Pour un régime minceur de l’État québécois

Le département de l’efficience gouvernementale (DOGE) d’Elon Musk fait beaucoup réagir au Québec et au Canada.
Si certaines critiques peuvent être formulées à juste titre sur le caractère théâtral de la réduction des dépenses, il n’en demeure pas moins souhaitable de passer au crible la façon dont nos gouvernements dépensent.
L’expansion continue de l’appareil bureaucratique semble inscrite dans leur ADN, ce qui impose aux politiciens le devoir de la contenir.
La nature de la bête bureaucratique est la suivante : nous créons de nouveaux programmes et embauchons une armée de fonctionnaires pour les administrer. Rapidement, elle estime ne pas avoir les ressources nécessaires et conclut qu’il faut en embaucher encore plus pour faire le travail.
Et la roue tourne, depuis six ans et demi, avec le gouvernement de François Legault. Cela a donné lieu à plus de 108 000 embauches dans le secteur public québécois en quelques années seulement.
Ce secteur compte maintenant 608 793 employés, soit 15 % de l’ensemble des salariés du Québec en 2024.
Lorsqu’on y ajoute les employés municipaux et fédéraux, on se rend bien compte qu’un nombre de plus en plus restreint de contribuables du secteur privé finance un nombre de plus en plus grand d’employés de l’État.
Certains pourraient rétorquer que nous avons besoin d’infirmières et d’enseignantes. Certes, mais ce n’est pas la majorité des nouvelles embauches. En fait, le gouvernement provincial a embauché près de deux fois plus d’employés de bureau et de techniciens que d’infirmières et d’enseignantes combinées, depuis son arrivée au pouvoir.
Une tendance bien installée
L’augmentation du nombre d’employés dans le secteur public avec la création de Santé Québec nous montre que la tendance est bien installée, et qu’elle ne semble pas près de changer. Après tout, le gouvernement devrait avoir appris qu’à force de vouloir créer de nouvelles structures bureaucratiques, on perd le contrôle de ses effectifs.
Avec des organigrammes dignes des Douze travaux d’Astérix, nos politiciens devraient plutôt se concentrer à les simplifier et, par le fait même, à réduire les dépenses. Cette année, ce sont près de 64 milliards de dollars que les contribuables québécois devront débourser pour payer les employés de l’État. Cela revient à une dépense de 7019 $ par Québécois et Québécoise.
Une révision détaillée des dépenses, et donc de l’ensemble de l’effectif du secteur public s’impose si l’on veut restaurer la viabilité de nos finances publiques. Rappelons que, sous le gouvernement de Philippe Couillard, la mise en place de la Commission de révision permanente des programmes avait permis de dégager d’importants surplus budgétaires.
S’il est donc essentiel pour le gouvernement Legault d’aller de l’avant avec un comité de ce type, son nom importe peu. Parler d’un DOGE québécois n’a pas d’importance ; c’est la portée de son mandat et le travail de fond qu’il accomplira qui importent.
Certaines questions doivent impérativement être posées, notamment dans le contexte du déficit historique actuel de 13,6 milliards de dollars : tous les programmes atteignent-ils leurs objectifs? Le gouvernement provincial est-il le mieux placé pour s’occuper de ces enjeux? Et ne pourrait-on pas obtenir les mêmes résultats en réduisant les dépenses en personnel?
Rappelons par ailleurs que l’utilisation de nouveaux outils, comme l’intelligence artificielle, pourrait augmenter la productivité et réduire ainsi les besoins en main-d’œuvre.
Car n’oublions pas que le rôle du gouvernement n’est pas de créer des emplois, mais de fournir les meilleurs services possible à la population. Une plus grande rigueur budgétaire pourrait même accroître la capacité de l’État à répondre aux besoins des Québécois.
Est-ce que la réduction de la taille de l’État sera facile? Bien sûr que non. Après tout, un simple gel des embauches entraîne maintenant des recours juridiques contre le gouvernement.
Mais après une telle prise de poids de l’appareil public, et au vu de la faiblesse du plan de retour à l’équilibre budgétaire, un régime minceur s’impose.
Il s’avère donc incontournable de mettre sur pied un organe de révision des dépenses qui soit réellement ambitieux, pour réduire le nombre d’employés du secteur public québécois et couper dans les programmes les moins efficaces. Nous le devons aux prochaines générations, que nous ne cessons d’endetter année après année.
Gabriel Giguère est analyste senior en politiques publiques à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.