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Textes d'opinion

La grande stagnation financière des Canadiens

Depuis longtemps, nos parents et nos arrière-grands-parents ont pu vivre avec la certitude que leurs enfants vivraient mieux qu’eux.

Au cours de la dernière décennie, cependant, cette promesse a été mise à mal d’un bout à l’autre du pays.

Bien que le Canada se soit enrichi, les Canadiens et Canadiennes, eux, ont stagné. Lorsqu’on regarde la taille de la « pointe de tarte » économique qui revient à chacun d’entre nous, et qu’on l’ajuste à l’inflation, on observe que nous sommes passés de 58 162 $ à la fin de 2014 à 58 111 $ à la fin de 2023.⁠

Essentiellement, cela signifie qu’après avoir travaillé dur tout au long de la dernière décennie, nous sommes aujourd’hui un « gros 50 piastres » plus pauvre.

Si notre niveau de vie ne s’est pas amélioré au cours de la dernière décennie, celui de nos voisins du Sud a continué à croître. Sur la même période, la richesse générée par chaque Américain et chaque Américaine a crû de 18 %.

Cette grande stagnation que nous avons vécue n’est donc pas une fatalité pour une économie développée comme la nôtre, tel que le montre l’exemple américain.

Miser sur la productivité

En se penchant un peu plus sur les données, on observe que la productivité – essentiellement la valeur ajoutée par heure travaillée – est le nerf de la guerre. Il est donc ici question non pas de travailler plus, mais bien de travailler mieux, avec des outils mieux adaptés.

On comprendra aussi que la productivité se répercute directement sur notre rémunération. Après tout, si un emploi ne produit que 20 $ par heure en valeur, rares seront les entreprises qui pourront rester en affaires en le rémunérant à un montant supérieur.

Pendant ce temps, au Canada, la productivité n’a crû que de 4 %, pour atteindre 59,86 $ US – soit à peu près le même niveau de productivité du travail que les États-Unis avaient en 2001.⁠

C’est sans compter la diminution de la productivité du travail lors de huit des neuf derniers trimestres, une situation bien loin des États-Unis selon les données de Statistique Canada.⁠

Mais la situation n’a pas toujours été ainsi. Rappelons que nous jouissions d’un niveau de vie presque 10 % supérieur à la moyenne de l’OCDE en 1981 ; il est aujourd’hui presque 10 % plus bas que la moyenne.

L’investissement privé non résidentiel comme solution

Autrement dit, on a beaucoup de chemin à faire. La bonne nouvelle, c’est que la littérature économique est très claire quant à l’ingrédient clé permettant de faire croître la productivité. Il s’agit de l’investissement privé non résidentiel.

Cela se comprend. Après tout, lorsqu’une entreprise investit dans la mise à jour de ses installations – soit en achetant de nouvelles machines plus performantes, soit en implantant des outils de travail tels l’intelligence artificielle –, chacun de ses travailleurs est en mesure de faire plus et de faire mieux pour chaque heure passée au travail. Ultimement, cela vient aussi rehausser la rémunération que les travailleurs peuvent obtenir.

Sur ce tableau, les données d’un récent rapport du Centre sur la productivité et la prospérité indiquent que le Canada attire environ 17 661 $ d’investissement par emploi.

Cela peut sembler élevé, mais cela demeure 7663 $ de moins que la moyenne de l’OCDE ou 10 301 $ de moins qu’aux États-Unis. Les Norvégiens, champions en la matière, réussissent à aller chercher plus du double.

Malheureusement, alors que l’investissement est le nerf de la guerre pour freiner la croissance de cet écart de productivité, les gouvernements Trudeau et Legault ont opté pour une hausse de l’impôt sur ces mêmes investissements.

Selon une récente étude publiée par l’Institut C.D. Howe, l’augmentation de l’impôt sur le gain en capital viendrait réduire de 127 milliards de dollars le capital disponible pour l’investissement au pays.

Augmenter le coût des investissements pour les entreprises lorsqu’il y a un déficit en la matière par rapport aux autres pays est contre-productif pour résorber le problème et contribuer à augmenter la richesse de la population au Canada.

Si rien ne change, il semble que cette grande stagnation risque de continuer, au grand dam des Canadiens et Canadiennes d’aujourd’hui et de demain.

Gabriel Giguère est analyste senior en politiques publiques à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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