Gain en capital: plus de mal, moins de bénéfices
Le verdict est enfin tombé: il semble que la hausse du taux d’inclusion des gains en capital fera tout aussi mal à notre économie, mais rapportera moins de revenus qu’estimé à l’État.
Selon le directeur parlementaire du budget, le gouvernement fédéral devrait s’attendre à tirer au moins deux milliards de dollars de moins sur cinq ans que ce qu’il anticipait au mois de mars dernier.
Tel que l’explique son analyse, le gouvernement Trudeau comptait sur deux éléments différents pour maximiser les revenus qu’il tirerait de cette hausse d’impôt.
Le premier est l’augmentation du taux d’inclusion comme tel, qui s’articule comme une hausse de 33 % du taux d’imposition effectif sur le gain en capital, passé un certain niveau de revenu.
Cela peut être vu comme une question d’arithmétique : si Ottawa accapare une plus grande part de ces gains, le gouvernement encaissera plus d’argent, selon cette logique.
Le second élément sur lequel le gouvernement comptait est la réaction des investisseurs à son annonce.
Lorsqu’on regarde les prévisions du gouvernement, l’année où cette hausse d’impôt serait la plus rentable pour l’État – et donc la plus coûteuse pour les investisseurs – serait cette année.
D’une manière un peu cynique, le gouvernement Trudeau comptait sur une vente massive d’actifs, au cours des semaines entre l’annonce de cette hausse d’impôt et son entrée en vigueur, de la part d’investisseurs voulant profiter du taux d’inclusion en vigueur avant son augmentation.
Ce que l’analyse du directeur parlementaire du budget vient ajouter au débat, c’est la question du changement de comportement des investisseurs face à une telle hausse de leur fardeau fiscal.
Tel qu’il l’explique dans son analyse, les particuliers sont des gens rationnels qui, devant une telle augmentation, réagissent en choisissant d’autres avenues d’investissement, d’autres stratégies de vente d’actifs ou d’utiliser leur argent différemment.
Après tout, du point de vue de l’investisseur, celui-ci vient de voir diminuer le rendement après impôts de chaque placement qui lui est proposé au Canada, alors que le montant demandé et le niveau de risque demeurent inchangés.
En fonction de cela, il décidera d’aller vers des placements un peu moins risqués, de placer un peu moins d’argent, ou encore de placer une plus grande part de son argent dans des projets ailleurs qu’au Canada, qui ne sont pas soumis à ces mêmes taux d’imposition.
La variation des fonds alloués à l’investissement en fonction du niveau de rendement espéré est ce qu’on appelle l’élasticité.
Et selon les études économiques sérieuses consultées par le directeur parlementaire du budget, celle des particuliers et des fiducies est très élevée, signifiant que pour chaque dollar de plus que le gouvernement va chercher en impôts, beaucoup de dollars d’investissement potentiels sont perdus au pays.
Si cette hausse d’impôt est dommageable pour les investisseurs, elle l’est particulièrement pour nos entrepreneurs.
Lorsque vient le temps de lancer leurs projets, ceux-ci ont généralement besoin de faire appel à des investisseurs pour obtenir le financement dont ils ont besoin.
Si ces projets laissent miroiter de beaux rendements potentiels, le niveau de risque qui y est associé est très élevé. En effet, près de 90% des jeunes entreprises sont vouées à l’échec au Canada.
On comprendra que, dans ces circonstances, nos jeunes entrepreneurs ont de la difficulté à aller chercher des fonds.
En accaparant une plus grande part du rendement espéré, le gouvernement fédéral – et le gouvernement Legault qui s’est empressé de l’imiter – rend des démarches encore plus complexes en réduisant la quantité de fonds disponibles pour le capital de risque.
Le problème est que ces projets entrepreneuriaux et l’investissement en capital de risque sont nécessaires non seulement pour faire croître l’économie et la prospérité du Québec et du Canada, mais aussi pour faire croître les revenus du gouvernement sur le long terme.
Après tout, lorsque nos entreprises vont bien, elles grossissent, emploient de plus en plus de Canadiens et Canadiennes à des salaires qui, généralement, sont de plus en plus élevés.
Du point de vue du fisc, cela se traduit en une augmentation des revenus d’impôt des entreprises et d’impôt des particuliers.
À l’inverse, lorsqu’on permet à moins d’entreprises de naître et de croître, on voit le potentiel de revenus de l’État diminuer, sans parler de celui des citoyens et des citoyennes.
C’est ce qui nous fait dire que, quoi qu’en dise Ottawa, cette hausse d’impôt va finir par nous coûter bien plus que ce qu’elle va rapporter.
Daniel Dufort est président et directeur général de l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.