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Prendre son mal en patience: l’attente aux urgences augmente malgré les promesses

Point illustrant la dégradation du système hospitalier québécois et le besoin de permettre une ouverture au développement et à l’innovation en matière de soins de première ligne

Le patient médian des urgences du Québec y a séjourné 5 heures et 11 minutes l’an dernier, selon cette étude publiée par l’IEDM. À l’exception de l’année 2020-2021, la durée médiane d’une visite à l’urgence est en augmentation depuis quatre ans, étant passée de 4 heures et 31 minutes en 2018 à 5 heures et 11 minutes l’an dernier.

ANNEXE – CLASSEMENTS

En lien avec cette publication

L’attente typique à l’urgence s’est rallongée de 40 minutes en quatre ans (Le Devoir, 9 mars 2023)

Urgences du Québec – Le temps d’attente médian continue d’augmenter, selon une étude (La Presse, 9 mars 2023)

Urgences au Québec: voici les régions où il faut attendre le plus longtemps (Le Journal de Montréal, 9 mars 2023)

Les durées de séjour aux urgences parmi les plus basses dans l’Est-du-Québec (ICI Radio-Canada, 9 mars 2023)

Urgences au Québec : Voici les régions avec les pires temps d’attente (Narcity, 9 mars 2023)

L’attente dans les urgences du Québec s’allonge, révèle le classement 2022 de l’IEDM (NOOVO, 9 mars 2023)

Montréal remporte le prix citron pour l’attente aux urgences (Journal Métro, 9 mars 2023)

Half of Quebec ER visits waited over 5 hours: report (True North, 9 mars 2023)

Entrevue avec Emmanuelle B. Faubert (Sans réserve, 98,5 FM, 9 mars 2023)

Entrevue avec Emmanuelle B. Faubert (Ça vaut le retour, ICI Radio-Canada, 9 mars 2023)

Entrevue avec Emmanuelle B. Faubert (Boréale 138, ICI Radio-Canada, 10 mars 2023)

Reportage avec Renaud Brossard (TVA Nouvelles, TVA Gatineau, 9 mars 2023)

Reportage (en anglais) avec Renaud Brossard (CTV News Montreal, CFCF-DT, 9 mars 2023)

Entrevue (en anglais) avec Emmanuelle B. Faubert (Global News, Global TV, 10 mars 2023)

 

Ce Point a été préparé par Emmanuelle B. Faubert, économiste à l’IEDM. La Collection Santé de l’IEDM vise à examiner dans quelle mesure la liberté de choix et l’entrepreneuriat permettent d’améliorer la qualité et l’efficacité des services de santé pour tous les patients.

Le gouvernement du Québec a mis à la disposition de la population un nouvel outil permettant d’évaluer (et d’estimer) les temps d’attente dans les salles d’urgence de la province1. Bien que cet outil soit le bienvenu, il ne fournit en l’état qu’une vision statique actuelle de la situation. Pour évaluer correctement la performance en matière de soins d’urgence, il faut utiliser un angle historique. Si l’on observe l’évolution des durées médianes de séjour (DMS) aux urgences au cours des cinq dernières années, force est de constater que la situation se dégrade2, une tendance qui précède la pandémie.

Des temps d’attente en salle d’urgence de plus en plus longs

En 2018, la durée médiane de séjour3 correspondait à 4 heures 31 minutes. En 2022, elle est montée à 5 heures 11 minutes (voir la Figure 1). C’est une augmentation de 40 minutes en quatre ans, soit près de 15 %4. Pour les patients sur civière, l’augmentation est de 2 heures 8 minutes, soit 23,2 %.

La DMS en soins d’urgence ambulatoires5 a légèrement diminué en 2020, car au cœur de la pandémie, peu de gens se rendaient aux urgences, d’où l’attente réduite pour les cas moins graves. La DMS a repris sa tendance à la hausse par la suite.

En annexe de ce Point se trouvent le classement des DMS des régions de la province ainsi que la liste des salles d’urgence ayant la DMS la plus longue de chaque région6.

Civières : un patient sur quatre attend plus de 24 heures

Une autre donnée est tout aussi choquante : la proportion des patients sur civière qui attendent longtemps aux urgences. En 2018, 16,6 % y passaient plus de 24 heures. En 2022, c’était presque un patient sur quatre, soit près de 210 000 patients (voir le Tableau 1). Il s’agit d’une augmentation de près de 50 %7.

La proportion de patients ayant passé plus de 48 heures aux urgences a quant à elle augmenté de plus de 200 %. C’est un raté évident si l’on considère les promesses politiques qui faisaient les manchettes en 1980 et assuraient qu’aucun patient ne serait obligé de rester 48 heures aux urgences8.

Le problème, toutefois, ne vient pas seulement d’une inefficacité dans les salles d’urgence. C’est une conséquence de l’inefficacité généralisée dans le système hospitalier. En effet, bien des patients restent sur des civières aux urgences en attendant de pouvoir être transférés aux différents départements hospitaliers, alors que leur état stabilisé ne requiert plus de soins d’urgence9.

Le gouvernement fait des pas dans la bonne direction

Ces constatations démontrent que le système est inefficace et n’arrive pas à offrir les soins dont les patients ont besoin. Il est donc important d’offrir aux Québécois d’autres options pour les soins de première ligne.

Pour l’instant, les patients ont deux options principales pour éviter les urgences : aller voir leur médecin de famille ou appeler le 8-1-1. Les 776 708 Québécois inscrits au guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF)10 peuvent aussi passer par le guichet d’accès à la première ligne pour obtenir un rendez-vous11. Ces options demeurent compliquées et ne parviennent pas vraiment à remplacer efficacement les urgences.

La télémédecine peut aussi procurer des soins de première ligne. Certaines assurances collectives couvrent maintenant ces rendez-vous12. Il s’agit d’une option efficace tant pour les patients orphelins que pour les patients suivis par un médecin de famille dans le cas de problèmes mineurs ou pour obtenir des références ou des prescriptions.

Enfin, les mini-hôpitaux privés prévus par le gouvernement Legault pourraient aider à désengorger les salles d’urgence. Ceux-ci comprendraient des groupes de médecine familiale, des salles d’urgence pour les cas mineurs, des salles de chirurgie ambulatoire ainsi que des services pharmaceutiques et d’imagerie, et d’autres services hospitaliers13. Ces centres coexistent déjà avec les hôpitaux dans plusieurs pays, notamment la France et la Suède.

Si l’on veut arrêter la dégradation dans la qualité des soins et inverser la tendance, il faut repenser le système hospitalier et permettre une ouverture au développement et à l’innovation en matière de soins de première ligne.

Références

  1. Gouvernement du Québec, Santé, Système et services de santé, Organisation des services, Données, Situation dans les urgences au Québec, 23 février 2023.
  2. Ministère de la Santé et des Services sociaux, demande d’accès à l’information, janvier 2023.
  3. Nous utilisons la durée médiane de séjour plutôt que la durée moyenne de séjour. La médiane, qui correspond au point milieu d’un échantillon, représente mieux la situation réelle des patients, car elle est moins affectée par les valeurs extrêmes. Patrick Déry, « Les hôpitaux du Québec ont besoin d’entrepreneuriat », IEDM, Point, juillet 2018, p. 1.
  4. Calculs de l’auteure. Ministère de la Santé et des Services sociaux, op. cit., note 2.
  5. Les patients ambulatoires ne nécessitent pas une mise sur civière. Ministère de la Santé et des Services sociaux, Gestion clinique de l’épisode de soins, Critères d’orientation des usagers, Aire ambulatoire, consulté le 23 février 2023.
  6. Ministère de la Santé et des Services sociaux, op. cit., note 2.
  7. Idem.
  8. Patrick Déry, op. cit., note 3, p. 1.
  9. Héloïse Archambault, « Trois fois plus de patients attendent des jours sur une civière à l’urgence », Le Journal de Montréal, 21 mars 2022.
  10. Régie de l’assurance maladie du Québec, « Évolution du nombre de personnes inscrites au Guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF) selon leur statut en 2023 », mis à jour le 3 février 2023.
  11. Gouvernement du Québec, Santé, Obtenir une consultation avec un professionnel de la santé si vous n’avez pas de médecin de famille, mis à jour le 23 février 2023.
  12. Gouvernement du Québec, « Partie 2 : Lois et règlements », Gazette officielle du Québec, 14 décembre 2022, p. 6835.
  13. Coalition Avenir Québec, « Nouveaux centres médicaux privés au service des Québécois », 3 septembre 2022.
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