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Textes d'opinion

Les producteurs indépendants à la rescousse d’Hydro

Cette année, le gouvernement a été contraint de rejeter près de la moitié des grands projets de développement qu’il devait considérer par manque d’électricité.

Des entrepreneurs ont déposé au ministère de l’Énergie des projets pour lesquels ils se chargeraient de trouver le financement eux-mêmes. Cette catégorie de projets nécessiterait au moins 5 mégawatts chacun de puissance électrique.

Au total, ils ont déposé assez de projets pour avoir besoin de 21 000 mégawatts de capacité de puissance. Ce sont des serres, des entreprises manufacturières et d’autres employeurs potentiels.

Le hic, il ne resterait plus que 1000 mégawatts de puissance non allouée dans les installations d’Hydro-Québec.

Le ministre de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, a donc été contraint de rejeter bon nombre de ces projets, faute de capacité de puissance. Loin d’être le moteur de développement qu’on nous promettait autrefois, Hydro-Québec est en train de devenir un frein au développement de la province.

Autrement dit, Hydro-Québec s’attend à manquer de puissance lors des pointes hivernales à partir de 2027 en fonction de ses installations actuelles. Cela signifie de plus grandes périodes d’arrêt sur les lignes de production dans nos usines soumises au tarif interruptible, coûtant des millions de dollars par heure à notre économie, avec les effets qu’on peut présumer sur notre compétitivité et notre capacité à attirer des investissements. Cela provoque aussi des craintes quant à la capacité du monopole d’État de subvenir aux besoins d’un Québec électrifié.

Devant cette situation, on comprend bien pourquoi M. Fitzgibbon voit une certaine urgence à augmenter massivement la capacité de production d’Hydro-Québec. Selon lui, il faudrait bâtir l’équivalent d’un deuxième Hydro-Québec — soit ajouter 200 térawattheures de production annuelle — pour répondre aux besoins grandissants de la province d’ici 2050.

On comprend que les besoins sont importants. On comprend aussi, tout comme le ministre, qu’Hydro-Québec n’y arrivera pas seule.

C’est là qu’entre en ligne de compte la question des producteurs d’électricité indépendants. Ces producteurs bâtissent et exploitent déjà des installations de production au Québec et ailleurs — allant de petits barrages hydroélectriques à d’énormes champs d’éoliennes et de panneaux solaires.

Boralex, par exemple, l’entreprise basée à Kingsey Falls, au Québec, exploite plus d’une centaine d’installations de production et de stockage d’électricité à travers le monde. Avec ces installations indépendantes, ce fleuron québécois vend l’énergie qu’il produit à divers consommateurs ou distributeurs locaux, comme l’Université de la Californie.

Toutefois, au Québec, les entreprises sont contraintes par la loi de ne vendre leur électricité qu’à Hydro-Québec. Cependant, même si certains de leurs barrages ont un potentiel de production plus élevé, la loi québécoise les contraint à avoir une capacité de production maximale de 50 mégawatts.

En déliant les mains de producteurs indépendants comme Boralex — tant en leur permettant d’accroître la capacité de production de leurs opérations qu’en leur donnant accès directement à des clients industriels —, le gouvernement aiderait à stimuler l’investissement dans la production électrique et, à terme, à amoindrir, voire à annuler, l’effet limitant sur notre développement d’un manque de capacité de production d’Hydro-Québec.

Revoir l’environnement réglementaire afin de libérer le potentiel des producteurs indépendants est l’un des éléments de la boîte à outils du ministre qui permettrait d’augmenter la capacité électrique de la province.

Comme d’habitude, cela heurte certaines grandes organisations qui bénéficient du monopole actuel. Les grands syndicats, par exemple, ont déploré d’une même voix le fait que l’arrivée du projet de loi « viendra faciliter la privatisation des modes de production d’énergies et leur diversification en créant des conditions favorables à de nouvelles filières énergétiques ».

Loin d’être négative, la création de nouvelles filières énergétiques permettra précisément de compléter l’offre d’Hydro-Québec. N’en déplaise aux différents syndicats d’Hydro-Québec, la société d’État a besoin de renfort pour répondre au défi auquel le Québec fait face.

Pour assurer une contribution complète des producteurs indépendants, la libéralisation du secteur devra nécessairement se retrouver au coeur du projet de loi sur la réforme de l’énergie.

Cette approche permettrait une pleine contribution entrepreneuriale dans le secteur énergétique, et ultimement favoriserait une économie québécoise prospère et résiliente.

Après tout, il coûterait bien trop cher de mettre le développement du Québec et la création d’emplois de qualité sur pause parce que notre monopole d’État n’arrive plus à répondre à la demande en électricité.

Gabriel Giguère est analyste en politiques publiques à l’IEDM et l’auteur de « Deux obstacles à la libéralisation du secteur de l’électricité ». Il signe ce texte à titre personnel.

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