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Diversifions nos exportations par la construction d’infrastructures énergétiques au Québec

Point montrant le besoin de réduire la dépendance du Canada envers les États-Unis en matière d’exportation de pétrole et de gaz

En lien avec cette publication

Energy East, GNL Québec could have diverted billions in Canadian energy to other markets: report (CTV News Calgary, 20 mars 2025)

Two cross-country pipelines could’ve diverted $38.4 billion from the U.S., new study finds (National Post, 20 mars 2025)

Quebec report shows resistance to pipelines cost $38 billion in trade war with US (Western Standard, 20 mars 2025)

Entrevue avec Renaud Brossard (Midi Pile, KYK-FM, 20 mars 2025)

Entrevue avec Gabriel Giguère (Le show du matin, KYK-FM, 21 mars 2025)

 

Ce Point a été préparé par Gabriel Giguère, analyste senior en politiques publiques à l’IEDM. La Collection Énergie de l’IEDM vise à examiner l’impact économique du développement des diverses sources d’énergie et à réfuter les mythes et les propositions irréalistes qui concernent ce champ d’activité important.

Depuis l’arrivée au pouvoir de la nouvelle administration américaine, les gouvernements provinciaux et fédéral cherchent à diversifier leurs partenariats commerciaux(1). S’inscrivant dans cette dynamique, le premier ministre du Québec s’est récemment dit ouvert à étudier de nouveaux projets énergétiques inspirés d’Énergie Est ou de GNL Québec(2). L’annulation de ces deux projets – respectivement en 2017 et 2021 – a grandement limité les débouchés des entreprises canadiennes pour leurs stocks de pétrole et de gaz, par manque d’infrastructures.
Il est primordial pour le Canada de lever les obstacles à ces projets stratégiques.

Une nécessaire diversification des marchés

Le secteur pétrolier canadien est fortement dépendant du marché américain. En effet, près de quatre barils sur cinq produits au pays en 2024 ont été exportés vers les États-Unis, soit la quasi-totalité des exportations pétrolières du Canada (97 %)(3).

Du côté du gaz naturel, la totalité des exportations canadiennes sont actuellement destinées aux États-Unis, bien que cela ne représente qu’un peu moins de la moitié de la production totale, le reste étant consommé à l’intérieur du pays(4). Le Canada ne dispose pas de grands terminaux maritimes pour exporter le gaz naturel liquéfié, de sorte que les exportations vers l’Europe ou l’Asie sont inexistantes(5). Sans ces infrastructures, la diversification des exportations reste pratiquement impossible étant donné la géographie du pays.

Or, la forte dépendance des entreprises canadiennes envers le marché américain pour écouler leurs stocks de pétrole et de gaz naturel n’est pas insurmontable. Elle est le résultat de décisions gouvernementales et de barrières réglementaires qui ont freiné, voire saboté, la construction d’infrastructures énergétiques. Cette situation devient particulièrement problématique au regard des droits de douane imposés par le président américain Donald Trump et du besoin vital pour les entreprises canadiennes de diversifier leurs marchés.

Deux projets qui n’auraient pas dû être bloqués

Pour comprendre l’importance des nouvelles infrastructures énergétiques en matière de diversification, imaginons que les projets Énergie Est pour le pétrole et GNL Québec pour le gaz naturel canadien n’aient pas été bloqués, mais soient allés de l’avant. Dans ce scénario, le premier serait déjà en service depuis la fin de l’année 2021, alors que le second serait sur le point d’être mis en service au plus tard en 2026(6).

En se fondant sur la capacité maximale de transport de ces deux projets, nous pouvons évaluer l’ampleur du potentiel de diversification dont le Canada aurait pu bénéficier.

Diversification des exportations pétrolières – le cas d’Énergie Est

Au courant de l’année 2024, près de quatre millions de barils de pétrole canadien par jour ont été exportés vers les États-Unis. Le projet Énergie Est, avec une capacité maximale de 1,1 million de barils par jour, aurait permis d’acheminer une part importante de cette production vers l’est du Canada, en passant par le Québec. En augmentant la capacité d’exporter hors des États-Unis le pétrole canadien, redirigeant ainsi 27,7 % du pétrole actuellement envoyé au sud de la frontière, ce projet aurait représenté une valeur de 36,7 milliards $ annuellement, en se basant sur la valeur totale exportée en 2024(7) (voir le Tableau 1).

Diversification des exportations gazières – le cas de GNL Québec

Le Canada a exporté en 2024 l’équivalent de 237 millions de mètres cubes de gaz naturel par jour au sud de la frontière. Avec une capacité journalière de 46 millions de mètres cubes, le projet GNL Québec aurait permis de réduire ces exportations vers le marché américain de près de 20 %, représentant une valeur annuelle estimée à 1,7 milliard $(8). Cela aurait permis de limiter à environ un tiers la part de la production du gaz naturel canadien exporté vers les États-Unis, plutôt que 45 %, en se basant sur les chiffres de 2024.

Au total, ce sont plus de 38 milliards de dollars de pétrole et de gaz par année qui auraient donc pu être redirigés vers d’autres marchés si nous avions construit Énergie Est et GNL Québec. De plus, ces projets auraient généré près de 30 milliards $ d’investissements en capital pour leur construction, selon les estimations initiales(9).

Conclusion

Les gouvernements provinciaux et fédéral doivent établir une stratégie pour réduire la dépendance du Canada envers les États-Unis en matière d’exportation de pétrole et de gaz. Cela passe par une simplification du processus réglementaire, notamment par le remplacement de la Loi sur l’évaluation d’impact(10).

Nos gouvernements doivent également adopter une politique claire en faveur de la construction de grands projets énergétiques sur leur territoire, notamment au Québec où la population y est favorable(11). Cela enverrait un signal fort aux investisseurs qu’il est possible et même souhaitable de construire des oléoducs, gazoducs et terminaux de gaz naturel liquéfié.

Références

  1. Vincent Larin, « François Legault a discuté de pipelines avec Danielle Smith », La Presse, 13 février 2025.
  2. Idem.
  3. Calcul de l’auteur. Il faut cependant noter que les exportations hors États-Unis sont passées d’environ 3 % à 6 % des exportations totales depuis la mise en service de Trans Mountain Pipeline en mai 2024. Statistique Canada, Tableau 25-10-0063-01 : Approvisionnement et utilisation du pétrole brut et équivalent, 31 janvier 2025.
  4. Statistique Canada, Tableau 25-10-0055-01 : Approvisionnements et utilisations du gaz naturel, mensuel (données en milliers) (x 1 000), 31 janvier 2025; Canadian Oil and Gas Producer, « Canadian Exports of Crude Oil and Natural Gas », mars 2024, p. 3.
  5. Statistique Canada, Application Web sur le commerce international de marchandises du Canada – Exportations – gaz naturel liquéfie, 7 février 2023; Ressource naturelles Canada, Les projets canadiens de GNL au Canada, 7 janvier 2025.
  6. Régie de l’énergie du Canada, Energy Est Pipeline Ltd. – Volume 1: Application and Project Overview, mai 2016, p. 2-30; Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, Rapport d’enquête et d’audience publique – Projet de construction d’un complexe de liquéfaction de gaz naturel à Saguenay, Rapport 358, mars 2021, p. 24.
  7. Calcul de l’auteur. Régie de l’énergie du Canada, « Aperçu du marché : Les États-Unis ont absorbé la quasi-totalité des exportations de pétrole brut du Canada en 2023 », 21 août 2024; Régie de l’énergie du Canada, Résumé des exportations de pétrole brut, 21 janvier 2025.
  8. Calcul de l’auteur. Régie de l’énergie du Canada, Résumé des échanges commerciaux de gaz naturel, 21 janvier 2025.
  9. Ces investissements en capital seraient beaucoup plus élevés en dollars de 2025. Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, op. cit., note 6, p. 23; Joe Oliver et Youri Chassin, « Comment stimuler l’économie le plus efficacement : oléoducs privés ou infrastructures publiques ? », IEDM, Point, juin 2016, p. 2.
  10. Krystle Wittevrongel et Gabriel Giguère, Exploitation, investissement et réglementation du pétrole et du gaz : la loi canadienne sur l’évaluation d’impact, IEDM, Cahier de recherche, janvier 2025, p. 25-28.
  11. Mylène Crête, « Les pipelines ont soudainement la cote », La Presse, 13 février 2025.
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