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Textes d'opinion

Les taxes sur l’essence doivent-elles être éliminées?

Avec la montée en flèche du prix de l’essence partout au Québec et l’inflation qui persiste, il est à se demander comment le gouvernement de la province peut aider la situation financière de la classe moyenne et des moins nantis. Le gouvernement albertain a annoncé il y a quelques jours la suspension de la taxe provinciale sur les carburants à la suite de l’annonce du gouvernement Trudeau de hausser la taxe carbone fédérale à 50 $ la tonne le 1er avril prochain, et il est clair que les politiciens d’ici ont aussi un rôle à jouer dans cette période difficile pour notre portefeuille. Mais quel devrait être ce rôle exactement?

Combattre les changements climatiques, et non le revenu des travailleurs

Revenons à la base. Lorsque le gouvernement du Québec a décidé d’instaurer sa « Bourse du carbone » et que celui du Canada a mis en place la taxe carbone, le but était le même : inciter les consommateurs à modifier leurs comportements en choisissant davantage de biens plus écologiques que polluants. La logique derrière la taxation du carbone – et la Bourse du carbone – est cohérente, et permet d’internaliser les coûts de la pollution.

En d’autres mots, lorsqu’une pétrolière, par exemple, raffine des barils pour transformer le pétrole brut en différents produits comme l’essence, elle émet nécessairement plusieurs tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Ainsi, le fait de produire et de consommer du pétrole inflige un coût à autrui, en polluant l’air dont il jouit. Il est donc tout à fait cohérent économiquement – et écologiquement – que le prix d’un bien polluant comme l’essence inclue un dédommagement.

Ce (quasi) consensus chez les économistes sur le principe de la taxation du carbone est clair. Toutefois, comme on peut l’imaginer, la théorie est souvent bien différente de la pratique!

Au Québec, bien que les consommateurs d’essence soient déjà assujettis directement et indirectement à ces différents mécanismes de taxation du carbone, ils doivent aussi faire les frais de différentes taxes provinciales et fédérales additionnelles à la pompe, sans compter les taxes à la consommation.

Pour chaque litre d’essence que nous consommons, nous devons payer la taxe provinciale sur les carburants (19,2 cents), la taxe d’accise fédérale (10 cents), la taxe sur le carbone (11,05 cents à partir du 1er avril 2022) et, bien sûr, la TVQ et la TPS – sans compter que la TVQ et la TPS sont des taxes… sur les autres taxes ! À cela s’ajoute aussi pour la grande région de Montréal une taxe de 3 cents par litre pour le financement des transports en commun, et un prix minimum sur l’essence pour toutes les régions. En tout, c’est plus de 55 cents par litre en ce moment qui vont dans les coffres de l’État.

Cessons la double taxation

Si le gouvernement du Québec souhaite réellement venir en aide à la population tout en étant cohérent avec ses objectifs d’efficacité économique et environnementale, il ne doit pas succomber à la pression et exiger le retrait de la taxe carbone: il doit plutôt éliminer les taxes en double.

Plus précisément, si nous croyons que la taxe carbone et la Bourse du carbone sont des mécanismes efficaces qui visent à atteindre nos différents objectifs – et je le crois –, alors il est inutile d’ajouter une autre couche de taxation.

Le gouvernement du Québec devrait ainsi éliminer la taxe provinciale sur les carburants, et potentiellement retirer la TVQ temporairement sur l’essence pour donner un répit aux familles québécoises.

En matière de politiques publiques, avant que les décideurs politiques se demandent quelle nouvelle action ils pourraient entreprendre pour régler un problème, ils devraient toujours se demander si des mesures n’avaient pas déjà été mises en place et si ces mesures accentuent le problème. Concernant les taxes sur l’essence, c’est assurément le cas. La surtaxation doit cesser, pour le bien de toutes les Québécoises et de tous les Québécois.

Miguel Ouellette est directeur des opérations et économiste à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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