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Textes d'opinion

Énergie Saguenay : un coup dur pour les Québécois

Malgré les nombreuses sorties publiques du gouvernement Legault concernant la relance économique postpandémique et l’importance de favoriser la croissance économique des régions, il a pris la décision contradictoire de faire une croix sur le projet Énergie Saguenay de GNL Québec. Pourtant, ce dernier aurait représenté le plus important investissement privé de l’histoire du Québec, créé des milliers d’emplois au Saguenay et contribué à la diminution des émissions mondiales de GES, en plus de garnir les coffres de l’État année après année afin de contribuer au financement des services publics qui nous sont chers.

Les choix idéologiques doivent cesser

Depuis le début des discussions entourant le projet, nous avons assisté à une véritable levée de boucliers mise en scène par des groupes d’activistes. Alors que les consultations visaient ostensiblement à évaluer l’acceptabilité sociale du projet dans la région, ce sont ces militants qui semblent avoir eu le dernier mot. Dans un tel contexte, peut-on imaginer un seul projet, n’importe où au Québec, qui pourra aller de l’avant?

En effet, tant les résidents de la région que leurs représentants municipaux, dont la Ville de Saguenay, souhaitaient voir ce projet aller de l’avant. C’est tout à fait normal considérant la création d’emplois de grande qualité que ce projet aurait générée dans la région.

L’argumentaire des opposants repose essentiellement sur l’idée que le projet ferait augmenter les émissions de GES de la province, ce qui serait nuisible à la lutte aux changements climatiques. Toutefois, la prémisse même de leur argument est absolument fausse. Nous ne pouvons en aucun cas considérer les changements climatiques comme un problème purement provincial; il s’agit plutôt d’un phénomène mondial. En d’autres mots, l’objectif d’Énergie Saguenay était de liquéfier du gaz naturel canadien à l’aide de notre hydroélectricité et de l’exporter vers les marchés européens et asiatiques afin, entre autres, de remplacer de nombreuses usines au charbon qui émettent énormément de GES. Ne considérer que l’augmentation à l’échelle québécoise des émissions de GES liées à l’exploitation du projet relève donc d’une analyse à courte vue.

S’il est vrai que le promoteur n’a pas été en mesure de partager la liste de ses futurs clients, cela n’est que normal considérant que l’usine n’était toujours pas approuvée. Peut-on aussi blâmer les clients potentiels de ne pas confirmer leur intérêt alors que l’incertitude réglementaire minait le projet? Puisque la demande mondiale de gaz naturel augmentera de plus de 29 % d’ici 2040, force est de constater que les acheteurs ont plutôt fait preuve de prudence en se tournant vers des exploitants situés dans des pays où les projets se réalisent vraiment.

La décision du gouvernement est d’autant plus navrante que le Saguenay affiche un PIB par habitant bien inférieur à la moyenne provinciale et que son taux de chômage a constamment été parmi les plus élevés de la province au cours des dernières années. Le projet Énergie Saguenay aurait créé des possibilités intéressantes pour les travailleurs et les jeunes de la région.

Une prise de conscience est nécessaire

Maintenant que les décideurs politiques ont dit non à un projet qui aurait pu devenir l’un des fleurons de notre économie, nous devons laisser retomber la poussière et procéder à une réflexion rationnelle sur nos aspirations en tant que peuple québécois. Trop souvent, nous opposons la protection de l’environnement à la croissance économique, comme s’ils étaient toujours mutuellement exclusifs. Toutefois, lorsque nous prenons le temps de bien analyser les différents projets, nous constatons que dans la majorité des cas, cette fausse dichotomie est inexistante.

Que nous le voulions ou non, nous ne pouvons avoir le beurre et l’argent du beurre. Nous ne pouvons pas favoriser le développement économique régional en nous opposant constamment aux projets économiques qui sont mis de l’avant. Certes, la lutte aux changements climatiques étant l’une des priorités de notre société, nous devons prendre en compte de nombreuses variables environnementales. Cependant, tenir compte de la protection de l’environnement ne revient pas à balayer du revers de la main tout projet touchant à l’exploitation des ressources naturelles, surtout quand il est question de remplacer le charbon par une énergie plus propre comme le gaz naturel.

Il est temps de revoir notre façon d’évaluer les grands projets, tant au Québec que dans le reste du Canada, afin de donner la parole aux gens véritablement concernés. Sinon, la seule façon pour un projet d’aller de l’avant sera vraisemblablement de le nationaliser, à l’instar de Trans Mountain. N’est-ce pas complètement déraisonnable?

Miguel Ouellette est directeur des opérations et économiste à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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