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Textes d'opinion

Nos sociétés doivent retrouver le goût de la prise de risque

La crise du Covid-19 et la stratégie du confinement adoptée pour lutter contre le virus en dit beaucoup sur nos sociétés. Afin d’empêcher la progression d’une pandémie, la population a été forcée à l’immobilisme et assignée à résidence pour limiter le risque de contagion. Ce dernier point est devenu un enjeu majeur.

L’aversion au risque, la recherche d’une société idéale où le danger n’existerait plus et où la sécurité serait totale sont les nouvelles tendances dominantes. La mort semble être devenue un phénomène de plus en plus inacceptable comme le démontre le décompte anxiogène des victimes du Covid. Pour autant, cette recherche d’une trop grande sécurité n’est pas souhaitable et est même contreproductive.

Le confinement comme apogée d’un monde sécuritaire

Le confinement avait été défendu au début comme une stratégie visant à éviter une surcharge du milieu hospitalier et un effondrement de celui-ci. Mais peu à peu cette rhétorique a été remplacée par une autre plus sécuritaire.

Les mesures de confinements sont devenues un réflexe dès que le nombre de cas remonte et ce même si la capacité hospitalière n’est pas débordée. Comme le montre les exemples de Lisbonne ou de Melbourne, le confinement, bien que plus localisé, est toujours une stratégie jugée acceptable par les dirigeants.

À cet aspect sécuritaire s’est ajouté un discours de rejet vis-à-vis du monde d’avant la crise qui démontre une instrumentalisation de celle-ci à des fins purement politiques.

On se souvient par exemple, de la tribune signée par un certain nombre d’artistes qui ne voulaient pas un retour à la normale. En cela, le confinement s’inscrit dans une approche constructiviste voulue par certains pour assurer un monde meilleur et plus sûr.

La recherche impossible et contreproductive du risque zéro

La sécurité absolue n’existe pas car le risque zéro est un impossible à atteindre en pratique. Au Canada, plusieurs anciens et actuels dirigeants, du secteur de la santé publique, de différents systèmes de santé et du domaine universitaire ont conscience de cette réalité et ont soumis aux gouvernants des provinces et de l’État fédéral une lettre ouverte.

Cette dernière appelle à « cesser de penser à tenter d’éradiquer cette maladie, ce qui est irréaliste et mènera à la dévastation continue de notre société, et nous fixer un nouvel objectif. »

Ces responsables mettent aussi l’accent sur le fait qu’une approche trop sécuritaire en matière de lutte contre la Covid-19 a « des conséquences disproportionnées sur les groupes à plus faible revenu, les personnes de race noire et autres groupes racialisés, les immigrants récemment arrivés au Canada, les populations autochtones et d’autres populations. »

De plus, précisent-ils « ces mesures risquent en outre de causer d’importants préjudices à nos enfants ». Ainsi la volonté de vouloir éviter tout risque sanitaire lié au Covid-19 a conduit à développer d’autres risques sociétaux et sanitaires qui seront à moyen et long terme plus problématiques.

Si la tribune de ces responsables vise avant tout le Canada, le raisonnement est applicable au reste du monde qui a réagi à quelques variations près de la même manière.

Le monde progresse avec la prise de risque

Refuser la prise de risque revient à condamner nos sociétés au mieux à l’immobilisme au pire à leur affaiblissement. À la fin du Moyen-Age, le continent européen était ravagé par les épidémies et les guerres. Mais les grandes expéditions d’explorateurs décidant d’aller vers l’inconnu ont permis à l’Europe de connaitre un âge d’or et un développement majeur.

L’innovation est souvent le produit d’une prise de risque qui peut se terminer par un échec cuisant mais aussi comme une grande avancée.

Plutôt que de vouloir supprimer la notion de risque au nom de la sécurité, il conviendrait plutôt d’encourager la témérité d’entreprise et l’action, une prise de risque mesurée. Le hasard et la chance sont des phénomènes naturels irréductibles. Il est utopique de vouloir les supprimer. Il conviendrait plutôt de tirer avantage de l’inconnu et des incertitudes qui nous entourent pour les transformer en opportunité de progrès.

Gaël Campan est économiste senior à l’IEDM, Alexandre Massaux, chercheur associé senior à l’IEDM. Ils signent ce texte à titre personnel.

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