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Indice du leadership provincial en matière de commerce intérieur – Édition 2021

Cahier de recherche qui démontre que la suppression des obstacles au commerce intérieur constitue une politique de croissance inclusive pour le Canada et qui établit un classement des provinces et des territoires en fonction de leur ouverture au libre-échange intérieur.

Alors que la campagne de vaccination bat son plein, l’attention du grand public se tourne de plus en plus vers la relance de notre économie. Les auteurs de ce Cahier de recherche proposent une solution bien simple : un véritable accord de libre-échange entre les provinces canadiennes. Cette publication inclut notamment un classement des provinces et des territoires en fonction de leur ouverture au commerce intérieur. L’Alberta arrive au premier rang et le Québec au dernier.

Annexe technique

En lien avec cette publication

Le commerce entre les provinces, «qu’ossa donne»? (Le Journal de Montréal, 30 mars 2021)

Free interprovincial trade once and for all (National Post, 30 mars 2021)

William Watson: Low-hanging fruit to boost Canada’s economy is left dying on the vine (National Post, 30 mars 2021)

Tear down Canada’s interprovincial trade barriers (Sun Media Papers, 3 avril 2021)

Interprovincial trade barriers are stifling Canada’s economy: MEI report (The Hub, 20 avril 2021)

Entrevue avec Miguel Ouellette (Le café show, Ici Radio-Canada, 13 avril 2021)

Entrevue (en anglais) avec Krystle Wittevrongel (The Mike Farwell Show, 570 News, 19 avril 2021)

Entrevue (en anglais) avec Krystle Wittevrongel (Bloomberg Markets, BNN-TV, 30 mars 2021)

Discussion (en anglais) avec Krystle Wittevrongel (The School of Public Policy, YouTube, 9 novembre 2021)

 

Ce Cahier de recherche a été préparé par Olivier Rancourt, économiste à l’IEDM, et Krystle Wittevrongel, analyste en politiques publiques à l’IEDM, avec la collaboration de Miguel Ouellette, directeur des opérations et économiste à l’IEDM.

Points saillants

Le Canada a été fondé avec la vision de créer un marché unique et d’éliminer les contrôles frontaliers et les barrières tarifaires entre les régions. Bien qu’il n’existe plus de barrières tarifaires internes en tant que telles dans notre pays, chaque province et territoire a, au fil du temps, instauré des lois et des règlements qui entravent la circulation transfrontalière des biens et des services. Pourtant, les Canadiens sont majoritairement en faveur du modèle « un Canada, un marché » pour l’échange de biens et de services. Dans un contexte marqué par des déficits importants et une croissance ralentie, la suppression des barrières au commerce intérieur représente une occasion unique de mettre en place une politique de croissance inclusive.

Chapitre 1 – La richesse des provinces et des territoires

  • La spécialisation et le commerce sont des piliers de création de richesse, autant pour les nations que pour les provinces, les territoires et les régions – et les partenaires commerciaux moins compétitifs ont relativement plus à gagner de la spécialisation que leurs homologues plus compétitifs.
  • Bien qu’il soit clair que l’élimination des barrières commerciales profiterait à l’ensemble des provinces en matière de PIB par habitant, celles qui ont le plus à gagner sont les plus pauvres.
  • Certaines provinces peuvent compter davantage que d’autres sur le commerce international pour compenser une carence dans les échanges interprovinciaux, et les provinces les plus peuplées, comme l’Ontario et le Québec, disposent d’une main-d’œuvre suffisamment importante pour bénéficier d’un degré considérable de spécialisation.
  • À partir des données de recensement disponibles et d’une récente étude du FMI, et en nous appuyant sur des hypothèses très prudentes, nous avons calculé la perte de PIB par habitant attribuable aux barrières interprovinciales dans chaque province.
  • Nous avons constaté, par exemple, que si les barrières au commerce intérieur avaient été abolies dès 2000, le PIB par habitant de l’Île-du-Prince-Édouard en 2018 ne serait que de 14 % inférieur à celui de l’Ontario, comparativement à un écart actuel de 24 %.
  • Dans le même sens, le PIB par habitant du Manitoba aurait en fait rattrapé celui de l’Ontario en 2013 en l’absence de barrières au commerce intérieur, et aurait maintenu un PIB par habitant comparable à celui de l’Ontario à ce jour.
  • Nous avons aussi estimé la différence de PIB par habitant en 2030 entre un scénario de suppression des barrières internes à partir de 2020 et un scénario de maintien de ces mêmes barrières.
  • Dans le scénario où les barrières au commerce intérieur sont maintenues, le PIB par habitant de I’Î.-P.-É. en 2030 est inférieur de plus de 10 000 $, celui de Terre-Neuve-et-Labrador d’environ 9000 $, le PIB par habitant du Manitoba est inférieur de près de 5000 $ et celui de la Saskatchewan de presque 4000 $ par rapport au scénario de libre-échange.
  • Pour les autres provinces, les pertes par habitant sont plus faibles, mais toujours supérieures à 2000 $ par personne, démontrant que les enjeux sont indéniablement de taille, surtout dans un monde postpandémique, où des choix difficiles doivent être faits pour aider à relancer l’économie.

Chapitre 2 – Rares sont ceux qui suivent la voie de l’ALEC

  • Dans le classement 2021, l’Alberta occupe la première place, suivie du Manitoba en deuxième place, puis de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan à égalité en troisième place. Le Québec se classe au dernier rang, avec presque six fois plus d’exceptions au libre-échange intérieur que l’Alberta, tandis que le Yukon et le Nouveau-Brunswick ne font guère mieux.
  • Seules trois provinces, soit l’Alberta, le Manitoba et l’Ontario, se sont employées à améliorer leur ouverture au commerce depuis la signature de l’ALEC en 2017.
  • Dans le cas de la Colombie-Britannique et de chacun des territoires, les barrières au commerce intérieur ont en fait augmenté depuis la signature de l’ALEC initial.
  • Certaines provinces pourraient améliorer considérablement leurs pointages, au grand bénéfice de leurs contribuables, simplement en éliminant leurs exceptions en matière de marchés publics, qui ont pour effet de faire grimper les coûts de fonctionnement des différents services gouvernementaux visés.
  • L’ALEC a marqué un pas dans la bonne direction en définissant une liste de biens et de services exclus de l’accord – le recours à une liste dite « négative » – par opposition à certains accords de libre-échange antérieurs qui comportaient une liste « positive » de biens et de services assujettis à l’accord.

En dépit des bonnes intentions des provinces et des territoires canadiens lors de la signature de l’Accord de libre-échange canadien de 2017, seulement trois provinces ont réellement joint le geste à la parole en réduisant leurs exceptions au libre-échange intérieur depuis lors. Cette situation est particulièrement défavorable aux provinces les moins prospères, qui bénéficieraient le plus d’un véritable marché unique pancanadien. Cependant, même les provinces les plus riches verraient leur PIB par habitant augmenter par rapport au scénario du statu quo. Bref, c’est l’ensemble du pays qui en bénéficierait.

Le processus de libéralisation du commerce intérieur a été entamé au moment de la Confédération et de la suppression de divers droits de douane entre les provinces. La suppression des dernières exceptions de l’ALEC représente une occasion unique de mettre en œuvre une politique de croissance économique inclusive pour l’ensemble du Canada. Devant la nécessité de planifier une reprise économique postpandémique dans un contexte international empreint d’incertitude et de lourds déficits, il s’agit d’une occasion que nous ne pouvons ignorer.

Introduction

Des perspectives de croissance inclusives pour le Canada

Le premier Indice de leadership provincial en matière de commerce intérieur de l’IEDM a été publié en 2019(1), deux ans après le renouvellement de l’engagement des provinces et territoires du Canada en faveur du libre-échange intérieur par le biais de l’Accord de libre-échange canadien (ALEC)(2). Il s’agissait bel et bien d’un renouvellement, dans la mesure où le Canada a été fondé avec la vision de créer un marché unique et d’éliminer les contrôles frontaliers et les barrières tarifaires entre les régions(3). Depuis l’entrée en vigueur de l’accord commercial intergouvernemental initial en 2017, deux versions ultérieures ont été publiées, dont la plus récente en janvier 2021(4).

L’un des principaux objectifs de la Confédération était la création d’un marché unique au lendemain de la fin du traité de réciprocité avec les États-Unis en 1866(5), lequel avait permis la libre circulation de certains biens entre les colonies de l’Amérique du Nord britannique et les États-Unis(6). Par leur unification au sein d’une confédération, les colonies britanniques créaient entre elles un marché intérieur stable, à l’abri des aléas de la politique internationale. Elles bénéficiaient ainsi d’une protection économique face au désengagement des Britanniques, soucieux de réduire leurs obligations économiques au sein des colonies(7).

Bien qu’il n’existe plus de barrières tarifaires internes en tant que telles dans notre pays, chaque province et territoire a, au fil du temps, instauré des lois et des règlements qui entravent la circulation transfrontalière des biens et des services. Ironiquement, alors que les accords commerciaux internationaux et interrégionaux ont éliminé les barrières entre les pays et que le Canada a bénéficié d’échanges fructueux avec des partenaires commerciaux du monde entier(8), les barrières commerciales au sein même du Canada ont été généralement maintenues ou accrues. Les divergences sur le plan des normes de sécurité et techniques, de la certification professionnelle et des obligations résidentielles, voire le protectionnisme pur et simple, ont engendré des coûts artificiels pour les producteurs, les consommateurs et les contribuables canadiens, entraînant ainsi une baisse du niveau de vie.

Par exemple, la seule façon de travailler sur un chantier de construction au Québec avec une qualification délivrée par une autre province est de passer par un processus administratif complexe de demande de reconnaissance de qualification professionnelle. Pourtant, la Commission de la construction du Québec reconnaît l’expérience de travail acquise dans les autres provinces comme valable pour accéder à l’examen de qualification provinciale(9). Chacune des provinces canadiennes impose des règles et des normes comparables, lesquelles entravent la libre circulation des biens et des services, y compris la main-d’œuvre. Elles sont très coûteuses en temps et en argent pour les entreprises qui souhaitent faire des affaires dans plusieurs provinces, en plus de pénaliser indirectement les contribuables.

Les communautés canadiennes qui bénéficieraient le plus de l’élimination des barrières commerciales voient également leurs perspectives compromises. En effet, les provinces et les territoires ne sont pas sur un pied d’égalité quant aux répercussions des barrières commerciales sur leur productivité et leur richesse. Par exemple, nous avons constaté que bien que toutes les provinces bénéficieraient dans une certaine mesure du libre-échange interprovincial, des provinces comme le Manitoba et l’Île-du-Prince-Édouard en profiteraient bien davantage que l’Ontario, l’Alberta, la Colombie-Britannique ou le Québec.

Les Canadiens sont en faveur du libre-échange intérieur

À l’image de la vision qui a unifié leur pays à ses débuts, les Canadiens sont majoritairement en faveur du modèle « un Canada, un marché » pour l’échange de biens et de services. Selon un sondage effectué par MBA Recherche en 2020(10) :

  • Neuf Canadiens sur dix (89 %) considèrent que le libre-échange interprovincial est important.
  • La grande majorité (84 %) pense qu’il devrait être possible de faire l’échange de biens et de services partout au Canada sans restriction.
  • 82 % croient que l’on devrait pouvoir transporter librement de l’alcool d’une province à l’autre.
  • 82 % des Canadiens accepteraient de se faire soigner par une infirmière praticienne formée dans une autre province.
  • La grande majorité (84 %) croit que les gens de métier formés au Canada, comme les soudeurs, devraient être autorisés à travailler dans n’importe quelle province si cela permet de réduire les coûts de construction des routes, des écoles et des logements.
  • Quatre Canadiens sur cinq (81 %) sont en faveur d’une harmonisation nationale de la réglementation applicable aux camionneurs si cela se traduit par des produits plus abordables.
  • Après avoir été sensibilisés à la question du libre-échange interprovincial, la plupart des Canadiens (79 %) sont en faveur de la réduction des barrières commerciales interprovinciales.

Comparaison des provinces : L’indice du leadership provincial en matière de commerce intérieur

Cet indice attribue aux provinces et aux territoires un pointage global basé sur le nombre total d’exceptions au libre-échange en vigueur, ventilé par catégories, selon la typologie de l’ALEC. En général, le bilan des signataires de l’ALEC de 2017 est décevant. Seules trois provinces, soit l’Alberta, le Manitoba et l’Ontario, ont réalisé des progrès conformément aux principes de l’accord et ont réduit le nombre de barrières qu’elles maintiennent, tandis que la Colombie-Britannique et les territoires ont plutôt augmenté les barrières au commerce depuis la signature de l’accord en 2017.

En raison des gains considérables qui découlent de la libéralisation du commerce interprovincial au profit de la croissance économique de toutes les régions du pays, cette deuxième édition de notre classement en matière de commerce intérieur devrait servir d’avertissement aux provinces et aux territoires qui ne consacrent pas les efforts nécessaires à la réduction et à l’élimination des barrières actuelles.

Dans un contexte postpandémique marqué par des déficits importants et une croissance ralentie, la suppression des barrières au commerce intérieur représente une occasion unique de mettre en place une politique de croissance inclusive qui relève entièrement des Canadiens. Compte tenu de l’incertitude sur le plan géopolitique et des échanges internationaux, la capacité de tirer parti de notre potentiel de croissance interne revêt d’autant plus d’importance.

Lire l’Indice du leadership provincial en matière de commerce intérieur – Édition 2021 en format PDF

Références

  1. Mark Milke, Internal Trade Provincial Leadership index, IEDM, Cahier de recherche, novembre 2019.
  2. Accord de libre-échange canadien, version consolidée, 19 avril 2017.
  3. Janet Ajzenstat, et al. (eds.), Canada’s Founding Debates, Stoddart, 1999, p. 135.
  4. Accord de libre-échange canadien, version consolidée, 1er janvier 2021.
  5. L’encyclopédie canadienne, « Confédération, 1867 », 31 mars 2017.
  6. L’encyclopédie canadienne, « Réciprocité », 12 novembre 2019.
  7. L’encyclopédie canadienne, op. cit., note 5.
  8. Gouvernement du Canada, Entreprises et industrie, Commerce international et investissement, Négociations et accords de commerce, Le Canada et l’Organisation mondiale du commerce (OMC), 19 janvier 2021.
  9. Commission de la construction du Québec, Qualification et accès à l’industrie, Reconnaissance de la formation et de l’expérience de travail, 2021.
  10. MBA Recherche, Canadians’ Attitudes Towards Interprovincial Free Trade, sondage réalisé pour la Canadian Constitution Foundation, 14 octobre 2020, p. 32, 38, 39, 55, 58, 59 et 63.
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