Plaidoyer pour une rigueur budgétaire

Les finances publiques du Québec sont dans le rouge.
En mars dernier, le gouvernement Legault a déposé le budget le plus déficitaire de l’histoire de la province, prévoyant un manque à gagner de 11 milliards de dollars.
Le résultat est que notre dette publique colossale poursuivra sa croissance pour attendre 257,8 milliards de dollars au mois de mars prochain. Cela représente 28 465 $ de dette par Québécois ou Québécoise.
Réalisant qu’un tel déficit n’est ni souhaitable ni viable à long terme, le gouvernement Legault a annoncé qu’il mènerait un exercice de révision des dépenses, dont les premiers résultats seront dévoilés lors du dépôt du prochain budget.
Déjà, certains ministères ont commencé à mettre la pédale douce sur les nouvelles dépenses. Le ministère des Transports, par exemple, a annoncé un gel d’un peu moins de six mois sur les embauches et les heures supplémentaires.
« Austérité »
Il n’en aura pas fallu bien plus pour que les cris « d’austérité » retentissent dans les couloirs du Complexe G, à Québec. Les représentants des syndicats de fonctionnaires sont allés sur toutes les tribunes afin de dénoncer cette nouvelle ronde de coupes massives, à l’instar de celle qui aurait eu lieu sous le sinistre règne de Philippe Couillard, selon leurs dires.
Le problème est que cette austérité radicale, ce saignement à blanc de l’appareil étatique comme diraient certains, relève du mythe et non des faits.
Entre 2014 et 2018, l’exercice auquel le gouvernement libéral de l’époque s’est adonné a été de réduire la croissance des dépenses, tout simplement.
Le dernier budget Marois adopté, déposé en 2013, prévoyait dépenser 80,5 milliards de dollars pour financer ses programmes. À la suite de son élection, en 2014, le gouvernement Couillard a fait croître ces dépenses à 84,3 milliards de dollars.
En 2015, on en était à 85,5 milliards de dollars. Pour 2016, 86,5 milliards de dollars. Pour 2017, 89,2 milliards de dollars et, finalement, en 2018, 94,3 milliards de dollars.
Loin d’avoir réduit les dépenses, le gouvernement Couillard les a fait croître de presque 14 milliards de dollars, ou 17 % en cinq ans, ce qui dépasse largement l’inflation, qui a été de 9 % sur la même période.
Bien qu’elle soit loin des coupes, cette approche a permis de dégager de généreux surplus budgétaires que son successeur a fait fondre comme neige au soleil.
Car le problème des finances publiques au Québec est très clair, et ce, depuis des décennies : le rythme de croissance des dépenses beaucoup trop élevé.
En effet, depuis les années 2000, les dépenses publiques du gouvernement du Québec ont crû de 5,45 % annuellement, et le gouvernement Legault ne fait pas exception. Les revenus, quant à eux, ont crû de 4,84 % par année.
Si cette différence paraît faible, l’effet cumulatif sur 25 ans ne l’est pas.
Cela ne prend pas un comptable pour comprendre qu’une telle déconnexion entre la croissance des dépenses et celle des revenus de l’État n’est tout simplement pas soutenable.
Expansion de l’État
L’un des responsables de cette situation est l’expansion quasi constante du rôle de l’État. Ce réflexe qu’ont nos gouvernements de vouloir trouver leurs propres solutions aux problèmes qu’ils voient dans la société, sans se questionner pour savoir s’ils sont les bons acteurs pour régler ces problèmes.
Par exemple, afin d’atteindre son objectif de combler l’écart de prospérité entre le Québec et l’Ontario, le gouvernement Legault s’était fixé l’objectif de doubler les investissements étrangers en cinq ans.
Si l’objectif est louable, la méthode choisie – soit de multiplier les subventions accordées aux entreprises – est discutable et très coûteuse.
On pourrait faire une longue liste d’exemples, mais le simple fait que le gouvernement ait dû injecter 3,6 milliards de dollars additionnels pour combler les déficits de son Fonds du développement économique depuis cinq ans parle de lui-même.
À terme, le résultat de chaque cycle d’expansion du rôle de l’État est la dynamique que nous voyons aujourd’hui, où les dépenses de l’État croissent presque systématiquement plus vite que sa capacité à les payer, et où on pellette ces factures dans la cour de nos enfants.
En l’absence d’une période de révision et de réduction des dépenses, cet écart entre les revenus et les dépenses continue de croître. Si le Québec est mûr pour une réduction des dépenses, c’est avant tout pour s’assurer qu’on lègue un État financièrement viable à nos enfants.
Gabriel Giguère est analyste senior en politiques publiques à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.