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Textes d'opinion

Les riches ne paient pas d’impôts? Vraiment?

Plusieurs commentateurs, dont certains se présentent par ailleurs comme étant spécialistes en fiscalité, aiment répéter ad nauseam sur toutes les tribunes publiques que « les riches ne paient pas d’impôt ». En tout cas, si certains riches réussissent peut-être à éviter de payer l’impôt sur le revenu grâce à diverses manœuvres (légales ou non), je peux vous assurer que plusieurs en paient, et une claque à part ça!

Un de ces « riches », un bon ami à moi, lequel fait clairement partie du 1 % des contribuables les plus fortunés au Québec, a partagé avec moi les détails de sa situation fiscale, ceci en me montrant carrément ses documents fiscaux officiels (dont notamment ses relevés T4 et relevé 1, ainsi que ses comptes de taxes municipales et scolaires).

Un cas détaillé

Durant l’année 2020, son revenu total a été de 335 992 $. Les prélèvements fiscaux à la source observables sur son T4 et son relevé 1 (l’équivalent québécois du T4) furent de: 77 456 $ (Impôt provincial québécois sur le revenu), 71 912 $ (Impôt fédéral sur le revenu), 3146 $ (contributions au RRQ), 650$ (cotisation à l’assurance-emploi), 387 $ (régime québécois d’assurance parentale), pour un grand total de 153 551 $, ou un taux effectif de 45,7 %.

En lisant ces lignes, certains syndicalistes hurleront que l’assurance-emploi n’est pas un impôt, mais ce n’est pas non plus une véritable prime d’assurance, car elle n’est pas ajustée en fonction du risque ou du niveau ou fréquence des réclamations passées, ce qui serait assurément le cas s’il s’agissait d’une véritable assurance au sens actuariel du terme.

Même chose pour « l’assurance parentale », car donner naissance à un enfant n’est généralement pas un « accident fortuit »! Mais même en ne tenant pas compte de ces trois ponctions fiscales, cela donne tout de même un taux effectif de 44,5 %.

(Notons qu’en 2020, le taux marginal d’impôt combiné – fédéral et provincial – est de 53,31 % sur chaque dollar gagné après les premiers 214 368 $.)

Il faut par contre noter que mon ami reçoit souvent en avril ou mai de chaque année un remboursement variant entre 9000 $ et 12 000 $ grâce à l’usage maximal qu’il fait de diverses déductions permises (contribution au REER, déduction de dépenses médicales, etc.).

Autres frais

Mais même en tenant compte de ce « remboursement d’impôt », il nous faut maintenant ajouter à sa charge fiscale totale les taxes scolaires, les taxes municipales, les taxes provinciales et fédérales à la consommation, ainsi que certains types de taxes où le taux est plus élevé que le taux usuel des taxes à la consommation (ex. sur l’essence). Après, on pourrait évidemment ajouter les divers permis et droits requis.

Mais ne faisons pas dévier le centre de mon propos : pour les fins de la discussion qui nous occupe, je vais inclure ces droits et permis à la « charge fiscale », au sens strict. Par contre, calculer le montant exact payé par mon riche ami en matière de taxes à la consommation n’est pas chose facile, car certaines dépenses, par exemple celles d’épicerie ou encore les dépenses médicales, ne sont pas taxables alors que d’autres, par exemple l’essence ou l’alcool, le sont à un taux plus élevé que le taux combiné (TPS + TVQ) de 14,97 %.

Mais si je me fie à un regard rapide de ses relevés de carte de crédit pour la période entre le 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020, lesquels sont très majoritairement constitués de dépenses taxables au taux combiné de 14,97 %, et que j’y ajoute les taxes municipales et scolaires, on arrive à une ponction fiscale totale avoisinant les 50 ou 51 %. Et là je ne parle pas du taux théorique marginal, mais bien du montant réellement payé (c.-à-d. taux effectif).

J’anticipe déjà que certains affirmeront que le cas spécifique de ce riche n’est pas représentatif. Pourtant, les 15 % des contribuables les plus fortunés au Québec ont payé plus de 88 % de l’impôt sur le revenu (selon les données les plus récentes).

Et les 1 % les plus riches, eux, se sont tapé 21 % du total des impôts payés! Et donc, si c’est vrai que « certains » riches paient peu ou pas d’impôt, et je doute fort qu’il y en ait tant que cela, cela veut dire, par voie de conséquence, que la contribution relative des autres riches est d’autant plus importante!

Le but de ce texte n’est pas de débattre si de faire spolier de 50 % ou 51 % du fruit de son labeur est suffisant ou pas (personnellement je pense que c’est déjà bien trop élevé), mais plutôt de démontrer qu’il est ridicule, voire même carrément mensonger, de prétendre que la majorité des gens riches ne paient que « peu » ou « pas » de taxes et impôts. Il s’agit là de populisme vicieux qui ne fait qu’envenimer indûment les relations sociales et créer des tensions et revendications fondées sur de la désinformation.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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