fbpx

Textes d'opinion

Santé – Universel n’est pas synonyme de public

Cette promesse est censée être à la base de notre système de santé universel et public au Canada. Pourtant, cela fait des décennies que nos systèmes de santé provinciaux ne rencontrent pas cet idéal.

Dans les hôpitaux québécois, le patient médian aux urgences y a séjourné cinq heures et treize minutes l’an dernier – en hausse de 42 minutes depuis cinq ans.

L’an dernier, c’est près d’un patient sur 10 qui a quitté nos urgences sans être soigné, découragé par l’attente interminable.

Près de 11 000 patients québécois sont sur les listes d’attente en chirurgie depuis plus d’un an, représentant autant de risques de complications additionnelles.

Pour tous ces patients et toutes ces patientes, la promesse d’un accès dans les délais appropriés ne s’est jamais matérialisée.

Ce n’est pas un nouveau problème non plus.

Alors que l’État et les syndicats ont passé les dernières décennies à défendre le caractère public, c’est-à-dire sous gestion de l’État, de notre système de santé, trop peu d’efforts ont été mis afin d’en défendre la notion d’accès universel, provoquant la situation que nous vivons aujourd’hui.

Respect de l’universalité avant tout

À travers le monde, d’autres systèmes de santé ont fait le choix inverse : ils ne se sont pas préoccupés de qui gère le système de santé et ont plutôt canalisé leurs énergies vers le respect de l’universalité – soit l’accès pour tous et pour toutes.

Vers la fin des années 1980, la Suède faisait face à des problèmes d’accès semblables aux nôtres. Les délais d’attente en chirurgie dépassaient les délais prescrits, comme au Québec en ce moment.

En réponse à cet enjeu, le gouvernement suédois de l’époque a adopté une politique de garantie de soins. Cette politique garantit à tout patient suédois un traitement dans une période de trois mois, pour une série d’opérations différentes.

Si le délai de traitement dépasse trois mois, le patient peut aller se faire traiter dans un autre établissement – qu’il soit public ou privé – aux frais de l’hôpital qui l’avait pris en charge.

Sans surprise, à la suite de l’adoption de cette politique, les délais d’attente en chirurgie ont fondu.

La deuxième réforme, adoptée par la Suède à l’époque, a été de séparer le concept de l’assurance publique universelle de celui de la gestion des établissements de santé.

Essentiellement, les traitements des patients suédois sont couverts par l’assurance publique universelle – l’équivalent de la RAMQ –, qu’ils se présentent dans un hôpital public ou privé.

Les paiements reçus pour les traitements étant normés, les soins dispensés dans un établissement privé ne coûtent pas plus cher au Trésor public que ceux reçus dans un établissement sous gestion de l’État.

Les soins de santé devraient être accessibles à tous et à toutes, sans égard à la capacité de payer de chacun, et dans les délais appropriés.

Ce que cette réforme a permis, c’est de sortir le système de santé de la rigidité de la planification centrale, tout en incorporant un concept de concurrence entre les différents établissements.

Comme le budget d’un hôpital dépend directement du nombre de patients qui s’y font traiter, un hôpital affichant de longs temps d’attente se voit pénalisé par une perte sur son revenu potentiel lorsque les patients optent pour une autre salle d’urgence, avec une attente moindre.

La Suède n’est pas le seul pays à avoir fait le choix de l’accès universel, plutôt que celui de la gestion publique.

En France, par exemple, si l’accès à la santé est universel et garanti à tous et à toutes, cela n’empêche pas le fait que le public représente moins de 45 % des établissements hospitaliers du pays.

Les hôpitaux français sont, dans une majorité claire, des hôpitaux privés avec ou sans but lucratif, et ce, bien qu’ils soient tous accessibles via l’assurance maladie française.

Aux Pays-Bas, l’État s’est complètement retiré de la gestion des hôpitaux, laissant le secteur indépendant s’occuper de la totalité de ceux-ci.

Et dans chacun de ces pays, l’attente en santé – et donc l’incapacité à accéder aux soins dans des délais appropriés – n’a rien à voir avec l’expérience québécoise et canadienne.

Au lieu de se préoccuper autant de la structure de propriété des établissements de santé, peut-être serait-il temps que nous nous inspirions d’eux et que nous permettions au secteur indépendant de contribuer à cette promesse d’un accès universel, sans égard à la capacité de payer, et dans des délais appropriés.

Renaud Brossard est vice-président, Communications à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

Back to top