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Textes d'opinion

Les CPE, un modèle dépassé?

Dans le but d’accroître l’accès aux services de garde, le gouvernement du Québec a récemment annoncé la création de 14 000 nouvelles places en garderie subventionnée au cours des deux prochaines années. Avec 51 000 enfants sur la liste d’attente pour les services de garde subventionnés, il n’y a pas une seule place de libre. Mais malgré les bonnes intentions du gouvernement, même cette modeste augmentation pourrait ne pas être réalisable étant donné les circonstances inéquitables dans lesquelles se trouvent les garderies non subventionnées. En d’autres termes, le gouvernement ne tient pas compte de toutes les garderies non subventionnées qui pourraient finir par fermer leurs portes en raison des conditions de travail inégalables du système public.

David contre Goliath

La province aura besoin de pas moins de 18 000 éducateurs supplémentaires pour répondre aux besoins du système en expansion. Le gouvernement est cependant certain de pouvoir attirer ces travailleurs grâce à l’augmentation de salaire allant jusqu’à 18 % pour les éducateurs qualifiés qui a été accordée dans la nouvelle convention collective signée en décembre. Cette augmentation substantielle est en fait l’un des éléments qui mettront en péril les milliers de places dans les garderies non subventionnées.

En effet, afin d’offrir aux éducateurs et aux éducatrices le même salaire que celui qu’ils recevraient dans le système public, les garderies non subventionnées devront faire payer les parents beaucoup plus cher. Dans certains cas, les frais quotidiens pourraient atteindre 65 $ juste pour atteindre le seuil de rentabilité. Même avec le crédit d’impôt amélioré, ces frais représenteraient une dépense nette de 32 $ par jour pour les parents — soit 25 $ de plus qu’une place en garderie subventionnée, ce qui exacerbe encore les inégalités entre les institutions et entre les familles.

Les garderies privées sont donc coincées entre le marteau et l’enclume: soit elles augmentent les frais de façon déraisonnable pour respecter les promesses du gouvernement, soit elles ferment et risquent de placer encore plus d’enfants sur la liste d’attente, ce qui est la dernière chose dont les parents ont besoin. Certains n’auront peut-être même pas le choix à faire, puisqu’ils assistent déjà à un exode de leur personnel vers le système public.

Ainsi, même si les intentions du gouvernement sont nobles, la création de places supplémentaires en garderie subventionnée aura pour effet de transférer les éducateurs d’une partie du système à l’autre, ce qui risque de faire disparaître des milliers de places existantes. En effet, les garderies non subventionnées contribuent de façon importante au système de garde d’enfants, représentant près de 23% des places en garderie dans la province, et 32 % à Montréal.

Que l’argent suive l’enfant

Les entrepreneurs québécois ont également prouvé leur capacité à répondre aux besoins croissants en matière de garde d’enfants en augmentant leur nombre de places de 25 % en moyenne chaque année depuis 2003. La croissance des places subventionnées fait pâle figure en comparaison, avec une moyenne d’environ 2 % par an. De plus, les garderies non subventionnées sont moins coûteuses pour les contribuables, puisqu’elles ne reçoivent aucune subvention directe du gouvernement, alors que la contribution financière annuelle du Québec pour une seule place dans une garderie publique s’élève à 15 500 $ — des fonds qui devraient plutôt être dirigés vers les parents par le biais du crédit d’impôt afin de leur offrir un plus grand choix.

Les entrepreneurs québécois ont démontré leur capacité à augmenter l’offre de places en garderie, sans subventions gouvernementales directes. Il ne reste plus qu’à adopter des mesures qui rendront réellement ces services plus accessibles à tous.

Pour ce faire, il faut cesser de subventionner les garderies et ne subventionner directement que les parents, comme c’est le cas dans plusieurs pays européens. Les fonds pourraient même être modulés en fonction du revenu du ménage et prendre la forme d’un crédit d’impôt remboursable. Si l’argent suit l’enfant, les établissements seront incités à offrir la meilleure qualité de service possible, au meilleur prix, tout en augmentant le nombre de places pour répondre à la demande. Après tout, si la concurrence est bonne pour les restaurants ou les magasins de vêtements, pourquoi ne le serait-elle pas pour les services de garde ?

Si l’objectif ultime du gouvernement est vraiment d’élargir l’accès au réseau des garderies, il doit repenser son mode de financement de manière à favoriser les fournisseurs qui sont en mesure d’augmenter l’offre de ce service, dont nous avons désespérément besoin.

Miguel Ouellette est directeur des opérations et économiste à l’IEDM. Il signe cette chronique à titre personnel.

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