Les ports canadiens ont un problème de productivité

Point montrant que les autorités portuaires doivent se moderniser et poursuivre des initiatives comme l’automatisation pour accroître la productivité, dans l’intérêt des producteurs, des exportateurs et des consommateurs canadiens
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L’IEDM s’attaque aux syndicats des ports canadiens (Le Journal de Montréal, 13 février 2025)
Les ports canadiens ne sont pas prêts (Le Soleil, 22 février 2025) |
Entrevue avec Emmanuelle B. Faubert(Panorama, ICI Radio-Canada, 19 février 2025) |
Ce Point a été préparé par Shal Marriott, chargée de recherche à l’IEDM, en collaboration avec Emmanuelle B. Faubert, économiste à l’IEDM. La Collection Réglementation de l’IEDM vise à examiner les conséquences souvent imprévues pour les individus et les entreprises de diverses lois et dispositions réglementaires qui s’écartent de leurs objectifs déclarés.
Les ports canadiens sont parmi les premiers points de contact pour le commerce international. Toutefois, au cours des deux dernières années, ils ont été confrontés à de nombreuses tensions en matière de relations de travail, les travailleurs syndiqués s’opposant souvent aux efforts de modernisation et d’automatisation(1). Des manifestations et des conflits du travail ont eu lieu aux deux extrémités du pays, notamment à Montréal, Vancouver et Halifax. Le gouvernement a dû ordonner aux travailleurs de Montréal et de Vancouver de retourner au travail(2).
Les ports sont un maillon essentiel de la chaîne d’approvisionnement du pays et un pivot de la croissance économique, dans la mesure où ils facilitent la circulation des marchandises qui entrent au Canada et qui en sortent(3). Ce qui se passe dans les ports affecte donc l’ensemble de l’économie canadienne, y compris les consommateurs et les producteurs(4). Les perturbations ont des conséquences négatives non seulement pour les ports eux-mêmes, mais pour tout le pays.
Compte tenu de la menace qui se poursuit de l’imposition de tarifs douaniers américains sur les exportations canadiennes, il est plus clair que jamais qu’une diversité de partenaires commerciaux internationaux est un élément essentiel pour assurer la stabilité de l’économie canadienne dans de nombreux secteurs. Les opérateurs portuaires doivent pouvoir continuer à se développer de la manière qu’ils estiment la plus bénéfique pour la croissance de l’activité économique, notamment en adoptant des solutions comme l’automatisation. Malheureusement, une nouvelle loi fédérale relative au travail, adoptée en 2024, risque d’aggraver la situation, et non de l’améliorer.
Les ports canadiens ne sont pas à la hauteur sur la scène internationale
Près de 400 millions $ de marchandises transitent chaque jour par le port de Montréal, et plus de 800 millions $ par le port de Vancouver(5). Malgré l’importance de ces volumes d’échanges, les ports canadiens ne parviennent pas à maintenir leur niveau de performance.
La Banque mondiale mesure la productivité de 405 ports à conteneurs dans le monde, sur la base de paramètres comme le temps de traitement des navires et la capacité à effectuer des échanges lorsqu’ils arrivent à quai. Selon cet indice, certains ports canadiens figurent parmi les moins performants d’Amérique du Nord et du monde(6). Même si l’on se limite aux ports de moyenne envergure dans le monde, un seul port canadien, celui d’Halifax, est classé parmi les 100 plus performants. Comme le montre le Tableau 1, d’autres ports canadiens sont encore moins performants.
De toute évidence, il y a beaucoup de place à l’amélioration dans les ports canadiens en matière de productivité. Les autorités portuaires sont appelées à se moderniser, compte tenu de leur piètre rendement. L’automatisation est une voie prometteuse en vue d’accroître leur efficacité et de combler le fossé qui les sépare de leurs homologues internationaux(7). Les meilleurs ports du monde, comme celui de Singapour, ont adopté l’automatisation pour gagner en efficacité(8).
Bien que l’on puisse s’attendre à ce que les ports de moyenne envergure soient plus lents dans leur adoption de l’automatisation, des progrès ont néanmoins été constatés(9). Les deux premiers ports de moyenne envergure au monde, Cartagena (Colombie) et Yokohama (et les ports japonais en général), ont notamment davantage recours à la technologie sur les quais(10).
Au Canada, les syndicats ont toutefois exprimé leur intention de s’opposer à de telles mesures et de bloquer carrément le commerce au moyen de mesures de grève, si nécessaire(11). On peut citer comme exemple récent le cas d’Halifax, où le syndicat s’est dit préoccupé par la volonté des propriétaires du port d’augmenter le nombre de conteneurs qu’il peut traiter, et a menacé de prendre des mesures à cet égard.
De plus, il est à craindre que les répercussions négatives des grèves dans les ports ne soient exacerbées par la nouvelle loi fédérale interdisant les travailleurs de remplacement(12). Lorsque le projet de loi C-58 entrera en vigueur plus tard cette année, les grèves dans les ports canadiens pourraient être plus longues et plus fréquentes. Cela pourrait à son tour se traduire par une diminution des investissements et une détérioration de la fiabilité et de la qualité des services offerts à la population canadienne.
Conclusion
L’avenir du commerce canadien est précaire compte tenu de la menace de tarifs douaniers par les États-Unis. Une amélioration de la productivité de nos ports aurait un effet positif sur les producteurs, les exportateurs et les consommateurs canadiens. Il ne faudrait pas que les intérêts syndicaux étroits entravent à eux seuls ces progrès. Entre autres mesures, l’abrogation de la nouvelle loi fédérale interdisant les travailleurs de remplacement contribuerait à garantir que nos ports restent opérationnels et soient à même de poursuivre la mise en œuvre d’initiatives comme l’automatisation de manière à accroître la productivité, dans l’intérêt de tous les Canadiens.
Références
- Chuck Chiang, « Dispute at B.C. ports may reignite over automation: labour prof », CBC News, 9 juillet 2024; Andrew Rankin, « Containers stacking up in Halifax, Montreal as Canadian, U.S. dockworkers strike », Financial Post, 3 octobre 2024.
- Antoni Nerestant, « Labour minister forcing end of negotiations at Quebec ports marks ‘dark day for workers’ rights,’ union says », CBC News, 12 novembre 2024; Andrew Lam, « Halifax longshoremen protest over lines work they say should be theirs », CBC News, 6 août 2024; CBC News, « B.C. port operations to resume after government orders end to lockout », 14 novembre 2024.
- Transports Canada, Document d’information sur le système portuaire canadien, 17 octobre 2019.
- Transports Canada, « Le gouvernement du Canada annonce comment il va changer le mode de fonctionnement des ports pour renforcer notre chaîne d’approvisionnement et rendre la vie plus abordable », Communiqué de presse, 11 octobre 2022.
- Calcul de l’auteure pour Vancouver, sur la base de 300 milliards $ par an, soit 822 millions $ par jour. Port of Vancouver, « Mid-year trade volumes steady at Port of Vancouver, as container sector recovers », Communiqué de presse, 1er octobre 2024; Antoni Nerestant, op. cit., note 2.
- Groupe de la Banque mondiale, The Container Port Performance Index 2023, 18 juillet 2023, p. 14.
- Transports Canada, « Examen de la modernisation des ports : document de discussion », 8 juillet 2020, p. 5; Tom Chapman, « Port of Singapore: Minimising Disruption Using Automation », Supply Chain Digital, 30 avril 2024.
- Heather Ervin, « Singapore’s Tuas Port is pioneering automation transformation », MarineLog, 17 avril 2024.
- FERNRIDE, « 2024 Report : Automation & Digital Innovation in Port Logistics », 21 novembre 2024, p. 3.
- Rob O’Dwyer, « Colombian terminal deploys new private wireless network », Smart Maritime Network, 9 mai 2023; Hideyo Inutsuka et al., « Study on the Relationship between Port Governance and Terminal Operation System for Smart Port: Japan Case », Logistics, vol. 8, no 2, juin 2024, p. 10-13.
- Andrew Rankin, « Halifax, other East Coast ports, weigh robots vs. dockworkers. Unions aren’t happy », Financial Post, 1er octobre 2024.
- Gabriel Giguère, « Les conséquences néfastes de l’adoption d’une loi fédérales interdisant le recours aux travailleurs de remplacement », IEDM, Note économique, 3 juin 2024, p. 1.