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Textes d'opinion

Réduction du prix des forfaits mobiles: le ministre Champagne n’a pas à se féliciter

La semaine dernière, nous apprenions que le gouvernement de Justin Trudeau a atteint son objectif de voir les tarifs cellulaires baisser de 25 % sur les forfaits milieu de gamme (2 Go à 6 Go). Il y a deux explications possibles. La première : les interventions du gouvernement ne sont pas à l’origine de cette réduction (il aurait alors tort de s’en attribuer le mérite). La seconde : il en est bien la cause, mais paradoxalement, il ne devrait pas s’en féliciter. Car si cette baisse à court terme permet de marquer des points politiquement, elle risque fort d’avoir des répercussions néfastes à plus long terme sur les consommateurs.

D’abord, d’une part, la tendance baissière des forfaits mobiles ne s’est pas amorcée au début de l’année 2020, loin de là. En effet, celle-ci ne date pas d’hier, mais s’observe déjà depuis plus d’une décennie : en tenant compte de l’inflation, les tarifs des paniers de services en téléphonie sans fil ont tous diminué entre 2008 et 2017, une réduction allant jusqu’à 45 % pour certains d’entre eux. La concurrence entre les entreprises de téléphonie cellulaire, qui investissent sans cesse dans la modernisation et l’innovation des réseaux mobiles, et les entreprises de télécommunications en général (pensons aux appels Wi-Fi) est la cause principale de cette réduction durable des prix (la baisse de la facture mobile aurait été encore plus considérable si elle ne s’était pas accompagnée d’une hausse de la consommation de données).

La réduction annoncée par le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, s’inscrit donc dans – et pourrait s’expliquer par – cette tendance baissière de fond. Il n’y a aucune raison ici pour les politiciens de bomber le torse.

D’autre part, si la réduction de 25 % des prix de forfaits mobiles depuis le début de 2020 était réellement causée par les agissements du gouvernement fédéral, il s’agirait d’une entorse au libre jeu du marché. Elle risque de s’avérer problématique pour les consommateurs.

Bien sûr, la réduction semble au premier abord bénéfique; les prix baissent, les consommateurs déboursent moins. Or, de telles baisses sont artificielles, pénalisent inévitablement les investissements et découragent l’innovation et le déploiement rapide des réseaux et technologies d’avenir comme la 5G. Les entreprises détenant les infrastructures de télécommunication hésiteront à investir les sommes nécessaires – considérables dans un pays comme le Canada où la densité des connexions sans fil est parmi les plus faibles au sein de l’OCDE – pour assurer un réseau de qualité aux consommateurs de demain.

Les conséquences pourraient se faire ressentir d’autant plus rapidement que l’augmentation de la consommation de données devrait normalement se poursuivre dans la population canadienne. Conséquemment, l’offre aura plus de mal à satisfaire une demande toujours plus forte pour les données mobiles.

Et ceci d’autant plus que le ministre Champagne a annoncé qu’il ne s’arrêterait pas là : «Notre gouvernement a atteint son objectif de susciter une réduction de 25 % du coût des forfaits de téléphonie cellulaire, mais notre travail n’est pas terminé.». Le constat est clair : l’interventionnisme en matière de télécommunication des politiciens et des bureaucrates se poursuivra malgré l’atteinte de cet objectif de 25 % du gouvernement.

Au bout du compte, il y a deux options. Soit le gouvernement fédéral a «enfoncé une porte ouverte» et son «coup de pouce» n’a donc pas contribué à la réduction des forfaits mobiles, la concurrence et la dynamique du marché ayant joué leur rôle autorégulateur; soit, ce qui est plus grave économiquement, les décideurs politiques à Ottawa ont réellement influencé les prix des forfaits cellulaires, en tirant artificiellement les prix à la baisse, ce qui risque d’avoir des répercussions négatives sur l’innovation et les services futurs fournis aux consommateurs, auquel cas il aurait mieux valu s’en abstenir.

Que la réduction soit l’œuvre du gouvernement ou non, il n’y a pas de quoi en être fier.

Gabriel Giguère est analyste en politiques publiques à l’IEDM et Valentin Petkantchin est chercheur associé senior à l’IEDM. Ils signent ce texte à titre personnel.

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