fbpx

Textes d'opinion

La « science », le mot magique des politiciens

Au cours des derniers mois, nous avons entendu à de très nombreuses reprises les décideurs publics de tout acabit, un peu partout à travers le monde, justifier leurs actions sur la base du fait qu’ils ne faisaient que « suivre la science ».

Bien que cela ait été par ailleurs vrai dans certains cas, force est de constater que la science a eu le dos large dans toute cette crise.

En fait, comme l’explique Raymond J. de Souza  dans le quotidien canadien The National Post : les décideurs ne suivent pas la science, mais ils prennent plutôt connaissance de divers résultats scientifiques – lesquels peuvent ultimement se révéler valides ou non – pour prendre ensuite des décisions politiques.

Il s’agit là d’un processus normal que nous ne critiquons pas en soi, mais qui permet de relativiser la force probante de cet argument. De par leur nature, les résultats scientifiques décrivent ce qui se passe et ne prescrivent pas les actions qui doivent être posées en réaction à ceux-ci.

Dès lors, lorsqu’un politicien tente de justifier son action en laissant entendre qu’il ne fait que « suivre la science », c’est un non-sens car la science n’est assurément pas une religion avec des préceptes gravés dans le marbre, auxquels il faut obéir aveuglement ou docilement.

Comme le fait remarquer le président de la Royal Society Venki Ramakrishnan, la science est toujours en mouvement et la recherche évolue en fonction des résultats. Une théorie scientifique qui peut sembler juste ou largement consensuelle à un moment donné précis dans le temps peut se révéler fausse peu de temps après quand des démonstrations contraires apparaissent.

De plus, comme le mentionne le Dr. Didier Raoult, la méthode scientifique est impactée par la culture. À titre d’exemple, la méthodologie utilisée en Chine n’est pas identique à celle de l’Amérique du nord, pas plus que ne l’est la façon de communiquer les résultats des recherches ainsi effectuées.

Le Covid-19 a d’ailleurs bien montré qu’il n’existait pas de consensus scientifique sur les traitements pour lutter contre le virus mais aussi sur sa dangerosité. Et le peu de consensus qui pouvait exister a fluctué et continuer de fluctuer à travers le temps.

Dès lors, « suivre la science » revient, pour un politique, à se ranger derrière certains experts qui pourront être contredits par une autre partie de la communauté scientifique. La politique repose sur des débats entre des points de vue issus de valeurs opposées.

L’utilisation de la science par le personnel politique revient à camoufler, consciemment ou non, les valeurs et les choix politiques pour ensuite les imposer comme une vérité scientifique afin de faire l’économie des débats qui devraient normalement avoir cours.

Le danger de la politisation de la science

Une dérive de la politisation de la science est de manipuler les données pour les relier à des problématiques peu scientifiques. Le fait que plus de 1000 experts scientifiques soutiennent les manifestations BlackLiveMatter malgré le risque prétendu de propagation du Covid-19 démontre cette tendance à faire passer l’actualité politique avant la recherche.

Cette position est d’autant plus surprenante que cette même élite politico-médiatico-sanitaire a par ailleurs été extrêmement critique envers les relativement petites manifestations anti-confinement aux États-Unis. On peut comprendre que la population puisse être confuse face à tout cela.

De plus, cette politisation de la science suscite ultimement une méfiance envers le monde scientifique au sens large. Une situation qui favorise malheureusement le développement des théories du complot et de l’extrémisme et qui perturbe encore davantage le bon déroulement du débat public et de la recherche.

La science est essentielle pour trouver des solutions médicales au Covid-19 comme, par exemple, des traitements et un vaccin. L’instrumentalisation de la recherche par le politique peut, elle, avoir au contraire l’effet inverse. Il devient dès lors urgent que les politiques et les commentateurs médiatiques arrêtent d’invoquer la science, comme s’il s’agissait d’une incantation magique, pour justifier leurs choix politiques ou leurs préférences idéologiques.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l’IEDM, Alexandre Massaux est chercheur associé à l’IEDM. Ils signent ce texte à titre personnel.

Back to top