Nos forêts sont très vertes, quoi qu’en disent les lobbys américains
Texte d’opinion publié en primeur sur notre site.
Ce n’est ni la première ni la dernière fois qu’un lobby américain bien financé s’attaque à l’industrie du bois d’œuvre et de la foresterie canadienne.
Profitant de la COP15 et de la couverture médiatique environnementale qui en découle, le Natural Resource Defense Council – un groupe de pression américain avec presque 300 millions de dollars de budget – a remis de l’avant un rapport particulièrement sombre sur notre industrie forestière.
Selon ses dires, notre industrie du bois aurait émis 75 mégatonnes de gaz à effet de serre en 2020, ce qui en ferait l’un des plus grands pollueurs au pays.
Dans les faits, la situation est tout autre. Plutôt qu’avoir émis des GES, l’industrie forestière canadienne a ôté 6,5 mégatonnes d’équivalent CO2 de l’atmosphère en 2020, selon les chiffres officiels du gouvernement fédéral.
Pour remettre le tout en perspective, ce que l’industrie forestière a fait équivaut à retirer près de deux millions de véhicules de nos routes, soit près de 30 pour cent du parc automobile québécois.
Comment expliquer qu’il y ait une différence aussi marquée entre le tableau apocalyptique peint par le NRDC et la réalité beaucoup plus verte que nous présentent les organismes réglementaires fédéraux?
Cela vient du fait que le NRDC ne compte qu’une partie des données. Pour arriver à ce portrait biaisé, elle ne considère que les répercussions des coupes récentes, omettant le cycle de vie des forêts et l’effet positif du reboisement.
En revanche, la méthode que le fédéral emploie pour recenser les émissions du secteur forestier se penche plutôt sur le bilan net de ce qu’on appelle les « forêts aménagées », soit celles où il y a de l’activité humaine. On recense donc l’ensemble des émissions et de l’absorption découlant d’une panoplie d’activités : la récolte, la plantation, le brûlage à plat, etc.
Cette méthode – contrairement à celle employée par le NRDC – se base sur des années d’études évaluées par les pairs et reconnues par la communauté scientifique. En fait, le modèle employé par le gouvernement fédéral fonctionne si bien que bon nombre d’autres nations s’en sont inspirées et l’ont implanté.
Il faut aussi le reconnaître : quoi qu’en pensent les lobbys américains tel le NRDC, la foresterie canadienne est un modèle à suivre.
Plusieurs études récentes montrent que les forêts canadiennes se portent bien. Selon le ministère fédéral des Ressources naturelles, notre couvert forestier recule d’environ 0,01 pour cent par an.
Ce recul infinitésimal – à ce rythme il faudrait 10 000 ans pour déboiser le pays – ne vient d’ailleurs pas de nos entreprises forestières, mais plutôt des surfaces défrichées pour permettre la création de nouvelles terres agricoles, l’accroissement du développement urbain ou encore l’exploitation de nouveaux gisements miniers, par exemple.
En fait, par la loi, les entreprises forestières sont tenues de reboiser les terres qu’elles exploitent, ce qui contribue au renouvellement et à la vitalité de nos forêts. Ce n’est pas pour rien que c’est ici, au Canada, que se trouvent actuellement 35 pour cent des forêts certifiées durables du monde.
Et ce n’est pas que nous qui le disons. Bon nombre d’universitaires, experts en foresterie, font l’éloge des pratiques canadiennes en la matière.
Dans un article scientifique publié en 2020 dans le journal Forest Policy and Economics, par exemple, les professeurs Haris R. Gilani et John L. Innes encensent le modèle canadien. Ils affirment sans détour que « le régime de conservation et de gestion des forêts du Canada […] incorpore une compréhension sophistiquée des intérêts mondiaux, nationaux et locaux qui lient les questions économiques, environnementales et sociales. »
On est, encore une fois, bien loin du sombre tableau que tente de peindre le NRDC.
Il serait mal avisé que nos décideurs politiques se basent sur de telles informations pour revoir la réglementation de notre industrie forestière. À la grandeur du pays, c’est plus de 180 000 emplois et 25,2 milliards de dollars d’activité économique qui sont en jeu.
C’est plutôt une industrie que nous devrions célébrer, quoi qu’en disent les lobbys américains.
Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.