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Les Canadiens attendent trop longtemps aux urgences

Note économique dressant un portrait des niveaux et de l’évolution des temps d’attente dans les salles d’urgence du Canada

Annexes
Données provinciales détaillées sur les temps d’attente dans les salles d’urgence (Annexes A à H).
Données sur l’évolution des durées de séjour dans les provinces canadiennes (Annexe 2).

En lien avec cette publication

Le Québec est la pire province en termes d’attente aux urgences, montre une étude (Le Devoir, 3 juin 2025)

Quebec is the worst province for emergency room wait times: study (CityNews, 3 juin 2025)

Alberta shows a lack of improvement when it comes to emergency room wait times: report (Edmonton Journal, 3 juin 2025)

Quebec’s average ER wait time is now more than 5 hours – longest in the country (CTV News, 3 juin 2025)

Urgences : les Québécois attendent plus longtemps que partout ailleurs au pays (TVA Nouvelles, 3 juin 2025)

Typical Alberta ER visit nearly four hours in 2024: report (CityNews, 3 juin 2025)

Le temps d’attente moins élevé dans les hôpitaux de la région (du Saguenay-Lac-Saint-Jean) qu’ailleurs à Québec (ICI Radio-Canada, 3 juin 2025)

Dans quelle urgence les usagers de l’Abitibi-Témiscamingue attendent le plus? (ICI Radio-Canada, 3 juin 2025)

ER at St. Boniface Hospital tops list for longest wait time in Manitoba: report (CTV News Winnipeg, 3 juin 2025)

New report shows emergency room wait times not getting better in Alberta (Western Standard, 3 juin 2025)

Des attentes aux urgences de plus en plus longues au N.-B. (Acadie Nouvelle, 3 juin 2025)

Le CHAUR de Trois-Rivières, parmi les urgences où l’on attend le plus au Québec (ICI Radio-Canada, 3 juin 2025)

Les temps d’attentes aux urgences s’allongent au Nouveau-Brunswick (ICI Radio-Canada, 3 juin 2025)

Study paints grim picture of worsening wait times in northern Ont. ERs (CTV News Northern Ontario, 3 juin 2025)

Report shows Manitoba ER patients waiting longer (Winnipeg Sun, 4 juin 2025)

Entrevue avec Emmanuelle B. Faubert (Le show du matin, KYK Radio, 3 juin 2025)

Entrevue avec Emmanuelle B. Faubert (La commission, 98,5 FM, 3 juin 2025)

Entrevue avec Renaud Brossard (Sophie Durocher, QUB Radio, 3 juin 2025)

Reportage avec Emmanuelle B. Faubert (Ça nous regarde, ICI Radio-Canada, 3 juin 2025)

Entrevue avec Emmanuelle B. Faubert (Phare Ouest, ICI Radio-Canada, 4 juin 2025)

Entrevue avec Emmanuelle B. Faubert (Bonjour la Côte, ICI Radio-Canada, 5 juin 2025)

Entrevue avec Gabriel Giguère (Reg against le matin, BLVD 102.1, 6 juin 2025)

Reportage (en anglais) avec Krystle Wittevrongel (CTV News Northern Ontario, 3 juin 2025)

Reportage (en anglais) avec Emmanuelle B. Faubert (Global News, 3 juin 2025)

Reportage (en anglais) avec Renaud Brossard (CTV News Atlantic, 3 juin 2025)

Reportage (en anglais) avec Krystle Wittevrongel (CTV News Alberta, 3 juin 2025)

Reportage (en anglais) sur les résultats d’une étude de l’IEDM (Global News Alberta, 3 juin 2025)

Reportage (en anglais) sur les résultats d’une étude de l’IEDM (CTV News Calgary, 3 juin 2025)

Reportage avec Emmanuelle B. Faubert (ICI Radio-Canada, 3 juin 2025)

Reportage avec Gabriel Giguère (TVA Nouvelles Abitibi-Témiscamingue, 3 juin 2025)

Reportage avec Emmanuelle B. Faubert (TVA Nouvelles Carleton-sur-Mer, 3 juin 2025)

Reportage (en anglais) avec Renaud Brossard (CTV News Saskatchewan, 6 juin 2025)

 

Cette Note économique a été préparée par Emmanuelle B. Faubert, économiste à l’IEDM, en collaboration avec Yassine Benabid, stagiaire de recherche à l’IEDM, Krystle Wittevrongel, directrice de la Recherche à l’IEDM, et Samantha Dagres, gestionnaire, Communications à l’IEDM. La Collection Santé de l’IEDM vise à examiner dans quelle mesure la liberté de choix et l’entrepreneuriat permettent d’améliorer la qualité et l’efficacité des services de santé pour tous les patients.

Le système de santé canadien est réputé pour ses longs délais d’attente. Le manque d’accès aux soins primaires et les difficultés à retenir le personnel sont des problèmes bien connus qui nuisent à l’efficacité du système de santé(1). Alors que des dizaines de milliers de patients se rendent chaque jour aux urgences et attendent des heures avant d’être traités, les services d’urgence sont l’un des nombreux goulets d’étranglement à résoudre pour que les Canadiens aient accès rapidement aux soins dont ils ont besoin.

Pour dresser un portrait plus clair des niveaux et de l’évolution des temps d’attente dans les salles d’urgence du Canada, nous avons examiné les données à la fois entre les provinces et au fil du temps.

Deux indicateurs

L’une des meilleures façons de mesurer les temps d’attente aux urgences est d’évaluer la durée totale du séjour. Celle-ci correspond au temps passé par un patient dans le service d’urgence, depuis son arrivée et son enregistrement jusqu’à son départ du service, qu’il ait obtenu son congé ou qu’il ait été hospitalisé.

Un autre indicateur important est le délai avant la prise en charge initiale par un médecin, soit le temps écoulé entre l’enregistrement initial ou le triage et l’évaluation initiale par un médecin ou une infirmière praticienne. Cet indicateur montre combien de temps les patients doivent attendre avant d’être pris en charge par un professionnel de la santé.

Les données montrent que la durée médiane la plus courte a été enregistrée à Terre-Neuve-et-Labrador, soit 2 heures et 45 minutes, presque la moitié de celle observée au Québec, où la médiane s’établit à 5 heures et 23 minutes. Il s’agit là d’un écart considérable.

La médiane, la mesure statistique utilisée, représente le point milieu, ce qui signifie que 50 pour cent des patients attendent moins longtemps, tandis que les autres 50 pour cent attendent plus longtemps. Cette mesure est moins sensible aux cas extrêmes qu’une simple moyenne et donc plus à même de refléter l’expérience réelle vécue par la majorité des Canadiens lorsqu’ils se rendent aux urgences.

Temps d’attente dans les provinces canadiennes

Nous avons examiné les données relatives à ces deux indicateurs dans plusieurs provinces canadiennes. Celles-ci étaient disponibles pour l’exercice financier 2024-2025 dans les provinces suivantes : Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, Ontario, Île-du-Prince-Édouard et Québec.

Durée du séjour

En ce qui concerne la durée médiane de séjour, certaines provinces affichent de meilleurs résultats que d’autres. Les données montrent que la durée médiane la plus courte a été enregistrée à Terre-Neuve-et-Labrador, soit 2 heures et 45 minutes, presque la moitié de celle observée au Québec, où la médiane s’établit à 5 heures et 23 minutes (voir le Tableau 1). Il s’agit là d’un écart considérable.

Délai avant la prise en charge initiale par un médecin

En ce qui concerne la prise en charge initiale par un médecin, c’est en Ontario et en Alberta que le délai médian est le plus court, alors que 50 pour cent des patients sont vus en 1 heure et 30 minutes. La Colombie-Britannique, le Québec ainsi que Terre-Neuve-et-Labrador sont en milieu de peloton. À l’autre extrême, l’Île-du-Prince-Édouard affiche le délai le plus long, avec une médiane de 2 heures et 58 minutes, soit près du double des délais observés en Alberta et en Ontario.

Par ailleurs, les résultats varient considérablement d’un établissement à l’autre à travers le pays. Par exemple, la durée médiane de séjour à la clinique médicale Bay d’Espoir à Terre-Neuve-et-Labrador est très courte – seulement 29 minutes. En comparaison, 50 pour cent des patients de la salle d’urgence du Pavillon Albert-Prévost, au Québec, y passent plus de 13 heures et 5 minutes (voir les Annexes A à H). Il s’agit là d’un écart de plus de 12 heures.

Évolution des temps d’attente depuis 2020

En ce qui concerne l’évolution des temps d’attente au cours des cinq dernières années, l’ensemble des provinces pour lesquelles les données étaient disponibles ont vu leur durée médiane de séjour et leur délai médian avant l’évaluation initiale par un médecin augmenter(2).

La hausse la plus marquée a été observée à l’Île-du-Prince-Édouard, où la durée médiane de séjour et le délai médian avant l’évaluation initiale par un médecin ont tous deux augmenté de 1 heure et 35 minutes au cours de cette période, soit une hausse de 51,8 pour cent pour la première, et de 114,5 pour cent pour le second (voir la Figure 1).

Au cours de la dernière année de la période de cinq ans, cependant, les tendances ne sont pas toutes du même ordre. La plupart des provinces, dont la Colombie-Britannique, le Québec, l’Île-du-Prince-Édouard, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick (Réseau Vitalité), ont vu leur durée médiane de séjour augmenter, la hausse la plus marquée étant observée en Colombie-Britannique, avec un gain de 14 minutes. Terre-Neuve-et-Labrador et l’Alberta, en revanche, ont maintenu la même durée médiane de séjour que l’année précédente.

La tendance est moins uniforme en ce qui concerne le délai médian avant la prise en charge initiale par le médecin. Seule l’Alberta s’est améliorée au cours de la dernière année, enregistrant une modeste diminution de six minutes. D’autres provinces, dont la Colombie-Britannique, l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador et le Québec, ont vu ce délai augmenter. C’est à l’Île-du-Prince-Édouard que l’augmentation a été la plus importante, avec un gain de 14 minutes par rapport à l’année précédente. Pour sa part, l’Ontario est demeuré stable, sans amélioration ni détérioration.

Les Canadiens attendent de plus en plus longtemps avant de recevoir des soins dans un service d’urgence.

Bien que ces comparaisons de temps d’attente dépendent d’une multitude de facteurs, liés tant aux établissements eux-mêmes qu’à la qualité des données recueillies, elles offrent un aperçu de l’expérience vécue par les patients dans les services d’urgence du pays. La conclusion générale qui se dégage de cette première analyse est que les Canadiens attendent de plus en plus longtemps avant de recevoir des soins dans un service d’urgence. Cette situation s’explique en partie par le manque criant d’accès aux soins primaires(3), mais aussi par le peu d’options disponibles pour les urgences non vitales.

Il devient essentiel d’examiner les solutions susceptibles de permettre aux provinces de réduire la pression croissante qui s’exerce sur les salles d’urgences.

Trouver le « chaînon manquant » des soins d’urgence : l’exemple français

Bien qu’elles soient loin d’être parfaites certaines ressources existent pour faciliter l’accès aux patients qui nécessitent des soins primaires. Dans les situations critiques, les hôpitaux s’empressent de les prendre en charge et de leur prodiguer les soins nécessaires le plus rapidement possible. Mais lorsqu’un patient est confronté à une urgence mineure, comme une fracture fermée et non déplacée, la situation devient délicate. Les médecins de soins primaires ne sont pas en mesure de fournir les soins d’urgence requis, mais un passage aux urgences risque d’entraîner des heures, voire une journée entière d’attente, en raison de la faible priorité accordée à ce type de cas. Ce genre de situation pourrait être considéré comme le « chaînon manquant » des soins d’urgence.

En France, un nouveau type de clinique a été mis en place pour améliorer l’accès aux soins d’urgence. Ces centres médicaux de soins immédiats sont des cliniques indépendantes spécialisées dans la prise en charge des cas moins prioritaires ou des urgences mineures sans danger vital(4). Il peut s’agir de fractures, de plaies nécessitant des points de suture, d’infections, de grippes et d’autres affections dites « non vitales ». Ces cliniques sont non seulement équipées pour traiter les patients, mais elles disposent également des infrastructures nécessaires pour effectuer sur place des analyses sanguines et des examens d’imagerie, ce qui rend le processus de traitement plus rapide et plus efficace.

L’objectif de ces cliniques est d’offrir aux patients une solution de rechange aux salles d’urgence des grands hôpitaux. Et bien que la plupart aient des heures d’ouverture fixes, elles ont tout de même un impact tangible sur les patients qui les fréquentent.

Les patients souffrant d’urgences relativement mineures peuvent recevoir plus rapidement les soins requis, alors que le système hospitalier traditionnel doit prioriser les cas selon leur urgence et de leur gravité.

Le principal avantage de ce modèle est qu’il permet d’alléger la pression sur les services d’urgence des hôpitaux, en redirigeant les cas mineurs vers ces cliniques. Les urgences peuvent ainsi se concentrer sur les cas graves ou complexes, de même que sur ceux qui nécessitent une hospitalisation. Les patients souffrant d’urgences relativement mineures peuvent ainsi recevoir plus rapidement les soins requis, alors que le système hospitalier traditionnel doit prioriser les cas selon leur urgence et de leur gravité, laissant les autres patienter plus longtemps(5).

Ces cliniques sont généralement des établissements privés, détenus et gérés par les prestataires de soins de santé eux-mêmes. Elles peuvent être affiliées à un hôpital ou être entièrement indépendantes(6). Leur personnel peut être composé de médecins en pratique privée ou de praticiens qui partagent leur temps entre les secteurs public et privé.

Adapter ce modèle aux systèmes de soins de santé des provinces canadiennes pourrait contribuer à combler le « chaînon manquant » en matière de soins d’urgence(7).

Conclusion

Les données montrent que les Canadiens et les Canadiennes passent de plus en plus de temps aux urgences depuis 2020.

Les patients du Québec sont ceux qui passent le plus de temps dans les salles d’urgence. La tendance la plus préoccupante est toutefois observée à l’Île-du-Prince-Édouard, où les patients attendent désormais plus de deux fois plus longtemps qu’il y a cinq ans pour voir un médecin, et passent plus de 50 pour cent plus de temps aux urgences.

Ces longs délais d’attente ne sont que l’un des symptômes des nombreux problèmes qui affectent les systèmes de santé du pays. On peut notamment citer le manque d’accès aux soins primaires et les retards dans l’accès aux soins spécialisés, deux facteurs qui poussent les patients vers les urgences, faute d’autres options.

La mise en place de cliniques de soins immédiats inspirées du modèle français permettrait de réduire la pression sur les urgences hospitalières et, par conséquent, les temps d’attente. Elle offrirait aux patients aux prises avec une urgence mineure une solution de rechange, leur évitant de prolonger leur attente en raison du faible degré de priorité accordé à leur condition. Une telle approche pourrait également réduire le nombre de visites aux urgences et, souhaitons-le, inverser la tendance actuelle qui voit les patients attendre de plus en plus longtemps pour accéder à des soins qu’ils ne peuvent actuellement obtenir nulle part ailleurs.

Références

  1. Krystle Wittevrongel et Conrad Eder, Perspectives internationales sur la santé : une comparaison des soins primaires au Canada, en Allemagne et aux Pays-Bas, Cahier de recherche, IEDM, 31 octobre 2024, p. 7; Emmanuelle B. Faubert, « Quelles provinces ont le plus de mal à garder les jeunes infirmières? », Note économique, IEDM, 24 septembre 2024, p. 3.
  2. Voir l’Annexe 2 pour consulter les graphiques de chaque province.
  3. Krystle Wittevrongel et Conrad Eder, op. cit., note 1, p. 5.
  4. CMSI France, Qui sommes-nous, consultée le 13 mai 2025.
  5. Jean-Luc Boujon, « Santé: qu’est-ce qu’un ‘’centre médical de soins immédiats’’, destiné à désengorger les urgences? », Europe 1, 28 décembre 2023.
  6. Marie Foult, « À mi-chemin entre la ville et les urgences, les centres de soins non programmés divisent », Le quotidien du médecin, 23 septembre 2022.
  7. Certaines provinces, telles que l’Alberta, ont été le lieu d’un déploiement public limité de cliniques de soins d’urgence. La nature centralisée du processus de déploiement de ces établissements publics, par contraste à ceux en France, pourrait être l’une des raisons pour lesquelles la vitesse de déploiement ne suit pas la demande, tel que le montrent les longs temps d’attente dans la province. De plus amples études seraient cependant nécessaires pour pouvoir tirer de plus amples conclusions.
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