui s’appuie sur une critique radicale des sociétés libérales occidentales, considérées comme patriarcales, racistes, hétérosexistes et oppressives de diverses manières. Notamment parce qu’elles ont des majorités blanches et parce que l’économie de marché ne peut fonctionner qu’au profit de la majorité et en exploitant les minorités.
Ce mouvement idéologique, bien réel, va sans doute continuer de faire des ravages pour un bout de temps, et constitue une menace sérieuse pour ceux qui croient que les valeurs de nos sociétés doivent être défendues. En effet, il va sans dire que la liberté d’expression, un aspect fondamental des sociétés libérales occidentales, n’a pas vraiment d’importance pour cette frange d’extrémistes.
Bref, cette histoire serait plus drôle si elle n’était pas également inquiétante. Les débats d’idées, ainsi que l’économie de marché en général, sont menacés par ces tendances et il faut en prendre conscience.
Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.