Exploitation, investissement et réglementation du pétrole et du gaz: la Loi canadienne sur l’évaluation d’impact

Cahier de recherche proposant des réformes visant à accélérer l’approbation des projets afin de renforcer la confiance des investisseurs et permettre le développement responsable du secteur pétrolier et gazier canadien
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Investors are turning away from Canadian energy (Sun Media Papers, 18 janvier 2025)
Think tank shows Impact Assessment Act killed investment in Canadian energy (Western Standard, 18 janvier 2025) |
Ce Cahier de recherche a été préparé par Krystle Wittevrongel, directrice de la Recherche à l’IEDM, et Gabriel Giguère, analyste senior en politiques publiques à l’IEDM.
Points saillants
La cadre réglementaire canadien augmente le coût de faire des affaires et rend incertain la réalisation de projets. Le pays à d’ailleurs acquis la réputation d’un endroit où les grands projets ne peuvent tout simplement pas voir le jour. Pour inverser cette tendance et préserver la prospérité future, les décideurs politiques doivent établir un contexte propice aux affaires. En particulier, le secteur pétrolier et gazier contribue de manière importante au PIB du pays, au financement des services publics et à l’amélioration du niveau de vie des Canadiens. De plus, sur le plan de la sécurité énergétique, le Canada constitue une source fiable de pétrole et de gaz pour les pays alliés.
Chapitre 1 – Un avertissement pour le secteur canadien du pétrole et du gaz
- L’extraction de pétrole et de gaz joue un rôle clé au sein de l’économie canadienne, contribuant à hauteur d’environ 208,8 milliards $ au PIB réel en 2023, soit 7,7 % du PIB du pays, et représentant 25 % des exportations totales.
- Les 181 000 travailleurs du secteur ont touché un salaire annuel moyen de 150 461 $ en 2023, soit 2,4 fois la moyenne nationale de 62 661 $ pour l’ensemble des secteurs.
- Le Canada est le quatrième producteur mondial de pétrole, et le cinquième producteur de gaz naturel, et dispose également d’importantes réserves.
- Malheureusement, entre 2009 et 2017, les investissements dans le secteur pétrolier et gazier n’ont progressé que de 1 % au Canada, alors qu’ils ont bondi de 51 % aux États-Unis.
- L’insuffisance des infrastructures d’exportation pour le pétrole et le gaz canadiens ne fait pas qu’entraver la croissance économique du pays, elle limite également sa capacité à contribuer à la sécurité énergétique des pays alliés.
- Le Canada n’a pas pu saisir l’opportunité d’approvisionner le monde avec l’énergie dont il a besoin, alors que d’autres pays ont pu mettre à disposition leurs ressources sur le marché.
Chapitre 2 – Le bourbier réglementaire canadien
- Les retards réglementaires et les interférences politiques ont fait grimper les coûts de développement des projets en plus d’augmenter le risque perçu, ce qui rend les projets énergétiques canadiens moins attrayants à titre d’investissements à long terme.
- Les investisseurs évoquent souvent des facteurs tels que l’incertitude quant à la réglementation environnementale, les redondances et les incohérences réglementaires, et les coûts associés à la conformité réglementaire pour démontrer que le climat d’investissement est moins favorable au Canada qu’aux États-Unis.
- Contrairement à la précédente Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 (LCEE 2012), qui se concentrait principalement sur l’atténuation des effets négatifs sur l’environnement, la Loi sur l’évaluation d’impact (LEI) de 2019, intègre un éventail plus large de facteurs.
- De plus, une incertitude considérable a été introduite en donnant au ministre (ou au gouverneur en conseil) la possibilité de prolonger ou de suspendre les délais à différentes étapes et dans certaines circonstances.
- Au cours des cinq années qui ont suivi l’entrée en vigueur de la LEI, un seul projet a franchi avec succès l’ensemble des étapes du processus, et celle-ci a duré trois ans et demi. Par contraste, au cours des cinq premières années de la LCEE 2012, 17 projets ont été évalués et approuvés.
- La Cour suprême a jugé en 2023 que certaines dispositions de la LEI étaient inconstitutionnelles, dans la mesure où le Parlement avait « manifestement outrepassé sa compétence constitutionnelle », et que la portée de la Loi était trop vaste en ce qui concerne l’imposition de réglementations sur des questions de compétence provinciale.
- Ce désaccord persistant quant à la constitutionnalité de la LEI et la perspective d’une série de litiges juridiques ajoutent à l’incertitude des investisseurs en augmentant les risques juridiques et l’imprévisibilité liés à l’approbation des projets.
Chapitre 3 – Recommandations pour des évaluations d’impact efficaces
Ces réformes favoriseront un cadre réglementaire propice à une approbation accélérée des projets, afin de renforcer la confiance des investisseurs et donc d’attirer les investissements. Cela permettra non seulement de stimuler la croissance économique, mais aussi de faire progresser la réconciliation économique avec les communautés autochtones, tout en renforçant la réputation du Canada en tant que fournisseur d’énergie fiable sur la scène mondiale.
- Recommandation n° 1 – Revenir à un système de délivrance de permis visant à ce que les projets respectent les normes environnementales, à la manière de la LCEE 2012, par opposition à la portée élargie de la LEI.
- Recommandation n° 2 – Fixer un délai ferme de 18 mois pour la réalisation de l’ensemble du processus d’évaluation d’impact. Cela implique :
- le retrait du pouvoir ministériel de suspendre ou de prolonger les délais; et
- la mise en œuvre de mécanismes d’application stricts, assortis de sanctions en cas de non-respect du délai.
- Recommandation n° 3 – Reconnaître automatiquement les évaluations provinciales déjà réalisées et les approbations déjà accordées. En vertu de la LEI, la plupart des grands projets doivent être approuvés à la fois par le gouvernement fédéral et par le gouvernement provincial.
Pour que les Canadiens et les Canadiennes puissent tirer parti des ressources naturelles abondantes de leur pays, il est essentiel de favoriser le développement responsable de son secteur pétrolier et gazier, de manière à créer des emplois bien rémunérés et de stimuler la prospérité économique dans toutes les régions. Or, malgré son importance, les investissements dans les projets pétroliers et gaziers continuent d’être redirigés vers d’autres pays plus attrayants, comme les États-Unis. Par ces réformes, le gouvernement fédéral serait sur la bonne voie pour mettre en œuvre un processus conciliant la protection de l’environnement et la prévisibilité indispensable aux investisseurs.
Introduction
L’un des principaux défis que le Canada devra relever au cours de la prochaine décennie sera de favoriser une croissance économique soutenue. C’est encore davantage le cas lorsqu’on considère la piètre performance de l’économie ces dernières années, marquées par une baisse du PIB par habitant(1). Le Canada se classe aujourd’hui à l’avant-dernière place en matière de productivité au sein des pays du G7, ce qui nuit au dynamisme économique et à la prospérité des Canadiens(2). Cela s’explique notamment par le cadre réglementaire canadien, qui est tellement onéreux et incertain que le pays a acquis la réputation d’un endroit où les grands projets ne peuvent tout simplement pas voir le jour(3).
Pour inverser cette tendance et préserver la prospérité future, les décideurs politiques doivent établir un contexte propice aux affaires, aussi bien sur le plan fiscal que par la simplification de la réglementation, pour l’ensemble des secteurs qui stimulent l’activité économique et contribuent à la richesse de l’ensemble des Canadiens. Le secteur pétrolier et gazier doit faire l’objet d’une attention particulière de la part des décideurs politiques, dans la mesure où il contribue de manière importante au PIB du pays, au financement des services publics et à l’amélioration du niveau de vie des Canadiens(4).
Cela est essentiel non seulement pour relancer la machine économique canadienne, mais aussi sur le plan de la sécurité énergétique. Le Canada est le deuxième producteur de pétrole et de gaz de parmi les pays de l’alliance occidentale(5) et, en période d’incertitude géopolitique, constitue une source fiable de pétrole et de gaz pour les pays alliés. De plus, le secteur pétrolier et gazier canadien, responsable de 17 % de la production des pays alliés, peut jouer un rôle essentiel en matière de sécurité énergétique sur la scène internationale(6).
Le premier chapitre de ce Cahier de recherche mettra en lumière le rôle vital du secteur pétrolier et gazier pour l’économie canadienne, y compris son importance pour les communautés autochtones et la réconciliation économique. Il abordera également la diminution des dépenses d’investissement au cours de la dernière décennie, une tendance susceptible de compromettre davantage les conditions économiques en réduisant les investissements dans de nouveaux projets générateurs de richesse et en limitant le nombre d’emplois à haut revenu disponibles pour les Canadiens. Ce chapitre explorera aussi la difficulté du Canada à saisir les opportunités offertes par la constante évolution du marché mondial du pétrole et du gaz, particulièrement au regard d’autres pays producteurs tels que les États-Unis.
Le deuxième chapitre portera sur l’un des facteurs à l’origine de la perte de compétitivité du Canada dans le secteur pétrolier et gazier, et plus particulièrement sur l’incertitude réglementaire et les conséquences de la complexité de notre processus d’évaluation pour les grands projets d’infrastructure. Nous examinerons en détail la Loi sur l’évaluation d’impact (2019) du gouvernement fédéral et son incidence sur le secteur, en soulignant les délais d’évaluation incertains et le risque élevé de contestations constitutionnelles. Ce contexte a contribué à diminuer la compétitivité du Canada par rapport à d’autres pays, notamment notre voisin du Sud(7).
Nous conclurons en proposant trois modifications au processus actuel d’évaluation d’impact, dans le but de revitaliser ce secteur essentiel pour les Canadiens. Ces changements ont le potentiel d’influencer considérablement l’avenir économique du Canada. Avec la récente élection d’un nouveau gouvernement aux États-Unis encore plus favorable à une production accrue de pétrole et de gaz, le Canada pourrait voir sa compétitivité en matière de ressources naturelles se détériorer davantage. Les décideurs politiques doivent agir pour assurer l’avenir du secteur énergétique canadien.
Références
- Chambre de commerce du Canada, « Canada’s Natural Wealth », septembre 2024, p. 7.
- Renaud Brossard, « Productivité à la traîne : une menace pour le niveau de vie des Canadiens », Point, IEDM, 10 août 2023, p. 1.
- Dylan Kelso et Mike Holden, « Future Unbuilt: Transforming Canada’s Regulatory Systems to Achieve Environmental, Economic, and Indigenous Partnership Goals », Business Council of Alberta, juin 2023, p. 7.
- Statistique Canada, Tableau 25-10-0065-01: Revenus, dépenses et bilan de l’industrie de l’extraction de pétrole et de gaz (x 1 000 000), 25 septembre 2024.
- L’alliance occidentale est composée des pays de l’OTAN, ainsi que de la Corée du Sud, du Japon, de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie. CAPP, Canada Oil and Gas Industry Overview, janvier 2024, p. 12.
- Idem.
- Julio Mejía et Elmira Aliakbari, « Canada-US Energy Sector Competitiveness Survey 2023 », Institut Fraser, janvier 2024. p. 36.